Plusieurs codes d’entrées, plusieurs grilles de lectures et plusieurs clés se projettent au lecteur avisé et à l’esprit ouvert du livre-témoignage de Charles Blé Goudé (Les Éditions du Moment), en vente depuis le 24 mars 2016.
Charles Blé Goudé fait-il son propre mea-culpa ? Regrette-t-il de n’avoir pas été fort pour dire non, haut et fort à certains moments de la lutte ? N’est-il pas en train de déplorer le refus du repli tactique et stratégique durant la crise ? Un repli qui aurait permis de protéger tout le monde, d’éviter l’exil, la prison et surtout l’humiliation de la capture de l’ex président ivoirien ; une capture pourtant présentée par quelques-uns comme une posture héroïque, une posture de bravoure, et de refus d’abdication !
En lisant entre les lignes le témoignage, il est possible de comprendre que le Codétenu de Laurent Gbagbo, n’est pas vraiment en phase avec la posture radicale et extrémiste de la bande à Sangaré Aboudramane, aussi bien actuellement, que lors de la crise post-électorale.
L’ex président du Cojep a été souvent présenté sans aucune contestation de sa part à l’époque, comme le leader de la galaxie patriotique. Mais dans « De l’enfer, je reviendrai », Blé Goudé récuse cette façon de voir à la page 33 : « c’est le combat mené dans le désordre, sans schémas, sans but précis, avec une pluralité de leaders qui avait fait échouer la lutte aux mains mues. Quand il y’a trop de bergers, les moutons ne savent plus lequel suivre et ils se perdent ».
Le co-détenu de Laurent Gbagbo accuse presque les autres mouvements patriotiques, d’avoir mis en place des stratégies parallèles sur lesquelles il n’avait pas de contrôle, et qui ont pu mettre à mal la lutte contre les adversaires de l’époque.
Aux pages 34-35, s’inspirant encore de Nelson Mandela au sujet de qui des propos critiques tenus par Laurent Gbagbo avaient pourtant fait polémique, Blé Goudé persiste et signe : « Du fond de ma cellule, je continue de croire que c’est la voie de la patience qu’il faut adopter pour un changement vrai dans une Afrique en proie aux dictatures. Pour ce choix, beaucoup m’ont traité de faiblard. Je leur ai déjà dit que je préfère être un faiblard au milieu de personnes en vie, que de paraître un homme puissant au milieu de corps sans vie. C’est un devoir pour le leader d’indiquer avec courage la voix à son peuple, au risque même d’essuyer sa colère et ses injures. Le leadership doit souvent s’accommoder des injures et des moments d’incompréhension quant au bout du compte, la décision prise a pour enjeu des vies humaines. Il vaut parfois mieux être lent, que de se précipiter dans le seul but de paraître un décideur. Ce n’est pas dans la rapidité que l’on trouve la valeur d’une décision, mais plutôt dans son objectif ultime et dans le résultats produit, nous enseigne encore Mandela. Que de leaders ont souvent conduit leurs peuples à la dérive par manque de courage de leur dire ce qu’ils devraient entendre. Sous le sempiternel prétexte de suivre la voie et la voix du peuple, ils commettent l’erreur de dire à leurs partisans ce que ces derniers ont envie d’entendre. Le rôle d’un leader n’est-il pas d’indiquer la voie ? Je trouve très dangereux, voire irresponsable, un leader qui, dans le seul but de se faire applaudir, fait nourrir de faux espoirs à son peuple. Ne pas avoir le courage de dire « non » quand on est convaincu que la voie est sans lendemain, dire « oui » par peur d’essuyer des injures et de se faire rejeter est plus qu’une trahison. À des moments cruciaux où l’on avait besoin de sang froid pour faire preuve de sagesse afin d’éviter l’implosion, j’ai souvent été déçu d’entendre certains de mes camarades me dire : « Charles, tu risques de compromettre ta carrière politique si tu ne soutiens pas la position du groupe ». Ainsi soutient-on une position, non pas parce qu’on la trouve juste, mais parce qu’on a peur de se voir marginaliser par le groupe. Voilà la pire des manières qui induit la plupart des leaders en erreur. Au nom de nos « carrières » et du « pouvoir » … ».
De qui parle l’auteur ? Qui sont ces hommes politiques, ces leaders qui ont refusé d’assumer, qui n’ont pas eu le courage de dire non, pour faire plaisir au peuple ? Et si au-delà des frondeurs d’Abidjan et du FPI, c’est Laurent Gbagbo lui-même qui était visé par la leçon de sagesse et de stratégie de Blé Goudé, qui se met sous le parapluie de Nelson Mandela pour argumenter ; mais surtout pour espérer échapper aux critiques de l’adversité interne, qui selon l’avocat Sery Zokou, ont le plus fait mal à son client. Affaire à suivre….
Charles Kouassi
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