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Chronique du lundi – le rôle des ong feminines dans la lutte contre : l’exemple de l’ong “femmes proactives”

Chronique du lundi – le rôle des ong feminines dans la lutte contre : l’exemple de l’ong “femmes proactives”
Publié le
Par
Christian Gambotti
Lecture 7 minutes

Présidée par Habibata Diomande, l’ONG « Femmes Proactives », une ONG féminine (1), a réalisé, le 3 juin 2023, une opération de « planting » de 750 plants sur la superficie de 4 ha du lycée Amadou Gon Coulibaly d’Oress Krobou, à Agboville, dans la région de l’Agneby Tiassa. À travers son ONG, Habibata Diomandé invite la société ivoirienne à « Agir pour un monde vert » (« Acting for a green world »). 

Invité d’honneur de cette opération de planting, le Président de la COP 15, Alain-Richard Donwahi, s’adressant à Habibata Diomandé, a tenu à rendre hommage aux femmes engagées dans la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de l’environnement : « Vous cochez toutes les cases de ce que nous souhaitons mettre en œuvre avec la COP 15 : d’abord, une réflexion globale, telle que vous la formulez dans votre slogan « Agir pour in monde vert ; ensuite, en conduisant localement une opération de planting ; enfin, en éveillant les jeunes générations à la conscientisation écologique et à l’apprentissage des gestes “verts”. Penser globalement, agir localement, telle est votre feuille de route, telle est la feuille de route de la COP 15. Je ne peux que souscrire pleinement à cette feuille de route tant je pense que les femmes et les jeunes générations sont l’avenir de l’Afrique, tant je sais qu’il faut décliner localement les mécanismes globaux de préservation de l’environnement

L’engagement des femmes dans la préservation de l’environnement

Dès 1992, la Déclaration de Rio soulignait la capacité des femmes à faire évoluer nos sociétés vers des modèles économiques, sociaux, culturels et environnementaux plus vertueux, plus inclusifs en affirmant : « Les femmes ont un rôle vital dans la gestion de l’environnement et le développement. Leur pleine participation est donc essentielle à la réalisation d’un développement durable. » 

Alain-Richard Donwahi a tenu à rappeler que « c’est d’ailleurs à une femme, la norvégienne Gro Harlem Brundtland, que l’on doit le concept de “ développement durable”. Présidente de la “Commission mondiale sur l’environnement et le développement ”, elle avait publié, en 1987, le fameux Rapport “ Notre avenir à tous ” ». Pourtant, une étude de l’ONU montre que les ressources financières allouées aux pays en développement pour lutter contre le réchauffement climatique sont orientées à 70 % vers de grands projets dirigés par des hommes.

En Afrique, les femmes ont toujours été à l’avant-garde du combat climatique pour deux raisons : elles entretiennent une relation forte, quasi spirituelle, avec l’environnement, les savoirs traditionnels, dont elles sont les gardiennes, leur permettant d’être plus réactives et plus résilientes face à la crise climatique ; les enjeux climatiques et ceux de l’émancipation des femmes s’entremêlent désormais au quotidien, car les inégalités de genre se retrouvent dans les inégalités climatiques.  

Pour Alain-Richard Donwahi, « si nous voulons accélérer la lutte contre le réchauffement climatique, sauver l’humanité et préserver la santé de la planète, nous devons, de façon urgente, accroître le leadership et la prise de décision des femmes fortement engagées dans la lutte contre le réchauffement climatique, la désertification, la dégradation des terres et la sécheresse. » Il ajoute : « La COP 15 milite pour des financements alloués à des projets locaux dirigés par des femmes. La COP 15 milite aussi pour faciliter l’accès des femmes aux informations, aux technologies et à la formation dans la lutte contre le réchauffement climatique. » 

Dans les sociétés traditionnelles, le modèle patriarcal domine l’organisation sociale. La distribution des tâches assignent l’homme à une fonction guerrière qui l’emporte sur le reste, alors que celle des femmes, tournée vers la préservation de la vie, se construit sur une autre sensibilité : « L’homme abat les arbres, le gibier, son semblable pour protéger sa famille. La femme plante, cueille et assainit, préserve les éléments nécessaires à l’existence de sa famille ». 

