Le jeudi 1er août, s’est tenu le dernier conseil des ministres avant les vacances gouvernementales qui prennent effet le 8 août. Depuis l’arrivée au pouvoir en 2011 du président Alassane Ouattara, le gouvernement ivoirien s’octroie, généralement au mois d’août, un mois de vacances, tout en assurant la continuité de l’Etat dans tous les départements ministériels. Le prochain conseil des ministres se tiendra le jeudi 5 septembre 2024, à Abidjan. Ces vacances gouvernementales m’offrent l’occasion de consacrer plusieurs chroniques à l’action des pouvoirs locaux et au rôle essentiel que jouent les ministres-gouverneurs des districts, les présidents de région et les maires. Si le gouvernement, sous l’impulsion du président de la République et l’autorité du Premier ministre, est l’architecte du développement national, les ministres-gouverneurs des districts, les présidents de région et les maires sont, tous, les « chefs de chantier » du développement local, l’un des piliers de la concorde nationale. L’histoire récente de la Côte d’Ivoire, avec la partition de fait du pays entre la zone gouvernementale du Sud et la zone rebelle du Nord en 2002, nous a montré que les fractures territoriales et les écarts de développement entre les régions multiplient les risques d’instabilité politique, le spectre de la division se nourrissant des rivalités ethniques, des conflits fonciers et des fractures territoriales. Dans le Nord du pays, les régions frontalières avec le Burkina Faso et le Mali constituent l’épicentre de la menace terroriste qui descend vers la Côte d’Ivoire. Ces régions frontalières, qui comptent parmi les territoires les plus pauvres, au-delà de la réponse sécuritaire, attendent des projets de développement et la consolidation de l’Etat et de ses structures peut assurer la cohésion sociale et l’unité nationale. Si les carences structurelles de l’Etat, c Les pouvoirs locaux ont donc un rôle essentiel à jouer, que ce soient les ministres-gouverneurs des districts, les présidents de région et les maires. Le millefeuille administratif ne doit pas être le prétexte d’une mise en concurrence des pouvoirs locaux en fonction des appartenances politiques. Tous doivent travailler dans la même direction?
Le District des Savanes, la région du Poro : les villes de Korhogo et de M’Bengué
La Côte d’Ivoire est subdivisée en 197 communes, 111 départements, 31 régions et 14 Districts autonomes.
►Le District des Savanes – D’une superficie de 40 323km2 et une population estimée à 2 200 000 habitants en 2021, le District autonome des Savanes se situe au nord de la Côte d’Ivoire. Frontalier avec Mali et le Burkina Faso, il comprend 3 Régions : le Poro, le Tchologo et la Bagoué. Territoire essentiellement agricole, il produit du coton destiné à l’exportation. Le général Issa Coulibaly, ministre-gouverneur du District autonome des Savanes, multiplie les déplacements pour s’imprégner des réalités du terrain et des besoins des populations. La visite qu’il a effectuée, du 12 au 14 août 2022, dans la Région de la Bagoué, avait pour objet de parler du schéma directeur du District autonome des Savanes. Le Général Issa Coulibaly entend définir ce schéma directeur à partir des visites de terrain et des rencontres avec les populations, les élus et les autorités préfectorales. Ces échanges au plus près du terrain visent à dégager les priorités au plan social, environnemental, économique, culturel et sportif pour le développement des Régions du Poro, du Tchologo et de la Bagoué, tout en assurant la cohérence et la coordination des processus de développement. Tous les acteurs de la société et les forces vivent du District des Savanes doivent s’approprier ce schéma directeur. A côté des performances de l’économie nationale, les Districts ont pour mission de développer des stratégies afin de créer, dans tous les secteurs d’activité, des opportunités économiques et des pôles compétitifs qui amélioreront les performances économiques locales. Outil imaginé pour un développement harmonieux des territoires, le Général Issa Coulibaly voit dans les 14 Districts autonomes une arme efficace pour lutter contre les fractures territoriales, l’insécurité, la précarité et l’extrême pauvreté.
