Jean Pierre Sanga est à la tête d’une coopérative de producteurs de café-cacao à Facobly dans l’ouest de la Côte d’Ivoire. Il répond aux sénateurs démocrates Ron Wyden de l’Oregon et Sherrod Brown de l’Ohio qui menacent les importations de cacao aux États-Unis, sous prétexte qu’il serait issu du travail des enfants.
Afrikipresse : Bonjour M. Sanga. Présentez-nous votre coopérative
Jean Pierre Sanga (JPS): Fonctionnaire de l’Etat, j’ai décidé de retourner à la terre, il y a de cela 20 ans. Je suis à la tête de la coopérative des producteurs agricoles de Facobly. Elle compte 600 producteurs pour 1800ha de café émergent. Ce café est une révolution qui rentre en production au bout de 18 mois.
Afrikipresse : Et le cacao ?
JPS : C’est bien par le cacao que nous avons commencé. Malheureusement nous avons subi beaucoup de dégâts avec le swollen shoot qui attaque les vergers des cultures de cacaoyers. Voilà comment les autorités du pays nous ont conseillé de diversifier la production agricole. Toutefois nous avons des plantations de cacao à Facobly.
Afrikipresse : Parlant du cacao, deux sénateurs américains se plaignent du travail des enfants dans les plantations de cacao et menacent les importations de celui-ci aux Etats-Unis. Qu’en savez-vous ?
JPS : Cela fait plus de 10 ans que la lutte contre le travail des enfants est engagée ici en Côte d’Ivoire. C’est une fausse interprétation de dire que les enfants travaillent dans les plantations de cacao. Je m’explique : chez nous en Afrique et surtout dans le milieu rural, le villageois est au village la nuit et au campement pendant la journée.
Par conséquent le parent qui se rend au campement puis à la plantation ne peut pas laisser seul son enfant au village. C’est pareil pour l’européen qui ramène son enfant suivre un match de foot ou baseball ou encore un meeting politique. Cela ne fait pas de l’enfant européen un joueur professionnel ou un militant politique. Ce n’est pas non plus parce que les parents européens aiment tant leurs enfants. C’est bien parce qu’ils ne savent pas souvent avec qui garder l’enfant.
En Afrique, les enfants qui accompagnent les parents au campement sorte de mini village en pleine forêt non loin de la plantation ne travaillent pas directement dans ces plantations. Ils s’adonnent à des activités récréatives telles, le foot. Ils apprennent certains rudiments de la vie communautaire et villageoise. Il est fréquent chez un enfant curieux de voir son père casser une cabosse de cacao. Il veut goutter la fève sucrée. Et cela arrive très souvent pendant les vacances scolaires. Exactement comme l’enfant européen qui accompagne ses parents dans leurs fermes. Cela ne fait pas de ce dernier un fermier. Il est donc de notre culture comme en Europe d’être avec nos enfants partout. Leur transmettre le savoir sans que ces derniers ne s’adonnent à du travail forcé.
Enfin, si cela se faisait au temps jadis, en tout cas en Côte d’Ivoire il est rare de voir un enfant en âge d’aller à l’école de s’adonner à une telle pratique surtout que la première dame de Côte d’Ivoire, Dominique Ouattara en a fait son cheval de bataille depuis plus de dix ans avec le comité national de surveillance des actions de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants (CNS) et les autres actions du gouvernement ivoirien à travers le Comité Interministériel de lutte contre la traite, l’exploitation et le travail des enfants (CIM). Je voudrais profiter de votre micro pour la féliciter (Mme Dominique Ouattara, ndlr) parce que le message est passé et nous planteurs avons compris l’importance de maintenir nos enfants loin des travaux champêtres.
Afrikipresse : Quel message véhicule-t-elle. Je veux parler de Mme Dominique Ouattara.
JPS : Le rôle de l’enfant c’est d’aller à l’école et non travailler dans les plantations de café, cacao, hévéa et autres. Avant, pour des problèmes de moyens financiers certains parents n’envoyaient pas leurs enfants à l’école. Mais depuis que le président Alassane Ouattara a instauré l’école gratuite et obligatoire pour les enfants de 6 à 16 ans, il n’y a plus d’excuse de garder un enfant à la maison. Et c’est pendant les vacances scolaires que les enfants accompagnent les parents au campement et non dans les plantations.
Afrikipresse : Un dernier mot
JPS : Nous avons appris par voie de presse que la première dame se rendra aux Etats-Unis suite aux contrevérités sur le travail des enfants dans nos plantations. Elle a tout notre soutien. Et comme je l’ai dit, notre problème n’est pas le travail des enfants qui est un mensonge cousu de file blanc mais plutôt le prix de nos matières premières. Nous souhaiterions que toutes ces énergies que la première dame dégagera dans ces voyages ainsi que le président de la république et le gouvernement, pour convaincre les européens sur ce qui n’existe pas, soient mises à profit pour négocier le prix à la hausse de nos matières premières.
Propos recueillis par Philippe Kouhon