Largement documenté, l’exode rural éloigne les hommes de la terre, alors que les femmes et les filles se retrouvent seules, dans les villages, pour affronter au quotidien les effets négatifs de la crise climatique : assèchement des puits, ce qui oblige les femmes à aller plus loin pour trouver de l’eau ; baisse des rendements agricoles, ce qui conduit à faire évoluer la façon de s’occuper des terres et des animaux, transformer les aliments, préparer les repas. Malgré les difficultés qu’elles rencontrent au quotidien, pour de multiples raisons qui font qu’elles portent un fardeau plus lourd, les femmes montrent la voie de l’adaptation aux crises climatiques. Alors que les discriminations systémiques s’aggravent en temps de crise, on  retiendra ces deux chiffres : les femmes représentent près de la moitié de la population active dans le secteur agricole ; quatre personnes sur cinq déplacées à la suite des catastrophes climatiques sont des femmes.

L’urgence du reboisement

« Agir pour un monde vert », comme le propose la présidente Habibata Diomande au travers de son ONG « Femmes Proactives » passe par des opérations qui ont une haute portée écologique comme le reboisement. 

Dans la lettre d’invitation envoyée au président de la COP 15, Habibata Diomande écrit : « Nous comptons, par nos actions, contribuer à atteindre les objectifs de développement durable en luttant contre les effets du réchauffement climatique. C’est pourquoi,  [l’opération de planting que nous menons est], pour nous, l’occasion de faire découvrir les enjeux des changements climatiques et les solutions à adopter pour y faire face. La présente activité qui implique la jeunesse s’inscrit dans la pérennisation du développement durable. Elle vise à sensibiliser les populations à la préservation de l’environnement afin d’éviter la désertification. De sorte qu’à l’issue de ce reboisement, les participants puissent mettre en œuvre des actions efficaces pour lutter contre le réchauffement climatique et impacter leurs entourages par des gestes verts. Le reboisement présente de nombreux avantages tels l’enrayement de l’érosion, la rétention de l’eau dans le sol ; il favorise le cycle de l’eau, un bénéfice en termes de précipitations dans le climat régional ; il fournit des ressources aux populations environnantes et réduit la pression sur d’autres forêts ; reboiser attenue la sévérité croissante des sécheresses donc de la désertification. »

Alors que les Etats africains se sont peu souciés de préserver leur couvert forestier, – en Côte d’Ivoire, le couvert forestier est passé de 16 millions d’hectares en 1960 à 2,9 millions ces dernières années -, les femmes ont toujours été en première ligne dans la lutte contre la déforestation. Au Kenya, Wangari Maathai, Prix Nobel de la Paix en 2004, avait fondé, dès 1977, le « Mouvement de la ceinture verte » (Green Belt Movement). Wangari Maathai est décédée en 2011, mais ses « green volunteers », fidèles à son combat, ont planté, en 40 ans, 50 millions d’arbres. Dans la bande sahélienne, les plateformes des femmes conduisent des actions de reboisement au cœur du vaste projet de la « Grande Muraille verte ». 

Les ONG féminines ne considèrent pas le reboisement comme une simple opération de  végétalisation. Construire une barrière verte contre le réchauffement climatique est certes vital, mais la performance environnementale n’est jamais dissociée des performances économique et sociale. Le développement durable st un projet global, multisectoriel, qui vise à améliorer les conditions de vie des populations, créer des emplois et offrir des opportunités d’émancipation et d’autonomie aux femmes.

Dans les sociétés africaines, l’arbre a un caractère sacré. Il exprime, à travers des significations multiples, le rapport des communautés à leur milieu naturel. Il ne s’agit pas d’enfermer l’arbre dans un récit mythique, mais de protéger le couvert forestier et exploiter la forêt sans détruire ses capacités régénératives. 

Alain-Richard Donwahi a rappelé que, le 26 octobre 2019, en tant que Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly avait participé à une opération de planting d’arbres à l’université du Man, déclarant à cette occasion : « Planter des arbres est un acte citoyen important, car il contribue à la protection de la nature, la lutte contre la déforestation et le changement climatique et donc à l’amélioration de la qualité de la vie. » L’opération de planting organisée par Habibata Diomande et son ONG Femmes Proactives s’inscrit dans une stratégie de reboisement devenue,  pour le gouvernement ivoirien, une priorité nationale.

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 (1) On peut distinguer ONG féminines et ONG féministes, mais l’une et l’autre partagent le même objectif : combattre la vulnérabilité des femmes et des filles ancrée dans les processus politiques, économiques, sociaux et culturels. Le développement durable est l’un des champs de ce combat.

Christian GAMBOTTI –  Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage –  Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches du l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : cg@afriquepartage.org

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