En Afrique, la pollution de l’air tue désormais plus que la malnutrition infantile. Certains pays ne la considèrent pourtant pas comme un risque majeur et laissent prospérer les pratiques qui la favorisent, comme l’extraction minière sauvage.
« La pollution de l’air est un tueur invisible qui peut toucher chacun d’entre nous », alertait l’Organisation mondiale de la santé (OMS) lors de la présentation de sa campagne BreatheLife (« Respire la vie ») en 2016.
Hélas, cela est particulièrement vrai en Afrique, où les niveaux de pollution de l’air, bien qu’importants, ne sont pas suffisamment documentés. Pire : alors que l’agence onusienne a développé des programmes relatifs à la qualité de l’air dans de nombreuses régions du monde, aucun programme de ce type n’existe actuellement en Afrique subsaharienne, une région qui en aurait pourtant grand besoin.
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Publié en septembre 2016, le premier rapport de l’OCDE sur le sujet tirait la sonnette d’alarme. En Afrique, les décès prématurés provoqués par la pollution de l’air intérieur et extérieur ont augmenté de 36 % entre 1990 et 2013, révélait le rapport. En 1990, 181 000 Africains perdaient la vie à cause de la pollution extérieure par les particules fines, contre 246 403 en 2013. De son côté, la pollution de l’air intérieur faisait 396 093 morts en 1990 contre 466 079 en 2013.
En Afrique, la pollution représente désormais une menace plus importante pour la population que la malnutrition infantile (275 000 victimes), l’assainissement insuffisant (391 000) ou l’eau non potable (542 000). Or, bien que des progrès significatifs aient été accomplis, « l’Afrique ne pourra pas se focaliser sur le nouveau risque de pollution par les particules si des sujets anciens comme la sous-alimentation des enfants n’ont pas été réglés », prévient le rapport de l’OCDE.
Menace économique
La pollution de l’air constitue également une menace sur le plan économique. L’OCDE estime qu’elle coûte tous les ans 200 milliards d’euros aux pays africains. De son côté, la Banque mondiale (BM) calcule que les pertes de revenus du travail liés à la pollution de l’air représentent chaque année l’équivalent de 0,61 % du PIB en Afrique subsaharienne, contre 0,13 % en Europe et 0,11 % en Amérique du Nord. Le manque à gagner pour l’économie étant effectivement plus important dans les pays ayant une population jeune, dont la capacité de gain est diminuée par la pollution.
Les sources de pollution de l’air sont multiples, et la situation africaine est de ce point de vue plus complexe que dans le reste du monde. Si dans les grandes villes occidentales le trafic automobile est la principale cause de pollution, dans les villes africaines cette source est rendue plus nuisible par le fait que les pots catalytiques sont absents des véhicules, que les modèles sont plus anciens et les carburants de moins bonne qualité.
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Autres sources redoutables : les entités industrielles peu équipées en système de lavage de fumée, les millions de générateurs au diesel, la combustion de déchets, l’utilisation de charbon de bois dans des foyers ouverts pour faire cuire les aliments ou l’extraction de minerais comme la bauxite, le phosphate et l’uranium.
Diminuer plutôt que multiplier les sources de pollution
L’exploitation sauvage et le transport inadapté de bauxite avaient entraîné l’érosion des sols, le déboisement des forêts, la contamination des eaux et la pollution de l’air en Indonésie et en Malaisie, principaux exportateurs du minerai il y a quelques années.
Depuis, les deux pays asiatiques ont dû mettre un frein à l’extraction de bauxite, et c’est la Guinée qui a repris le flambeau. En 2016, la production de bauxite de la Guinée a augmenté de plus de 50 %, à 27 605 000 tonnes, selon les nouvelles données de la Banque mondiale. Le pays est ainsi passé de son rang de sixième producteur mondial en 2015 à celui de quatrième. Or, le traitement du minerai en grandes quantités engendre des « boues rouges » très toxiques qui imprègnent les nappes phréatiques, tandis que les poussières de bauxite polluent l’air.
Multiplier les sources de pollution est pourtant la dernière chose dont le continent africain ait besoin. Au contraire, le monde entier devrait veiller à ce qu’elles diminuent. « Si la pollution en Afrique participe au changement climatique, alors que ses habitants représentent 16 % de la population mondiale, il est sain d’estimer qu’elle augmentera considérablement quand ses habitants atteindront 25 % de la population mondiale en 2050 et 40 % en 2100 », résume l’étude de l’OCDE.
Antoine Denivel