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    Agro-business : société en perte de repères , appât du gain facile et laxisme

    Agro-business : société en perte de repères , appât du gain facile et laxisme
    Publié le
    Par
    Charles Kouassi
    Lecture 7 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Dans la société ivoirienne, comme dans toutes les sociétés modernes aujourd’hui, l’argent circule, beaucoup d’argent.

    Dans tous les secteurs, en particulier l’agro-alimentaire, les offres d’investissement se multiplient. Des gens sont prêts à investir. Et les risques d’escroqueries se multiplient aussi face à des investisseurs crédules, uniquement motivés par l’appât du gain facile et rapide.

    L’affaire Madoff, qui fonctionne comme une « chaîne de Ponzi », a révélé au grand public comment se met en place un système frauduleux : l’argent des nouveaux investisseurs, à qui on a promis des gains exceptionnels, sert à financer le rendement des premiers investisseurs, mais aucun placement n’est fait en réalité. Très vite, le capital de la société d’investissement est dilapidé. C’est ce qui s’est passé avec le scandale qui vient d’éclater en Côte d’Ivoire dans l’agro-alimentaire.

    Les composantes de l’escroquerie sont : 1) un secteur en demande d’investissements (les mines et l’agro-alimentaire sont à la mode) 2) l’escroc, généralement beau parleur qui reçoit dans de somptueux locaux et des hôtels de luxe 3)l’investisseur crédule émerveillé par tant de richesses 4) le laxisme des pouvoirs publics incapables de protéger les investisseurs (autorités financières et de régulation défaillantes).

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    Le scandale de l’agro-alimentaire en Côte d’Ivoire et la mauvaise foi des souscripteurs abusés

     
    Quand les investisseurs n’ont pas confiance dans un gouvernement ceux-ci se tournent vers des offres qui proposent des rendements exceptionnels et des gains rapides. C’est ce qui s’est passé dans cette affaire relative à l’agro-business. Le principe de l’agro-business consiste à investir dans l’agriculture et à développer un business autour des activités agricoles, afin de récolter des plus-values considérables au bout de six mois maximum.

    L’agro-alimentaire est un secteur porteur pour les investissements. La demande en produits agricoles est considérable. On retrouve dans le scandale qui frappe la Côte d’Ivoire le fonctionnement habituel de l’escroquerie : les retours sur investissements ont été financés par les souscriptions de nouveaux adhérents.

    Aucun investissement agricole durable n’a été fait. L’argent des souscripteurs est même allé directement sur les comptes personnels des escrocs pour créer d’autres sociétés.

    Le gouvernement constate alors un phénomène qui prend de l’ampleur et qui fait appel à l’épargne publique au mépris des dispositions légales. Le développement et le mode de fonctionnement des structures d’agro-business commencent à poser problème. Des mesures préventives sont donc prises à l’effet d’éviter des problèmes sociaux plus graves.

    Mais voici que des experts sortent de partout pour justifier les retours sur investissement excessifs et exorbitants promis aux souscripteurs, alors que les plantations prévues pour servir de bases à l’opération n’existent pas en quantités suffisantes.

    On fait donc appel à des arguments dilatoires selon lesquels une petite surface peut rendre des productions qui rendent rapidement riche grâce à des techniques savantes inconnues de tous  ( qui sont autant de recettes d’escrocs ) , pour mettre en cause la bonne foi du gouvernement , la crédibilité et l’honorabilité des banques.

    Face à ce flot de critiques teintées de peu de bonne foi ,on a presqu’envie de dire au gouvernement comme les souscripteurs : ” mais , où est le problème si les gens veulent se faire abuser ? Laissez-les se faire abuser ! ” Ainsi donc le gouvernement devrait laisser faire et regarder de loin en débloquant les comptes des escrocs !

    Mais une telle attitude serait irresponsable car les mêmes seraient les premiers à se plaindre demain, sans oublier que les conséquences de l’inaction des autorités vont s’imposer à toute la société, dans la mesure où sans doute, aucune assurance n’a été souscrite par ces opérateurs pour parer aux imprévus éventuels.

    En clair, ce sera à toute la collectivité de rembourser les mauvais rêves et les faux choix d’un groupe d’ivoiriens. On nous dit qu’il n’y a pas d’emplois, que la pauvreté fait rage et qu’il ne faut pas reprocher à des populations de rêver à un meilleur sort ! Il n’en est rien !

