La réconciliation politique , la mobilisation de la société civile comme remparts de la démocratie pour dire non au braquage de la République , et prévenir la déstabilisation.
Un accord a été annoncé vendredi 13 Janvier vers 21:30 à Bouaké. Aussitôt après l’annonce presque tout le monde avait oublié le stress et l’angoisse , qui avaient envahi la population pour commencer à poser des questions.
[ Soulagement oui mais pas la paix à tous les prix ]
Avant l’accord le pays était apeuré , parce que tout était parti pour fonctionner au ralenti , malgré les perspectives heureuses et positives instaurées par le déploiement définitif des institutions de la troisième République. L’attente des populations n’était pas à la guerre , ni à l’affrontement. L’attente était plutôt à la paix , même si personne ne voulait donner du crédit aux leçons de certains adeptes passés de la violence et de l’usage des armes , désormais enclins à justifier l’action des mutins ; alors qu’eux-mêmes se sont reconvertis en apôtres de la non-violence après avoir bénéficié des armes.
Les populations ivoiriennes veulent la paix , mais sans doute pas à n’importe quel prix , puisque le soulagement suite à l’accord a été de courte durée ; puisqu’aussitôt après l’annonce de l’ accord dont les termes n’ont pas été officiellement dévoilés et endossés par une communication du gouvernement , les uns et les autres ont commencé à poser des questions , à dire que le prix estimé de cette paix est trop élevé , que désormais le pays n’était pas à l’abri du désordre , que l’on a pourtant voulu éviter.
[ Les effets de l’accord ]
Satisfaire les revendications des militaires produit des effets tels que :
1) – l’augmentation de la dépense publique , ce qui peut retarder la réduction de la dette intérieure ( des sommes que l’État doit régler ); le gouvernement peut être obligé de provisionner les sommes dues aux militaires , les entreprises peuvent ne pas être payées dans les délais
2)- le signal que l’on peut tout obtenir par la violence , ce qui peut inspirer les fonctionnaires à maintenir la pression , même si ces derniers n’ont pas d’armes. En effet comment leur demander une trêve et des sacrifices lorsque cela n’a pas été possible avec les militaires , qui sont sensés incarner plus que les autres citoyens , la vertu , le patriotisme , l’esprit républicain et la défense de la Nation ?
3)- le sentiment que le gouvernement ne maîtrise pas le reforme de l’armée , or , c’est là que se situe le danger pour le pays.
Un brusque retour en arrière semble possible , avec ces hommes qui pour 12 millions Fcfa tirent des coups de feu en l’air , et font penser qu’il faut mettre en péril la stabilité de la Côte d’Ivoire , pour se faire payer .
À ces effets il faut ajouter les inquiétudes des banques. Celles-ci qui l’étaient déjà , vont renforcer leur prudence et mettre en attente le financement des projets. Les deux fins de semaines marquées par les coups de feux ont pu coûter un préjudice de près de 20 milliards déjà , selon des estimations.
[ L’injustice réparable peut conduire au désordre qu’on croit irréversible ]
Qui a dit : je préfère l’injustice au désordre . Mais d’injustice en injustice , ne finit-on pas par arriver au désordre? Le gouvernement n’avait-il pas le choix du refus de l’injustice qu’il va désormais s’atteler à réparer ? Qui a dit qu’il n’aurait pas pu survivre au désordre , qui aurait suivi le refus de céder aux militaires ? Le gouvernement n’avait-il pas la possibilité de faire cette déclaration : ” ils demandent 12 millions et cela fait à peu près 100 milliards Fcfa . Nous avons dit non car nous préférons repartir cet argent au profit de tous les ivoiriens , toutes les ivoiriennes comme nous l’avons fait lors du déblocage des avancements . Nous appelons la population à la mobilisation générale et à la résistance contre l’usage du chantage avec les armes pour obtenir la satisfaction des revendications. La Côte d’Ivoire en a déjà assez souffert , elle aspire désormais à la démocratie. Nous ne devons pas tolérer le retour brusque en arrière et cette ancienne manière de faire. Vive la République “.
[ Les vrais rempart pour la République ]
Les populations ivoiriennes étaient-ils prêtes pour cette mobilisation ? Les populations ivoiriennes comprennent le souci du chef de l’État de préserver les vies humaines , d’éviter des morts d’hommes et un bain de sang. Oui ces milliards à payer sont énormes, mais cela ne vaut-il pas mieux que l’affrontement, que le sang ? Tant que le pays est en paix , tant que chacun est en vie , il y’a la possibilité de travailler et de rembourser ce milliard et tant d’autres milliards. En 2020, 2025 , 2040 ou un jour sur la terre des hommes , ou même chez Dieu , les militaires ou ceux qui auraient indûment perçu des sommes d’argent rendront compte. Alors pourquoi suivre notre ego humilié, notre orgueil bafoué , faire gros cœur ? Pourquoi le plus fort doit-il céder à la tentation d’utiliser sa force ? Pourquoi malgré la bombe atomique , les pays qui la détiennent négocient toujours et ne règlent pas les crises dans le monde , à coup de bombardements atomiques sans aucune négociation ?
Cela dit je plains le Président Ouattara et au delà , les hommes politiques : ils sont souvent obligés de manger leur totem. Michel Blague a tort : ce n’est pas juste dire que la politique n’est pas compliquée même pour des professionnels.
[ Solutions pour éviter à l’avenir ce type de situations ]
Le sentiment de fragilité de notre démocratie , la sensation d’être encore à la merci des armes , peut trouver sa solution dans une réconciliation vraie et dans la mobilisation de la société civile. Si toutes affaires cessantes , malgré les divergences , malgré ce que les uns et les autres avaient à reprocher au gouvernement , la classe politique était montée au créneau pour dénoncer la façon de faire des militaires d’une part ; si d’autre part la société civile dans toutes ses composantes s’était spontanément mobilisée à Abidjan et dans tout le pays , pour rejeter , non pas le principe d’une revendication , mais l’usage des armes et le refus d’un dialogue permanent durable , sans doute les soldats auraient reculé , malgré leurs armes qui ne sont pas plus puissantes que l’arme atomique , ni même celles dont disposaient Dogbo Blé sans être parvenus à vaincre les Français plus armés. On a toujours plus fort que soi …. Pour éviter d’être à la merci des coups de feu , le gouvernement est conscient qu’il doit se trouver de vrais alliés au sein des populations , de la société civile , tout en renforçant le dialogue politique avec l’ensemble de toutes les forces vives du pays , y compris le Front du refus. La troisième République , la République de l’émergence ne doit pas encourager ceux qui ont choisi le boycott et l’auto-exclusion , à demeurer dans leur posture !
Tant que la fracture sociale et politique va demeurer , tant que les querelles politiques sembleront plus importantes que la sauvegarde de la Nation notamment comme en 1999 , en 2002 et depuis 2011 , on aura un jour pair des revendications de milliards de la part des mutins à gérer , et tous les autres jours pairs et impairs des militaires en exil , des ex Fds , des policiers et autres à surveiller comme du lait sur le feu. Dans ces conditions , il reste peu de temps pour s’occuper d’autres choses …
Charles Kouassi