Pour devenir riche en Afrique francophone, il faut accéder au pouvoir. C’est l’État qui permet de s’enrichir. Rares sont ceux qui sont devenus millionnaires à créant une entreprise. Dans l’Afrique anglophone, les millionnaires viennent du monde de l’entreprise, comme le Nigérian Dangote. Il est temps, en Côte d’Ivoire, de libéraliser l’économie et de libérer les énergies. L’esprit entrepreneurial doit souffler davantage sur notre continent.
Or, en Côte d’Ivoire, des observateurs se plaignent souvent, sans doute avec raison, des ministres ou de leurs hommes de main et proches qui font des affaires ; mais également des agents de l’État, DG et fonctionnaires qui, au mépris du code de la fonction publique, détiennent des intérêts et des parts dans des activités commerciales privées, créant des risques de conflits d’intérêts et de manœuvres pour privilégier l’entreprise privée au détriment des services publics.
Il faudrait sans doute investiguer comme il faut, pour trouver des faits avérés de collusion coupable, de délit d’initié ou de conflit d’intérêts s’agissant des marchés d’État obtenus par des hommes d’affaires ad’hoc, c’est à dire ceux qui n’en ont jamais été. Ces hommes qui n’ont jamais fait des affaires, mais qui, avec l’avènement de proches au pouvoir, se découvrent sur le tard, ou subitement, des aptitudes d’entrepreneur.
Le président Ouattara, dans sa volonté de mettre les meilleurs atouts au service de l’État , et de fournir toutes les compétences qu’il jugeait utile au service de l’action du gouvernement, est allé chercher des hommes d’affaires qui avaient réussi dans le privé. Je pense à Bictogo Adama qui avait commencé à faire ses preuves avec Snedai, dans l’édition de documents administratifs sécurisés, et à Mamadou Sanogo qui avait réussi dans l’enseignement.
Fabrice Sawegnon est un brillant chef d’entreprise. Le Président Ouattara a sûrement pensé à lui proposer un ministère comme, par exemple, l’innovation. Cela aurait été sans doute utile pour le gouvernement et au pays, mais cela aurait privé le Groupe Voodoo, de son dirigeant charismatique et le secteur privé d’un patron dynamique.
Cette façon d’intégrer au sein de la gestion des affaires d’État, des hommes d’affaires ayant réussi dans le privé conduit à appauvrir le secteur privé qui se voit dépossédé de ses patrons les plus brillants.
On ne peut pas atteindre l’émergence avec seulement un État fort, il faut également un secteur privé fort avec des « Dangoté » locaux, des champions nationaux et internationaux, des start-up innovantes, capables de diversifier l’économie, de créer de la valeur ajoutée et des emplois.
Il ne s’agit pas de nier le rôle de l’État, qu’il soit stratège pour définir les secteurs productifs et stratégiques, ou protecteur pour les plus fragiles, il s’agit de dire que le secteur privé doit être au cœur de l’efficacité économique et de l’efficacité sociale, comme il doit être au cœur des politiques de l’emploi.
La capacité d’être influent dans le pays, d’avoir accès au chef de l’État , sans être ministre, DG, conseiller à la Présidence, à la Primature, ni dans un ministère, rendra à l’entreprenariat toute sa dimension.
Dans les pays occidentaux, les agents et fonctionnaires, les ministres et acteurs politiques ne peuvent se servir dans les caisses de l’État. Pour devenir millionnaire, il faut travailler dans le secteur privé..
S’il n’y a plus de possibilités de tirer des profits indus d’une position dans l’État , la bataille pour accéder ou rester au pouvoir en sera davantage dépassionnée.
Des gens comme Adama Toungara, autrefois consultant prospère dans le pétrole, ne prendraient pas mal le fait de n’être plus ministre, et ne s’accrocheraient pas à un poste de conseiller de chef de l’État, ou à un autre strapontin.
Dégraisser le mammouth et revaloriser le secteur privé, créer des champions nationaux, baisser l’attrait des opportunités offertes par le service de l’État qui n’a pas pour vocation de créer les profits et les richesses, mais investir pour la collectivité les richesses produites par le privé, c’est là un des chemins assuré pour l’émergence.
Wakili Alafé