► La Région du Poro – Située à l’extrême Nord de la Côte d’Ivoire, la Région du Poro est frontalière, au Nord, du Mali. Elle compte quatre départements : Korhogo, Sinématiali, Dikodougou et M’Bengué. Le président de la Région, Mr Fidèle Gboroton Sarassoro, entend faire de chaque département des pôles de développement industriel et informatique, tout en misant sur le développement de l’élevage et la modernisation agricole. Parmi ses priorités, figurent la création d’une agence régionale de développement dont l’objectif est d’attirer les investisseurs ; une offre de formation pour les jeunes, afin de favoriser leur insertion sur le marché du travail ; l’autonomisation des femmes ; l’exploitation de la richesse culturelle du territoire ; le développement de l’écosystème du tourisme.
► La ville de Korhogo – Plus grande ville du Nord de la Côte d’Ivoire, Korhogo est la troisième ville la plus peuplée du pays (440 926 habitants) Ville emblématique qui concentre tous les défis que la Côte d’Ivoire doit relever, Korhogo génère le narratif fantasmé de toutes les conflictualités ivoiriennes, en particulier ce narratif instrumentalisé qui opposerait le Nord musulman au Sud chrétien. Le Père de la Nation, Félix Houphouët-Boigny, est toujours allé chercher des soutiens dans le Nord de la Côte d’Ivoire ; originaire de Korhogo, l’ancien Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, a toujours travaillé sans relâche pour consolider l’unité nationale. Elu maire de Korhogo, le 2 septembre 2023, Lacina Ouattara travaille pour un développement harmonieux de la ville. Ses priorités : l’aménagement urbain afin d’améliorer le cadre de vie des habitants et développer les opportunités économiques. Élu sous l’étiquette RHDP, homme de dialogue, Lacina Ouattara considère « qu’après la politique, ce n’est pas la guerre ». Il invite toutes les forces politiques à travailler avec lui pour le développement de la commune de Korhogo.
► La ville de M’Bengué – Située au nord de la Côte d’Ivoire, dans le district des Savanes et la Région du Poro, à 75 km de Korhogo et frontalière du Mali, administrée par le député-maire Ali Kader Coulibaly, M’Bengué, ville de 50 000 habitants, connaît un formidable développement. Pour Ali Kader Coulibaly, il s’agit de travailler sur tous les défis que doit relever une ville dans cette région, notamment le désenclavement, les infrastructures routières, le développement économique et social et les urgences climatiques. Totalement engagé auprès des populations locales, Ali Kader Coulibaly entend s’investir dans le développement régional en lien avec la lutte contre les fractures territoriales et l’unité du territoire national. Dans sa ville, il veille au bon fonctionnement des cantines scolaires : « les cantines scolaires sont pour moi la certitude que les plus jeunes issus des populations les plus précaires ont, les jours d’école, un repas complet et équilibré. C’est une question de santé publique et, pour une municipalité, un devoir moral. » Le 11 juillet 2023, dans un entretien avec le chef du bureau régional de l’Agence Ivoirienne de Presse à Korhogo, il s’emparait d’un autre sujet, les droits des femmes : « La situation des droits de la femme n’est pas reluisante à M’Bengué. (…) Dans le cadre de la politique d’équité et de revalorisation du genre prônée par le gouvernement, le département de M’Bengué ne peut pas rester à l’écart. (…) Le taux de scolarisation des jeunes filles dans le nord du pays en général, et dans le département de M’Bengué en particulier, est relativement faible par rapport à celui des garçons. Il est de notre devoir, voire d’une obligation, d’inverser cette tendance. »
Il existe bien des politiques nationales de développement. Il existe aussi, dans chaque territoire, des spécificités géographiques, économiques et culturelles qui conduisent à mettre en œuvre des processus de développement spécifiques. Les pouvoirs locaux, dans la cadre d’une décentralisation aboutie, jouent alors un rôle essentiel. Là où l’action de l’Etat peut sembler abstraite, l’action des pouvoirs locaux devient, pour les populations, une réalité mesurable et palpable, dont les effets sont plus immédiats.
Christian GAMBOTTI – Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage – Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan) – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : cg@afriquepartage.org