     Ce qu’il faut noter c’est qu’en Côte d’Ivoire celui qui peut disposer d’une épargne de près d’un million Fcfa à mettre dans une affaire, n’est pas du côté des indigents !

    Les souscripteurs de l’agro-business ne sont pas toujours de petites gens. Ils ont accès aux médias et aux réseaux sociaux. Ils disposent de moyens  pour se faire entendre et interagir.

    Mais à ce jour, ils refusent de croire qu’ils ont pu se laisser abuser. Au lieu de faire un mea culpa, ils préfèrent reprocher au gouvernement de leur arracher leur rêve d’une vie meilleure grâce à la quête un retour sur investissement acquis dans des conditions douteuses et même irrégulières !

    Ils agissent ainsi pour faire pression et espérer être remboursé au-delà du capital et recevoir, par exemple, 3,600000 au lieu de 900000, alors que rien ne justifie un tel retour sur investissement !

    Au lieu d’être satisfaits de n’être pas poursuivis pour complicité dans une opération qui ressemble à l’usure, ou une chaîne de Ponzi, pour avoir contribué à favoriser l’escroquerie, les souscripteurs s’en prennent au gouvernement et à tous ceux qui émettent des critiques sur cette opération de course au gain facile! C’est le monde en l’envers !

    Ils s’en prennent particulièrement au gouvernement et mettent en doute l’intégrité de nos institutions. Ils répandent les allégations suivantes : les banques seraient jalouses du succès de l’agro-business , le gouvernement aurait besoin de l’argent du secteur de l’agro-business pour payer les salaires , et bien d’autres considérations de ce genre.

    La crise de confiance est certes réelle, mais le vrai problème, c’est bien la course au gain rapide et facile dans une société en train de perdre ses repères.

    Pour les uns cela prend la forme de la corruption, du détournement de deniers publics, ou, dans des affaires privées, de népotisme, de favoritisme dans les marchés publics et dans bien d’autres administrations.

    Pour les autres c’est dans l’agro-business ! Les escrocs de l’agro-business ont vite fait d’exploiter la crédulité de ceux qui disposent d’un peu d’argent et qui veulent devenir très riches en seulement trois ou six mois !

    Pourtant cette affaire aurait bien proposer si des le départ les bases e principes avaient plus clairs et sains .

    Par exemple, n”était ce pas plus juste de dire :  ” venez donner votre argent , on va prendre ça pour faire des plantations , vendre les récoltes , mais également pour acheter du cacao , du coton , des implants , ( etc ) et les vendre”

    Cependant il se trouve que pour acheter et vendre du cacao , du coton qu’on n’a pas produit  , des implants et autres , il faut des agréments et des autorisations , alors que l’on n’a pas d’autorisation expresse pour prendre l’argent de quelqu’un pour créer et exploiter une plantation et vendre les produits récoltés.

    Ces autorisations pour Agronomix  (Hévéa.com)  venaient d’être obtenues pour le cacao.

    Donc si c’est simplement pour aider à faire des plantations , récolter et vendre pas besoin d’autorisations particulières même s’il faut être vigilant comme pour les opérations immobilières et éviter que n’importe quelles entreprises jouent le rôle des banques et établissements financiers !

    Ce qu’il faut retenir selon les conclusions du groupe de travail , c’est que les retours sur investissement ( RSI ) déjà payés, ne l’ont jamais ( ou dans la plupart des cas ) été sur la base de la vente de produits agricoles , mais sur la base des nouvelles souscriptions.

    Maintenant il se trouve que l’argent des souscripteurs avait par la suite commencé à être investi dans l’immobilier, dans l’achat et la vente du cacao avec 700 tonnes saisies.

    Si dès le départ les choses avaient été ainsi claires , et qu’il avait été établi que les plantations n’étaient pas la base essentielle des RSI  , mais plutôt sur la base tout ce qui est lié à l’agriculture , on aurait pu comprendre .

    Mais cela exigeait d’avoir des autorisations pour commercialiser toutes ces productions , à moins que ce soit des avis de tiers-détenteurs.

    Aider des citoyens à faire des plantations et augmenter ainsi leurs revenues est une excellente chose , qui ne mérite pas que le gouvernement bloque ou s’en mêle !

    Si ce n’était que cela , il n’y aurait pas de problèmes. Mais ce n’est pas que cela ! Et c’est qu’il faut comprendre et faire comprendre !

    Charles Kouassi

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