Elle croit en la force de l’engagement des femmes africaines pour booster le développement intégral du continent. Un exemple entre mille : le secteur de l’assainissement. Selon la congolaise Béatrice BASHIZI, qui vit en Belgique depuis trente ans, la femme a des atouts assurés pour contribuer à améliorer l’image des villes africaines dont certaines d’entre elles se comparent, malheureusement, à des villes poubelles. La femme peut relever le défi ! Afrikipresse s’est entretenu avec cette militante de la société civile belge.
AP : comment expliquer votre activisme dans le secteur de l’assainissement en tant qu’actrice de la société civile ?
Cela fait dix ans depuis que je milite contre les violences faites aux femmes dans divers pays du continent. Dans cette dynamique, je contribue aussi , à ma façon, au développement de mon pays d’origine, la RDC. Sur le point de l’assainissement auquel vous faites référence, disons que les saletés demeurent visibles dans nos villes. Pour le cas de la ville de Bukavu, spécifiquement, de la commune de Bagira qui m’a vu naître , j’avais l’habitude de dire à mes concitoyens du terroir : ’’ les immondices vous tueront avant que les armes ne vous tuent’’. Cette manière de parler invitait les gens à se rendre vite à l’évidence de la dangerosité de cette insalubrité qui ne préoccupait personne. Révoltée, en 2008, j’avais remis des brouettes, bèches et autres outils aux femmes de la commune dans le souci de les faire travailler pour assurer la propreté dans leurs quartiers respectifs. Je suis certaine que c’est avec les femmes qu’il convient de déclencher un changement environnemental sérieux . Dès le départ, il me fallait proposer des petits groupes de quinze femmes pour former la brigade de propreté active jusqu’à aujourd’hui , à la grande fierté du bourgmestre.
AP : Pourquoi mettez-vous un focus sur les femmes dans cette option de la salubrité publique ? Sur l’ensemble des brigades de propreté, l’on note 80% de la gente féminine.
Nous encourageons l’assainissement de la ville, de la province et du pays en impliquant de près la femme en connaissance de cause. Lorsque les femmes peuvent s’employer à vider des rigoles, déboucher des caniveaux et ainsi de suite, la communauté sera, dans ce cas, épargnée des maladies causées par des moustiques. En outre, l’assainissement requiert des efforts collectifs qui ne proviendrait pas que des hommes. En travaillant ensemble dans ce sens, la cohésion sociale sera consolidée. Nous souder les coudes pour une activité dont dépend notre santé est une bonne chose. Cela veut dire que les femmes sont autant associées, dans cette tâche, que les hommes.
AP : En commune de Bagira, vous avez remis le 19 Aout 2016 des matériels d’assainissement aux brigades de propreté. Manifestement, le lot est insignifiant par rapport au volume du travail attendu. Qu’en dites-vous ?
Oui, c’est insignifiant. Une dizaine de bèches, brouettes, poubelles et consorts pour une population de 250 mille personnes, c’est rien du tout apparemment. Mais, ne regardez pas les matériels, regardez plutôt le sens que cela renferme. L’important est que cela ait un effet déclic sur la population locale, et qu’enfin, elle adopte des bonnes habitudes de promouvoir la salubrité publique. Il est question de réveiller la conscience d’autres couches des citoyens appelés à retrousser les manches pour des travaux d’assainissement public avec des moyens matériels de bord. Et par la suite, l’autorité devrait ensuite faire plus.
AP : quelle est l’expérience de la Belgique dans cette dimension de l’assainissement que vous voudriez, à l’avenir, adapter au contexte local ?
L’expérience ne sort pas de l’ordinaire. Je dois préciser que mon pays a besoin d’adopter certaines stratégies efficaces et efficientes qui ont fonctionné ailleurs et les intégrer dans sa politique environnementale urbaine. Par exemple, le compostage des déchets qui se pratique en Belgique, et qui pourrait être bénéfique à nos champs communautaires. À côté de cela, le recyclage qui peut nous rapporter de l’argent. D’ailleurs, le bureau économique de la province belge de Namur est prêt à soutenir le travail des femmes congolaises engagées dans ce secteur environnemental car, ce sont elles, qui peuvent inverser à 70% la tendance des villes poubelles dans certains pays. Que ce soit l’expérience de l’occident ou d’un autre pays africain, l’essentiel est que les habitants sachent, à leur tour, s’approprier ces travaux.
AP : Rebondissons sur la considération attachée à la femme africaine pour une telle action d’utilité sociétale. En quoi, est-elle si particulière ?
Qui investit dans la femme , investit pour la nation. Partout où je passe à travers le monde, je prêche ce message relatif au potentiel de la femme africaine. Il suffit de l’associer réellement dans le processus de gestion de l’assainissement pour que nos espaces urbains redeviennent propres, ou qu’ils les soient plus qu’auparavant. La femme a été préconçue pour porter l’hygiène. Il est vrai que l’homme apprend, au nom de ce principe de l’égalité des sexes, à balayer la cour de la maison, ramasser des détritus çà et là, mais la femme a, indiscutablement, une longueur d’avance pour avoir été ainsi éduquée depuis l’enfance. Pas des raisons donc pour nous femmes d’assister impuissantes à une scandaleuse dégradation de l’assainissement !
Badibanga Poivre D’Arvor