Il était grand temps. Il y a presque un an, le 21 septembre 2013, l’attaque des shebab contre le centre commercial Westgate de Nairobi avait duré quatre jours et fait 68 morts et plus de 200 blessés. Les shebab, en Somalie et sur la côte kényane à majorité musulmane, sont loin de rivaliser avec les escadrons sanguinaires de Boko Haram à l’autre bout du continent. Attentats-suicides quotidiens, incendies d’églises et d’écoles, Boko Haram pratique le rapt pour accentuer le rapport de forces. Non seulement l’un de ses groupes détient toujours plus de 250 jeunes filles nigérianes en otages dans la jungle, mais un autre commando a enlevé le 27 juillet l’épouse du vice-Premier ministre camerounais, un homme qui avait servi de négociateur avec Boko Haram pour la libération de la famille Moulin-Fournier en avril 2013. Le leader de l’organisation, Abubakar Shekau, a proclamé depuis son allégeance au califat de l’État islamique.
Le mythe des frontières
Que faire? Outre la Somalie et le Cameroun, il y a également plus au nord le Sinaï livré aux djihadistes ; le Sud libyen aux mains d’Ansar al-Charia ; les monts Chaambi, en Tunisie, à partir desquels des groupes terroristes déstabilisent l’Ouest tunisien ; le nord du Niger, du Mali et du Burkina toujours travaillés par Aqmi ou le Mujao. Sans compter la Centrafrique et une partie de l’Ouganda, où d’autres organisations islamistes sèment la terreur. L’Union africaine le sait : elle n’a pas les moyens, en tant qu’organisation, de lutter contre ce phénomène de l’islamisme radical et du terrorisme qui ne cesse de s’accentuer. “Mais il y a au moins une prise de conscience, les Africains comprennent enfin que le danger qui les menace ne vient pas de l’ethnie adverse ou du pays voisin mais du terrorisme”, confie une source française bien informée de ce dossier. Le vrai défi consiste donc à faire travailler ensemble des services de sécurité dans une ambiance de néonationalisme où chacun se recroqueville sur sa souveraineté. Sauf que les terroristes ont réussi à briser ces monopoles de la force et le mythe des frontières sécurisantes. L’Union africaine devrait officialiser mardi le soutien qu’a décidé d’accorder Washington à une demi-douzaine de pays pour moderniser leurs forces de sécurité afin de lutter contre le terrorisme au quotidien, comme en Tunisie, mais également pour les former à participer à des opérations de maintien de la paix après avoir stabilisé des zones menacées par le djihadisme, comme au Mali. La France accueille positivement cette initiative. Mais il ne suffit pas de mettre en œuvre que des moyens et des effectifs. Encore faut-il penser et anticiper les menaces de demain. D’où l’idée française de créer le premier Forum panafricain sur la paix et la sécurité, qui se tiendra en décembre à Dakar. Afin que “les Africains s’approprient leur propre sécurité”.
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