De manière récurrente la difficile construction et consolidation démocratiques en Afrique est banalisée, sujette à interprétation et suspicion, lorsque la majorité du peuple s’exprime à un score massif et écrasant en faveur d’un candidat à l’élection présidentielle. Dans ce cas, de plus en plus de médias, journalistes, éditorialistes et politologues africains parlent de score soviétique ou stalinien.
Ils se trompent d’époque, de contexte socio-économique et de système politique où le peuple dans la diversité et la différence d’opinions, en toute impartialité, sincérité et transparence du scrutin, fait le bon choix sur le meilleur candidat à l’élection présidentielle dont le projet de société jouit plus de proximité avec la réalité qu’avec l’utopie.
Pour tout africain qui a vécu, séjourné, étudié dans un pays d’Europe de l’Est et Centrale pendant la période de la guerre froide, avant la chute du mur de Berlin, le score soviétique a existé en République Démocratique Allemande, en Bulgarie, en Hongrie, en Pologne, en Roumanie, en Tchécoslovaquie et en Union Soviétique, dans un système politique socialiste ou communiste de parti unique et dans un contexte socio-économique dont les douze (12) caractéristiques sont les suivantes :
1. le pouvoir dans les main de la classe ouvrière en alliance avec la paysannerie;
2. la dictature du prolétariat;
3. l’économie étatique à planification centralisée et impérative;
4. la priorité à l’industrie lourde;
5. la promotion patriotique du rôle de la jeunesse socialiste / communiste dans le développement et la défense du territoire;
6. le culte de la personnalité;
7. l’inexistence de parti d’opposition politique;
8. l’absence de liberté d’expression, de pensée, d’opinion, de culte et de la presse;
9. l’inexistence d’observateurs nationaux et internationaux lors de l’élection présidentielle;
10. la propagande d’Etat et le monopole sur les médias;
11. la répression de l’expression politique de l’opposition;
12. l’inexistence de contre pouvoir et de moyens légaux de contradiction.
Après le sommet de la Baule (France), grâce au vent du multipartisme qui a soufflé sur le continent, le score soviétique a perdu de l’altitude sous le regard vigilant de la société civile, des observateurs nationaux, internationaux et des partis d’opposition dont les animateurs et candidats éduqués, bien formés et informés, connaissent les notions de patience, d’endurance, de mobilisation, de coalition et de positionnement stratégique pour la prise non violente du pouvoir.
Le score soviétique ou le plébiscite peut faire surface sans tricherie, sous les yeux impartiaux des observateurs là où l’opposition politique est confrontée aux lacunes, insuffisances, incapacités, écarts de résultats et facteurs réducteurs de son envol qui se résument comme suit:
1. elle ne fait pas le poids face une machine électorale huilée, organisée, méthodique, efficiente et performante;
2. elle est divisée, va en rang dispersé à l’élection présidentielle ;
3. elle n’arrive pas à faire rêver les femmes et les jeunes, l’avenir de la nation, apaiser les angoisses des exclus du système économique;
4. elle n’a pas de bilan économique élogieux;
5. elle ne réussit pas son test de personnalité et de solvabilité au cours des débats télévisés et radiodiffusés face aux électeurs ;
7. elle fait des promesses et engagements intenables aux électeurs qui ne sont ni naïfs ni amnésiques ;
8. elle n’a pas l’art de combiner / concilier le triptyque rêve-angoisse-bilan économique;
9. elle ne tient pas compte de la nature humaine versatile de l’électeur potentiel qui dévient électeur effectif une fois dans l’isoloir pour faire le choix entre son appartenance politique et l’amélioration socio-économique de ses conditions de vie et de travail et de celles de ses enfants;
10. elle ne sait pas que plus le pouvoir du peuple est grand, plus il peut accorder la majorité absolue à celui qui rassure.
Laurent Maurice Kouakou
chroniqueur expert consultant