Après la crise en 2011, l’État ivoirien a redéployé les forces de l’ordre dans la région du Gbêkê, principalement à Bouaké, l’ex-capitale de la rébellion ivoirienne.
La police, la gendarmerie, les FRCI (Forces républicaines de Côte d’Ivoire) et le CCDO (Centre de Coordination des Décisions Opérationnelles) sont tous présents et à la tâche.
Malgré cette présence des soldats, un phénomène né de la crise de 2002 semble constituer le véritable problème de sécurité à Bouaké : les taxi-motos.
En 2002 en pleine guerre, Bouaké est coupée du reste de la Côte d’Ivoire. Cet embargo crée un énorme besoin dans la circulation des biens et des personnes. Les bitumes existants ont été tous dégradés, soit par manque d’entretien, soit à cause de la guerre. Les engins à deux roues se présentent alors comme une panacée , ayant la possibilité de circuler partout et à n’importe quel moment.
Au début, les populations ont applaudi cette innovation et l’activité exercée essentiellement par des anciens combattants et démobilisés. Selon les habitants interrogés, ce sont ces anciens combattants devenus conducteurs de taxis-motos qui sont les principaux acteurs de l’insécurité dans la ville.
Ils cacheraient des armes dans le siège de leurs motos, pour ensuite agresser leurs passagers. Pour de nombreux habitants de Bouaké, il est périlleux de sortir au delà de 22 heures.
Selon le préfet de police de Bouaké, N’guessan Konan Michel, par semaine, plus de dix cas de viol ou de banditisme sont imputés aux taxi-motos. La plupart d’entre eux roulent sans permis de conduire à plus forte raison le minimum de formation en la matière.
La mairie de la ville dénombre à ce jour plus de 7 000 taxi-motos en circulation. Pour la sécurité des personnes, la municipalité a mis des mesures : notamment le port obligatoire de l’uniforme, le casque pour passager etc. Mais tout est foulé au pied. Ce qui pourrait expliquer le nombre incalculable d’accidents dans la ville. Selon la mairie, un accident sur deux serait causé par les taxi-motos.
À l’approche de l’élection presidentielle d’octobre, certaines voix s’élèvent pour attirer l’attention sur les risques que représenteraient ces acteurs de la vie économique de Bouaké.
Pour Bassori Barro, ex-combattant et patron d’une agence de sécurité appelée SBB, les taxi-motos entretiendraient un réseau de trafic d’armes et de drogues, susceptibles de porter atteinte au deroulement d’un scrutin apaisé, transparent et inclusif à Bouaké.
Les taxi-motos rendent certes des services aux habitants de la région, parce qu’ils ont la capacité de franchir les limites des véhicules-taxis, à l’image de Ouagadougou, Cotonou etc.
Toutefois, si l’ordre ne régit pas ce secteur dans un laps de temps, sa capacité de nuisance pourrait prendre de l’ampleur. Et c’est toujours les populations qui prendront les pots cassés.
Kanaté K, envoyé spécial à Bouaké