Un mois après les violentes manifestations qui ont fait plusieurs morts en Côte d’ivoire, les violences et autres actes de vandalisme ont repris ce lundi 14 septembre 2020 à Abidjan et à Bangolo (ouest). Dans cette interview, M. Gah Roger, maire de Bangolo condamne de tels agissements dans sa circonscription et invite les élus et cadres à plus de responsabilité.
Afrikipresse : Bangolo a été ce lundi matin, le théâtre de violence. Qu’en savez-vous ?
Gah Roger : C’est assez malheureux que ce matin il y ait eu des manifestations avec plus de violence contrairement au mois d’août. C’est choquant de voir une telle scène, alors que les élus étaient sur le terrain récemment pour apaiser les tensions.
Afrikipresse : qu’est-ce qui peut expliquer cette résurgence de violence à Bangolo ?
Gah Roger : Certainement la forte concentration d’une jeunesse en panne de repère dû à la paupérisation et un manque de formation politique. Mais il revient à nous tous, cadres, élus et parents de parler à nos enfants, à notre jeunesse. On peut manifester, mais pas en cassant, en brûlant ce qui ne vous appartient pas. C’est un acte de vandalisme et de banditisme passible de peine d’emprisonnement.
Afrikipresse : Tous les élus de Bangolo sont proches du RHDP, parti au pouvoir. On comprend mal que les mêmes qui vous ont élus manifestent contre votre pouvoir.
Gah Roger : Tous les partis politiques sont représentés à Bangolo. Il faut aussi savoir que chacun entre en politique pour un idéal. Moi, c’est le développement de Bangolo qui me motive. Je ne sais pas pour les autres élus. Et on ne peut pas militer pour le développement et l’épanouissement de sa population et la pousser à manifester en même temps contre les tenants du pouvoir.
Afrikipresse : concrètement qui tire les ficelles à Bangolo, qui manipule les jeunes ?
Gah Roger : Je ne peux pas en ma qualité de premier magistrat de la ville de Bangolo indexer tel ou tel parti ou leader politique, ne les ayant pas vu en tête d’une quelconque manifestation. Toutefois, la réalité est que ces mêmes jeunes sont à la table de tous les responsables politiques lorsque nous arrivons à Bangolo, parce que c’est la famille avant tout.
Afrikipresse : Les jeunes vous acceptent et sont contre un troisième mandat du président Ouattara. C’est donc le chef de l’état, le problème de Bangolo ?
Gah Roger : Effectivement, ils manifestent contre le troisième mandat du chef de l’état ou encore la composition de la commission électorale indépendante. Mais cela ne doit pas se faire dans la violence, en cassant les biens d’autrui ou communs. Et ce qui est dit pour Bangolo est pareil pour les autres régions du pays. Ce lundi, en plus de Bangolo, on a vu des casses à Yopougon, Anyama et Songon ect. Est-ce à dire que dans ces autres localités citées, nous n’avons pas des responsables du RHDP ? Bien sûr que oui. C’est donc un acte à déplorer dans son ensemble sans forcement stigmatiser le seul département de Bangolo.
Afrikipresse : Parlant de Bangolo, ne pensez-vous pas que la mésentente entre les élus ne favorise pas l’avènement de toutes ces violences ?
Gah Roger : Vous avez raison. La mésentente entre les cadres est très criarde. Sur les réseaux sociaux, Bangolo est le seul département en Côte d’Ivoire où les cadres s’invectivent directement s’ils ne conditionnent pas leurs différents lieutenants sous couverts d’avatars pour dénigrer leurs adversaires politiques. C’est encore l’occasion pour moi d’appeler la jeunesse à la retenue, mais et surtout tous les cadres et élus à plus de responsabilité. Nous savons que pour des agendas personnels certains cadres et élus mènent des actions solitaires et sont prêts à dénigrer l’autre auprès des instances de décision pour un poste ministériel ou pour une haute fonction. Tout le monde ne peut pas devenir ministre, PCA ou Dg de société. Par contre nous avons un bien commun, c’est Bangolo. Il est donc important et même urgent que nous développions l’esprit de solidarité et de fraternité entre nous cadres et élus.
C’est seulement à ce prix que nous réussirons à parler d’une même voix pour convaincre nos jeunes à respecter les institutions du pays et à moins de violence. Car toutes ces manifestations contre les tenants du pouvoir ne peuvent que desservir Bangolo et retarder encore davantage son développement. D’ailleurs j’entends souvent dans les hautes sphères du régime que Bangolo n’aura rien parce que ses cadres ne s’entendent pas. On ne peut pas donner des responsabilités à des gens qui sont dans le chaud, dans l’adversité. Si tu n’es pas capable de protéger ton frère, de garder un secret et que tu passes ton temps à le dénigrer, je ne suis pas sûr que celui à qui tu parles te prenne au sérieux et te confie une responsabilité au plan national. Ce qui m’amène à croire que l’autre problème de Bangolo est l’immaturation politique de ses cadres et élus. Vous comprendrez donc pourquoi Bangolo sinon le Guemon n’a pas encore de ministre.
Propos recueillis par Philippe Kouhon