Une délégation de l’ONG Amnesty International a bouclé ce jeudi 22 octobre 2015 une mission de travail à Conakry. Cette fin de mission a été sanctionnée par une conférence de presse au cours de laquelle la délégation a présenté un communiqué final où elle dénonce la brutalité des forces de l’ordre sur des manifestants non armés.
Selon l’ONG, les forces de sécurité ont tué au moins trois personnes – deux en leur tirant dans le dos et une en la battant à mort, à Conakry, lors d’échauffourées liées à l’élection présidentielle.
Par ailleurs, Amnesty International a révélé que des affrontements entre sympathisants de partis rivaux ont fait trois morts et au moins 80 blessés dans la même ville.
Dans le reste du pays, au moins sept personnes ont perdu la vie dans les mêmes circonstances. Les homicides ont eu lieu entre les 8 et 13 octobre, soit en pleine période électorale. Les résultats du scrutin présidentiel sont contestés et des élections locales doivent se tenir en 2016, ce qui fait craindre que de nouvelles manifestations ne donnent lieu à d’autres décès, à moins que les forces de sécurité ne fassent preuve de retenue et que les agents soupçonnés d’avoir tiré sur des civils ne soient traduits en justice et jugés équitablement par des tribunaux civils de droit commun, craint l’ONG de défense des droits humains.
François Patuel, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International a déclaré que « des éléments montrent sans équivoque que des agents des forces de sécurité guinéennes ont tué ou blessé des civils sans arme. Rien ne peut justifier d’avoir tiré sur ces personnes ni de ne pas engager la responsabilité pénale des auteurs présumés des coups de feu ».
« Tant que les autorités toléreront que les forces de sécurité fassent usage d’armes à feu contre la population, il sera impossible d’instaurer un climat de confiance et de mettre fin aux violences électorales récurrentes en Guinée», a indiqué M. Patuel.
Les quartiers où les victimes habitaient ont été le théâtre de manifestations autour de la date de l’élection et, lors de rassemblements de ce type, il arrive souvent que la foule jette des pierres aux forces de sécurité. Cependant, des témoins oculaires et des proches des personnes tuées par les forces de sécurité ont indiqué à Amnesty International que ces personnes n’avaient pas pris part aux violences et n’étaient pas armées.
Parmi les victimes rencontrées par Amnesty International, figurent un chauffeur de 24 ans. D’après l’ONG, des gendarmes lui ont tiré dans le dos alors qu’il marchait en direction du domicile de son frère. Un gendarme a aussi abattu un charpentier de 20 ans, qui se trouvait de dos dans une allée et dont le corps a été abandonné dans une décharge. La troisième personne tuée est un étudiant de 20 ans, matraqué à mort par six policiers.
Témoignage
« C’était le 13 octobre, vers minuit. Nous discutions près de l’atelier où nos amis travaillaient. Un pick-up de la gendarmerie est arrivé dans la rue et sept gendarmes armés de fusils en sont sortis en trombe. Il y avait eu des affrontements violents dans notre quartier ce jour-là, alors nous avons pris peur et nous sommes partis en courant. Ils ont tiré sur nous et touché [notre ami] au dos. Nous l’avons retrouvé dans une décharge le lendemain matin », a rapporté un témoin à Amnesty International.
Au moins 350 personnes sont mortes et plus de 1 750 ont été blessées lors de manifestations organisées en Guinée au cours des 10 dernières années. La plupart étaient des manifestants, et parfois des passants, blessés ou tués par les forces de sécurité, selon des informations recueillies par Amnesty International.
Aliou BM Diallo