La course à la présidentielle d’octobre 2025 est lancée en Côte d’Ivoire. Qui sera candidat ? A un an de l’élection, chaque camp devra à la fois gérer les ambitions personnelles sur fond de guerre des égos et choisir le meilleur candidat. Le camp présidentiel, aux yeux de tous les observateurs, possède une longueur d’avance avec un candidat naturel, qui ne s’est pas officiellement prononcé sur sa candidature à un nouveau mandat, une famille politique unie et un bon bilan. Mais, aucune élection n’est gagnée d’avance, d’autant plus que l’Afrique de l’Ouest est devenue une zone de forte instabilité politique avec une épidémie de coups d’Etat militaires et que la Côte d’Ivoire est sous le feu d’attaques informationnelles (1), la multiplication des « fake news » visant principalement le régime d’Alassane Ouattara. Or, dans une Afrique instable, qui semble renouer avec ses vieux démons, la Côte d’Ivoire apparaît bien comme un ilot de stabilité.
⦁ Des réponses convaincantes au cahier des charges de la Côte d’Ivoire d’aujourd’hui
Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2011, peut se prévaloir d’un très bon bilan. Même si beaucoup reste à faire pour un développement véritablement inclusif, son action lui a permis de cocher toutes les cases du cahier des charges qui installe la Côte d’Ivoire sur une bonne trajectoire : le retour de la stabilité politique, une croissance forte et durable et l’accès aux services de base. Alassane Ouattara a toujours considéré qu’il existait deux préalables à la réconciliation des Ivoiriens entre eux : la stabilité politique, socle de l’épanouissement démocratique, et une économie forte, qui permet de créer des emplois et financer des politiques sociales. Depuis plus de dix ans, la Côte d’Ivoire coche ces deux cases, si bien que le pays apparait comme un îlot de stabilité dans une Afrique subsaharienne de plus en plus instable. Signe de cette stabilité politique et de la force de son économie, la Côte d’Ivoire bénéficie de la confiance des agences de notation et des bailleurs de fonds internationaux.
◊ De l’instabilité politique à la stabilité – De 1993 à 2011, la scène politique ivoirienne se caractérise par une forte instabilité dont les marqueurs sont : l’instrumentalisation du concept d’« ivoirité », le coup d’Etat militaire de 1999, la partition du pays de 2002 à 2007 et la grave crise postélectorale de 2010-2011. L’affaiblissement de l’économie et l’incapacité de l’Etat à assurer ses fonctions régaliennes visant à assurer l’ordre public font de la Côte d’Ivoire, jusqu’en 2011, un Etat failli. Aujourd’hui, le climat politique est majoritairement stable et la situation sécuritaire, face à la menace terroriste, semble contrôlée.
◊ De la faillite de l’économie à une économie forte – La Côte d’Ivoire connaît depuis plus de dix ans une croissance forte et régulière. Suffisamment diversifiée, portée par les investissements publics et privés et une consommation intérieure dynamique, l’économie ivoirienne, qui a résisté aux chocs exogènes (crise sanitaire de la COVID 19 et guerre en Ukraine), a connu un taux de croissance de 7% en 2023 et les perspectives restent solides pour 2024 et 2025.
◊ Deux signes marquent la confiance dans l’économie ivoirienne : 1) L’agence de notation américaine S&P a rehaussé la note de la dette publique ivoirienne de BB- à BB avec une perspective stable 2) Le FMI vient d’accorder, au début du mois d’octobre, nouveau prêt d’un montant de 825 millions de dollars, qui vient s’ajouter aux 4,8 milliards déjà accordés au gouvernement ivoirien.
◊ La manne du pétrole – Avec la découverte d’importants gisements de pétrole offshore, la Côte d’Ivoire fait, selon le ministre ivoirien des Mines du Pétrole et de l’Energie, Mamadou Sangafowa Coulibaly, « son entrée dans le cercle envié des pays producteurs de pétrole », ce qui va « booster » son économie et permettre le financement des politiques publiques, notamment les politiques sociales.
