La Circulaire Retailleau du 23 janvier 2025 pousse encore plus loin la volonté du Gouvernement français de durcir les conditions de régularisation des étrangers et plus généralement de réduire drastiquement le taux d’immigration en France.
Le Ministre Retailleau vient fermer les brèches ouvertes par la circulaire Valls du 28 novembre 2012, laquelle avait facilité dans une certaine mesure les régularisations de plusieurs étrangers sous condition de durée de présence, d’attaches familiales et/ou économiques (exercice en cours ou non d’une activité professionnelle) en France.
Son contenu consiste en des recommandations fermes adressées aux Préfets sur toute l’étendue du territoire français.
CONTENU DE LA CIRCULAIRE RETAILLEAU
Augmentation de la durée de présence en France
La durée minimale de résidence en France est désormais fixée à 7 ans.
Importance de la maîtrise de la langue française
L’étranger doit produire des preuves concrètes de maîtrise de la langue française à l’instar d’un diplôme ou d’une certification linguistique. Cet apprentissage pourrait être anticipé dans le pays d’origine préalablement à la mise en œuvre concrète du projet d’immigration.
Respect des Lois de la République
L’étranger devra non seulement ne pas constituer une menace à l’ordre public français mais également respecter les valeurs de la République. Il s’agit précisément des principes de laïcité, d’égalité et la non reproduction de pratiques telles que la polygamie, l’excision…
Automaticité de l’Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF)
La circulaire instaure la règle suivant laquelle tout refus opposé à une demande de régularisation doit être accompagné d’une OQTF et ce dans un contexte, où le délai d’exécution d’une OQTF d’une durée d’un an auparavant est désormais de trois ans.
Pire encore, la circulaire énonce que toute personne n’ayant pas exécuté précédemment une OQTF ne pourra pas faire l’objet d’une régularisation. Cette mesure particulièrement sévère vient davantage durcir les conditions de régularisation des personnes en situation irrégulière reçoivent en moyenne une à deux OQTF durant leurs périodes de précarité administrative.
Régularisation sur les métiers en tension vivement encouragée
Il est demandé aux Préfets de limiter les régularisations aux motifs professionnels surtout dans les métiers en tension. En effet, le nouvel article L 435-4 du CESEDA, crée par la Loi immigration de Janvier 2024 permet de régulariser pour un an, un étranger en situation irrégulière ayant travaillé u moins 12 mois au cours des deux dernières années dans un métier ou zone géographique en tension, en d’autres termes caractérisé (e) par des difficultés de recrutement.
Cette régularisation dite exceptionnelle sur les métiers en tension s’opère exclusivement sur la base de l’arrêté du 1er avril 2021. (prenant en compte la région de résidence)
CONSÉQUENCES PRATIQUES DE LA CIRCULAIRE RETAILLEAU
La Circulaire Retailleau à l’instar de celle qu’elle abroge (cf. circulaire Valls) n’a pas valeur de Loi et surtout ne créent au profit de l’étranger aucun droit opposable à la régularisation.
Elle renferme des instructions adressées aux Préfets dans l’optique d’éviter autant que faire se peut des particularités locales, ce qui entraînerait inévitablement un traitement disparate des étrangers en fonction de la Préfecture concernée.
Cette circulaire illustre une politique de stigmatisation doublée d’une précarisation profonde des étrangers en France. Elle intervient près d’un an après la Loi Darmanin et vise à accélérer l’expulsion des personnes étrangères irrégulières.
La circulaire sera également source de complexité grandissante au sein des Préfectures dans un contexte où les pratiques de ces dernières sont déjà divergentes.
Le périmètre d’action des travailleurs sociaux est aujourd’hui limité car les considérations humanitaires qu’ils pourraient soulever dans un dossier seront écartées au profit des nouvelles directives adressées aux Préfets.
Un climat de peur amplifié par la chasse aux sorcières menée récemment par un média d’extrême-droite à l’encontre de tous les avocats intervenant en droit des étrangers.
Maître Léa N’GUESSAN
Avocate au Barreau de Paris