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Chronique du lundi – la fonction publique ivoirienne : les enjeux de qualité et de pertinence à des fins d’amélioration des performances de l’État

Chronique du lundi – la fonction publique ivoirienne : les enjeux de qualité et de pertinence à des fins d’amélioration des performances de l’État
Publié le
Par
Christian Gambotti
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S’exprimant le lundi 13 décembre 2021, au lancement de la première édition des Journées de la fonction publique (JFP) au Palais de la culture de Treichville, Anne Désirée Ouloto, ministre d’Etat, ministre de la Fonction publique et de la Modernisation de administration, a défini l’objectif prioritaire de son action : « Notre objectif premier aujourd’hui, c’est d’accélérer la modernisation de notre administration, et d’amener les fonctionnaires et agents de l’État à être capables de changer les paradigmes de son fonctionnement. Cela exige que le service public s’engage résolument dans la culture du résultat, de la performance, et de la qualité, tout cela dans un environnement de transparence, de célérité et de redevabilité. Dès lors, les fonctionnaires et agents de l’État se doivent d’irriguer leurs activités de valeurs porteuses de progrès, d’être des professionnels, dignes et intègres, qui, dans une culture active de neutralité, portent les ambitions du Gouvernement, avec loyauté et abnégation ». 

On retiendra de l’intervention d’Anne Désirée Ouloto les objectifs suivants qu’elle assigne à la fonction publique ivoirienne : « accélérer la modernisation de notre administration », « changer les paradigmes de son fonctionnement », s’engager « résolument dans la culture du résultat, de la performance, et de la qualité ». 

On sait que les résultats de la modernisation de la fonction publique ivoirienne, pourtant à l’œuvre depuis les années 1980, sont loin d’être satisfaisants malgré de multiples réformes institutionnelles. Pour des raisons autant politiques, idéologiques et culturelles que techniques et technologiques, l’administration, toujours pléthorique et bureaucratique avec des phénomènes de lenteur, d’incompétence, de favoritisme, d’arbitraire, d’absentéisme et de corruption, a longtemps été un frein au développement des pays africains. 

Au lendemain des indépendances politiques des années 1960, l’administration s’avère incapable de répondre aux objectifs de croissance économique et de satisfaction des services que les populations sont en droit d’attendre de la part de l’Etat. Le seul rôle de l’administration semble alors se limiter à la consolidation de l’Etat, mais un Etat aux mains du parti unique.

Les rêves absurdes du vieux monde  

Dans le vieux monde, le libéralisme libertaire, en réaction contre la glaciation étatique, rêve d’une économie sans Etat. A l’inverse, la glaciation étatique imagine un Etat sans économie. Peut-on accepter de livrer les populations à la « main invisible » du marché pour lutter contre les inégalités ? Doit-on s’en remettre uniquement à l’Etat pour assurer le développement d’un pays ? Les réponses sont évidentes : l’Etat et le marché sont deux piliers indispensables, lorsqu’il s’agit de construire une nation solidaire et prospère, l’Etat, parce qu’il décide de l’orientation des grandes politiques publiques et des investissements publics ; le marché, parce qu’il stimule la croissance en s’appuyant sur le dynamisme du secteur privé. 

Dans un monde multipolaire où se jouent des guerres économiques d’une violence inouïe, au regard des exigences nouvelles induites par la nécessité de consolider le développement et offrir aux populations les services qu’elle attend de la part de l’Etat, il est urgent d’aller vers une administration publique efficace, transparente, responsable et éthique. Le gouvernement ivoirien considère, à juste titre, qu’il existe, à côté de l’Etat et du marché, un troisième pilier stratégique : la fonction publique.

Le ministère de la fonction publique, un ministère stratégique

Anne Désirée Ouloto est réputée pour le volontarisme politique qu’elle affiche dans les responsabilités qui lui sont confiées par le Chef de l’Etat. Sa seule boussole est l’amélioration des conditions de vie des populations ivoiriennes. Nommée le 6 avril 2021 au poste de ministre de la Fonction publique et de la modernisation de l’Etat, reconduite, le 17 octobre 2023, dans le gouvernement du premier ministre Robert Beugré Mambé, elle s’est fixée comme objectif de faire de l’administration l’un des piliers du développement de la Côte d’Ivoire. 

Elle dénonce l’idée selon laquelle il faudrait moins de fonctionnaires, c’est-à-dire moins de services publics, moins d’Etat. Il s’agit, dans le contexte de la mondialisation, d’une idée absurde, même si la recherche de la performance oblige à poser la question du coût de la fonction publique. Si l’une des finalités du secteur privé est la recherche du profit, afin de permettre l’investissement productif, le rôle de la fonction publique est de concourir à la satisfaction de l’intérêt général. Certes, la fonction publique exclut toute recherche de profit, mais elle doit chercher à développer une culture de la performance fondée sur la maîtrise des dépenses tout en assurant le fonctionnement et la qualité des services d’intérêt général. 

Anne Désirée Ouloto veut instaurer dans la fonction publique une culture de la performance et de la productivité fondée sur la maîtrise des dépenses et l’amélioration des services rendus aux usagers, ce qui suppose trois choses ; 1) le passage d’une culture de la bureaucratie à philosophie managériale des fonctionnaires et des services publics 2) la mesure et l’évaluation de la performance de la fonction publique ivoirienne 3) l’élévation des qualifications professionnelles et le développement des capacités des agents de l’administration publique. 

Le manque de compétence, à tous les niveaux, dans l’administration publique ivoirienne nuit au bon fonctionnement de l’Etat, interdit à l’administration de devenir un accélérateur de croissance pour les entreprises et garantir les services et la protection que l’Etat doit aux populations. La modernisation de la fonction publique passe par les centres et les écoles de formation des futurs agents, cadres dirigeants de l’Etat, des collectivités territoriales et de la santé, afin de permettre l’acquisition des compétences professionnelles et, en même temps, le sens de l’intérêt général dans une société en perpétuel changement. 

On parle beaucoup de l’e-gouvernance, c’est-à-dire de la révolution digitale afin d’améliorer l’efficacité dans l’organisation et la performance de l’administration publique. Certes, l’e-administration s’impose comme une réalité incontournable, mais l’essentiel est de valoriser la fonction publique de deux manières : garantir des revenus décents aux agents des services publics et diffuser une culture de l’éthique et de la déontologie dans le service public, ce qui permettrait de mieux lutter contre l’absentéisme, l’irresponsabilité et la corruption. 

Pour le président Alassane Ouattara, un libéral, la fonction publique constitue l’un des piliers de la vision « Une Côte d’Ivoire solidaire ». En ce sens, Anne Désirée Ouloto est à la tête d’un ministère stratégique.

Christian GAMBOTTI – Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage – Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan) – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : g@afriquepartage.org

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