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    Burkina Faso: “Hélas, l’arrogance que nous avons tant combattue hier, est de retour “(Zéphirin Diabré)

    Burkina Faso: “Hélas, l’arrogance que nous avons tant combattue hier, est de retour “(Zéphirin Diabré)
    Publié le
    Par
    Charles Kouassi
    Lecture 7 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    En prélude au grand « Meeting de Vérité » de toute l’opposition, prévu pour le samedi 29 avril 2017 à la « Maison du Peuple », notre correspondant à Ouagadougou a rencontré Zéphirin Diabré, président de l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC) et Chef de file de l’opposition Burkinabé.

    Comment va le Burkina Faso ?

    Il va au rythme d’une insécurité grandissante, d’une économie en panne, du chômage des jeunes et des femmes, du retour de la corruption, de la politisation de l’administration, et de la persistance des difficultés d’accès aux services de base. Il est surtout un pays en pleine désillusion car ses citoyens sont déçus de la gouvernance qui leur est servie après les sacrifices qu’ils ont consentis au cours de l’insurrection, et à la lumière des promesses électorales dont ils ont été abreuvés. Ce constat n’est pas propre à l’opposition. On l’entend même au sein de la majorité présidentielle, dans des termes plus virulents, et de manière publique.

    Comment appréciez-vous la réponse, donnée par le parti au pouvoir, à vos critiques relatives à « une année de gouvernance perdue » ?

    Le pouvoir a perdu une occasion de faire preuve de modestie. Traiter des opposants républicains de « fils indignes » et de « putschistes » parce qu’ils critiquent votre gestion, révèle un trait de caractère qui ne peut pas mener au succès. La première qualité attendue d’un régime, c’est qu’il sache écouter. Hélas, l’arrogance que nous avons tant combattue hier, est de retour !

    Que répondez-vous à ceux qui disent que vous parlez de la calebasse tendue par le parti au pouvoir à l’égard de l’extérieur, alors que vous même vous êtes abreuvé dans la calebasse ? Ce qui explique selon eux votre silence.

    On ne peut bien savourer ce débat que si l’on connaît l’histoire de notre pays. Comme vous le savez, je suis libéral. Je viens d’ailleurs d’être élu Vice-Président du Réseau Libéral Africain. Ici dans l’intelligentsia burkinabé, c’est presque une hérésie que se de proclamer libéral. La mode, c’est de se dire de gauche, voire révolutionnaire. Eh bien moi je crois en la force de l’économie de marché et en l’utilité des capitaux extérieurs. Donc pour moi, aller chercher de l’argent sur les marchés financiers internationaux est une démarche naturelle. Par contre, les gens qui sont au pouvoir se targuent d’être des révolutionnaires socio-démocrates. Tout au long de la campagne présidentielle de 2015, ils ont passé leur temps à tirer à boulets rouges sur mon projet qui prévoyait l’émission d’un « Eurobond » d’un milliard de dollars. Ils ont fustigé les institutions financières internationales et dit que je voulais endetter le Burkina, ce qu’eux ne feraient jamais. Ils m’ont traité d’ultra libéral qui voulait vendre le Burkina Faso à la Banque mondiale et au FMI, etc. Voilà, qu’à peine aux affaires, ils tendent leur sébile à ces mêmes institutions et font, frénétiquement, le tour du monde à la recherche de capitaux et d’investisseurs étrangers. L’occasion était trop belle, pour moi, de leur rappeler leurs contradictions. C’est ce que j’ai fait !

    Actuellement le débat sur la nouvelle Constitution bat son plein ! Vos préoccupations ont-elles été prises en compte dans l’élaboration de l’avant-projet de la Constitution ?

    Sur le fond, il n’y a plus de vrai débat sur la question de la Constitution. L’opposition était représentée au sein de la Commission constitutionnelle et la version de l’avant-projet qui en a résulté a été adoptée par consensus. La suite du processus ne devrait poser aucun problème…

    Comment appréciez-vous l’intervention du Premier Ministre Paul Kaba Tiéba à l’Assemblée Nationale sur la situation socio-politique du Burkina ?