Le FMI, la Banque Mondiale et les Agences de notation font remarquer que la croissance économique ivoirienne est particulièrement inégalitaire, ce qui constitue une menace pour la stabilité politique tout au long des mois qui précèdent l’élection présidentielle de 2025. L’urgence pour le pouvoir central est de créer les conditions d’un développement véritablement inclusif.
⦁ Gérer les contraintes futures
Si l’on s’arrête au cahier des charges du vieux monde, la Côte d’Ivoire des années Ouattara est, incontestablement, sur la bonne voie avec un formidable développement économique et social, une place en train de s’affirmer dans la dynamique nouvelle des échanges commerciaux mondiaux et un rayonnement incontestable sur la scène internationale. La Côte d’Ivoire est redevenue un géant de l’Afrique de l’Ouest et l’un des pays les plus riches de l’Afrique francophone. Mais, le cahier des charges du vieux monde, celui de l’Afrique postcoloniale, s’arrête au développement économique et social et à la modernisation des pays. Beaucoup reste à faire dans tous les domaines et les besoins de financement de l’économie africaine sont immenses. Or, la Côte d’Ivoire doit gérer des contraintes futures qui ont un impact négatif sur ses finances publiques : la lutte contre la hausse des températures et les crises climatiques, la lutte contre les risques sécuritaires au nord du pays, la lutte contre la désinformation.
◊ La lutte contre la hausse des températures et les crises climatiques –Selon, le FMI, « La Côte d’Ivoire est exposée et vulnérable au changement climatique. En effet, la hausse des températures, les perturbations de la pluviométrie, les inondations, la hausse du niveau de la mer et l’érosion côtière constituent des défis majeurs et représentent des risques récurrents pour une croissance économique résiliente, durable et inclusive. » Gérer cette contrainte future, qui ira en s’accentuant, demande des financements énormes que ne peuvent pas apporter les recettes fiscales de l’Etat ivoirien, ni les Accords avec le FMI pour un programme appuyé par la Facilité pour la Résilience et la Durabilité, ni l’aide des pays riches qui est encore insuffisante.
◊ La lutte contre les risques sécuritaires au Nord du pays – La Côte d’Ivoire reste, aux frontières du Nord, vulnérable à la menace terroriste. La réponse à cette menace n’est pas uniquement sécuritaire. L’Etat central doit financer le volet sécuritaire en faisant face à la volonté d’implantation de groupes terroristes, notamment via le Burkina Faso. Il doit aussi financer le volet développement, résoudre les conflits communautaires autour du foncier, offrir des opportunités économiques et permettre l’accès à l’espace politique et à la prise de décision.
◊ La lutte contre la désinformation – La Côte d’Ivoire est, de plus en plus, la cible d’attaques informationnelles qui visent essentiellement le régime d’Alassane Ouattara. « Infox », vidéos trompeuses et faux communiqués de presse ont voulu faire croire qu’un coup d’État civil avait eu lieu en Côte d’Ivoire et qu’Alassane Ouattara avait été renversé. L’objectif de cette guerre informationnelle est triple : fracturer la société ivoirienne, déstabiliser le gouvernement en période électorale et détériorer les relations franco-ivoiriennes. Cette stratégie s’est montrée particulièrement efficace dans la bande sahélienne. Il s’agit, pour certaines puissances étrangères qui ont su réactiver une rhétorique anticoloniale, comme cela s’est passé au Mali, au Burkina Faso et au Niger, d’enfermer l’Afrique dans une guerre perpétuelle contre l’Occident.
Aujourd’hui, à un an de l’élection présidentielle de 2025, le camp présidentiel, qui peut se prévaloir d’un bon bilan, dispose de tous les atouts, s’il reste uni, pour consolider l’îlot de stabilité que représente la Côte d’Ivoire dans une Afrique devenue instable.
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⦁ Se référer au Dossier « Désinformation, mode d’emploi », publié par L’Intelligent d’Abidjan du vendredi 18 octobre 2024.
Christian GAMBOTTI – Agrégé de l’Université – Président du think tank Afrique & Partage – Président du CERAD (Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Afrique de Demain) – Directeur général de l’Université de l’Atlantique (Abidjan) – Chroniqueur, essayiste, politologue. Contact : cg@afriquepartage.org