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    Chronique du lundi : l’organisation de la CAN 2023 est-elle, pour la Côte d’Ivoire, un simple enjeu sportif ?

    Chronique du lundi : l’organisation de la CAN 2023 est-elle, pour la Côte d’Ivoire, un simple enjeu sportif ?
    Publié le
    Par
    Christian Gambotti
    Lecture 5 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Au-delà du sport, quels sont les autres enjeux ? Organisatrice de la CAN 2023, la Côte d’Ivoire est-elle prête ?

    ● Un enjeu économique et social – L’organisation de la CAN dépasse le seul enjeu sportif et celui de la construction de stades et de routes. Un tel événement a vocation à profiter au pays et aux Ivoiriens. 

    Pour l’économiste Yao Séraphion Prao, « cela va booster l’activité des commerçants, les zones industrielles vont redoubler d’ardeur et de créativité pour fabriquer des produits dérivés à l’effigie des stars. Cela va profiter aux hôteliers et aux restaurateurs, qui ont, pour beaucoup, réhabilité leurs établissements. Il va y avoir des créations d’emplois dans le transport et le tourisme. Et à moyen terme, cela va doper la croissance. »

    Il ajoute : « Si on l’organise bien, s’il n’y a pas de congestion, pas de grabuge, pas de vols, pas d’attentats, je pense que le pays va améliorer son image et attirer les investissements étrangers ». 

    En même temps, autour de l’organisation de la CAN, l’Etat pourra accélérer la mise en œuvre des mesures sociales et du volet de la formation professionnelle pour tous ceux qui auront à travailler, quel que soit le domaine, dans le cadre de la CAN. Les retombées économiques et sociales semblent illimitées. 

    ● Un enjeu pour l’image du pays – L’image du pays concerne 4 domaines : 1) la capacité à organiser un événement de portée mondiale 2) la capacité à faire du sport un vecteur de la réconciliation nationale 3) la capacité à éviter le risque de créer des « éléphants blancs » 4) la capacité à mobiliser la jeunesse autour des enjeux de santé publique.

    1) La capacité à organiser un événement de portée mondiale – Dans le contexte de la mondialisation, le sport est devenu un élément essentiel du « soft power ». 

    La Côte d’Ivoire valorise son image à travers sa capacité, déjà reconnue, à organiser des événements de dimension mondiale comme la CAN.

    2) La capacité à faire du sport un vecteur de la réconciliation nationale – L’enjeu est ici politique. A travers la CAN 2023, la Côte d’Ivoire doit impulser une nouvelle dynamique en faveur de la réconciliation et la cohésion des Ivoiriens, et promouvoir l’image d’une nation rassemblée.

    3) La capacité à éviter le risque de créer des « éléphants blancs » – On appelle « Eléphants blancs » les constructions surdimensionnées, qui vident les caisses de l’Etat, mais laissées à l’abandon, car inutiles. Yacouba Konaté, conseiller technique du Président du Comité d’organisation de la CAN, François Amichia, déclare : « il n’est pas raisonnable d’espérer que ces stades soient seulement utiles pour le football ».

    4) La capacité à mobiliser la jeunesse – Dans un continent de 1,4 milliard d’habitants, dont 60 % de la population à moins de 24 ans, selon l’ONU, l’épanouissement par le sport est l’un des marqueurs forts des politiques publiques en faveur de la jeunesse, notamment pour des enjeux de santé publique. 

    En 2018, le CIO a choisi de confier ses quatrièmes Jeux olympiques de la jeunesse à Dakar en 2026 afin de « placer [cet événement] au cœur de la transformation de l’Afrique ».

    Les enjeux de la diplomatie par le sport 

    ●L’apaisement entre deux pays – Avril 1971, deux joueurs de tennis de table, l’américain Glenn Cowan et le triple champion du monde chinois Zhuang Zedong, sont à l’origine de ce qui va s’appeler « la diplomatie du ping-pong. » Une délégation de pongistes américains se rend en Chine, marquant ainsi un changement considérable des relations diplomatiques sino-américaines, alors que ces relations sont rompues depuis 20 ans. 

    La « diplomatie du ping-pong », que deux joueurs de tennis de table ont initiée, se traduit par le premier déplacement d’un président américain, Richard Nixon, à Pékin depuis 1949 et la proclamation de la République Populaire de Chine.

    ● Un outil au service de la paix mondiale – En Grèce antique, au moment des « agônes », des fêtes sportives et des Jeux Olympiques, les belligérants acceptaient une trêve sacrée afin de permettre le bon déroulement des épreuves. Lorsqu’il crée les Jeux Olympiques, le baron Pierre de Coubertin se réfère à ce rôle pacificateur des « agônes ».

     L’attribution des Jeux Olympiques à Anvers en 1920 ou à Londres en 1948, deux villes particulièrement touchées pendant la Première Guerre mondiale pour Anvers et la Seconde Guerre mondiale pour Londres vise à faire de l’Olympisme le symbole de la paix.

    ● Un « soft power » au service du rayonnement d’un Etat – Les monarchies pétrolières du Proche-Orient, le Qatar en tête, incarnent pleinement la diplomatie par le sport. Petit pays du Golfe, le Qatar, qui ne dispose pas de l’énorme richesse pétrolière des Émirats Arabes Unis,  joue désormais un rôle majeur dans les relations internationales. 

    Sa diplomatie proactive s’appuie sur la pratique d’un « soft power » où prédomine le sport : le Qatar a racheté le PSG avec l’objectif d’en faire une marque mondiale ; l’organisation de la Coupe du monde 2022 de football lui a été confiée. 

    L’Arabie saoudite, qui vient de comprendre l’importance du sport comme outil diplomatique, commence à attirer dans son championnat les meilleurs joueurs de football de la planète. Le pays s’est vu confier l’organisation, en plein désert, des Jeux asiatiques d’hiver de 2029. 

    Candidate pour l’organisation de la Coupe du monde masculine 2034, l’Arabie saoudite devrait aussi porter sa candidature pour accueillir la Coupe du monde féminine 2035.

    Parce que le football est un sport planétaire, l’équipe de football du Brésil a pu jouer ce rôle de porte-drapeau positif à une époque où le pays avait peu d’atouts à faire valoir, excepté Pelé. La victoire de l’Afrique du Sud, le samedi 28 octobre 2023, lors de la dernière coupe du monde de rugby, permet au pays d’oublier les graves difficultés qu’il traverse.

    __________________

    (1) Chronique du Lundi 23 octobre parue dans L’Intelligent Abidjan. Christian GAMBOTTI – Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage – Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan) – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : cg@afriquepartage.org

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