    C’était un discours complètement décalé par rapport à la réalité que vivent les Burkinabè. Mais l’opposition n’a pas eu à sonner la charge parce le Président de l’Assemblée nationale, qui est aussi le Président du parti au pouvoir, s’en est chargé de manière très brillante. Il a même menacé son Premier ministre en ces termes : « Si l’an prochain vous revenez ici sans nous dire où sont passés les 18.000 milliards de francs CFA que vous avez prétendu avoir récolté lors de la Conférence des bailleurs de fonds de Paris, l’hémicycle sera trop étroit pour vous ». La formule en vogue à Ouaga ces jours ci, c’est que le vrai discours sur l’état de la nation a été prononcé ce jour-là par le Président de l’Assemblée nationale.

    Quelles solutions envisagez-vous pour le retour des fonctionnaires qui ont fui les zones de la frontière visitées par les Djihadistes ?

    Il faut sécuriser ces zones et assurer la protection des agents de l’État.

    Quelle appréciation faites-vous sur la création de la CODER et de leur voyage à Abidjan pour rencontrer l’ancien Président Blaise Compaoré ?

    La création de la Coder procède de cette liberté offerte aux partis se réclamant de l’Opposition de se regrouper en fonction de leurs affinités et autour des questions qui leur tiennent à cœur. À une exception près, les partis de la Coder sont liés à l’ancien régime. Ils ont choisi de mettre l’accent sur la question de la réconciliation. Cette question est aussi très importante pour mon parti et les partis membres de la Coalition des Forces Démocratiques pour un Vrai Changement (CFDC) que je préside. Pour nous, la réconciliation passe par la vérité et la justice, étant entendu que cette justice doit être indépendante, impartiale et équitable.

    Pour ce qui est, spécifiquement, de la visite faite par la Coder au Président Compaoré, c’est une visite qui s’inscrit dans la démarche logique de la Coder. Si on parle de réconciliation, forcément on s’adresse à tous les acteurs. Cette visite a été annoncée, longtemps à l’avance, sans susciter de commentaires négatifs. Mais le problème est venu des déclarations faites à la presse par un des participants à la rencontre, en l’occurrence l’ancien ministre des affaires étrangères Ablassé Ouédraogo. Ces déclarations ont mis en émoi une grande partie de l’opinion, et les organisations de la société civile. Ces déclarations n’engagent pas l’opposition dans son ensemble puisque celle-ci, à commencer par le Chef de file de l’opposition que je suis, n’a pas été associée à la démarche de la Coder. À l’analyse, cette déclaration d’Ablassé Ouédraogo a beaucoup nui à la visite et à l’ensemble du débat sur la réconciliation. Il appartient, désormais, aux membres de la Coder de régler cette question.

    Est ce que certains comportements des chefs de l’opposition n’ont pas noirci l’objectif de l’insurrection ?

    C’est un débat sur lequel je ne trouve pas utile de revenir. Dans tout processus politique, les objectifs affichés côtoient ceux qui sont cachés. Et le dénouement ne se fait pas toujours en faveurs des plus vertueux.

    Quel sens donnez-vous à la manifestation que vous organisez demain à la « Maison du Peuple » de Ouagadougou ?

    C’est un meeting d’interpellation du gouvernement, d’analyse de la situation nationale, de raffermissement de la foi militante, et de la présentation des perspectives de lutte. À l’occasion, l’Opposition va dévoiler une plateforme minimale.

    Quel message voulez-vous adresser aux Burkinabé de l’extérieur en général et surtout aux burkinabés résidents en Côte d’Ivoire ?

    D’abord un message de fraternité. Même s’ils sont loin du sol national, je les considère comme partie intégrante de la Nation.
    Ensuite un message d’encouragement, à trouver les voies et moyens pour vivre en harmonie avec les Ivoiriens qui les ont accueillis chez eux, et à porter haut l’image de notre pays dont ils sont les premiers ambassadeurs. Enfin une invitation à ne pas oublier la mère patrie, et à rester attentifs à son évolution, étant entendu qu’à partir de 2020, ils seront des décideurs de la destinée du Burkina. Je saisis cette occasion pour remercier chaleureusement le peuple ivoirien, les autorités ivoiriennes, en particulier le Président Alassane Ouattara, pour tous les efforts qui sont faits sous son impulsion, pour faciliter l’accueil et le séjour, en sécurité, de nos compatriotes en Côte d’Ivoire.

    Interview réalisée par TRAORÉ Abdul Correspondant à Ouagadougou

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