En 2005, Georges Weah est pour la première fois candidat à l’élection présidentielle au Liberia. Il arrive en tête du premier tour avec un peu plus de 40% des voix, mais perd au second face à l’actuelle chef de l’Etat, Ellen Johnson Sirleaf. En 2012, le chanteur-vedette sénégalais Youssouf N’Dour, alors âgé de52 ans, avait annoncé qu’il serait candidat à l’élection présidentielle du 21 février. Deux stars mondiales font ainsi le choix de s’engager en politique.
Ayant appelé à voter Macky Sall au second tour, YoussoufN’Dour entre au gouvernement comme ministre de la Culture, puis ministre du Tourisme. Il est aujourd’hui conseiller à la Présidence avec rang de ministre. Son rôle : promouvoir l’image du Sénégal à l’étranger.
Le parcours politique de Georges Weah a plus d’épaisseur. Il se présente à nouveau en 2011, mais pour être vice-président sur le ticket du candidat Winston Tubman. En 2014, Georges Weah, l’un des meilleurs footballeurs de sa génération, devient définitivement un homme politique en étant élu sénateur. Cette victoire a du sens, car il est élu dans la région la plus peuplée du pays qui abrite la capitale et il bat Robert Sirleaf, le fils de la présidente. L’ancien footballeur international Georges Weah vient d’officialiser sa candidature à l’élection présidentielle du Liberia d’octobre 2017 lors d’un meeting organisé par son parti, le Congress for Democratic Change (CDC).
Faut-il rappeler que l’ancien Président de la République d’Haïti, Michel Martelly, a été un grand musicien de kompa, ce qui lui a permis d’acquérir une notoriété nationale Il a même longtemps vécu de sa musique. Mais, lorsqu’il est candidat à la Présidence de la République, il est, depuis longtemps, engagé politiquement. Je retiens de ces trois exemples, Youssou N’DOUR, Georges Weah et Michel Martelly, que l’on peut être une star mondiale ou nationale, dans des domaines du divertissement (chanson, musque, football) et être élu président de la République.
Ronald Reagan n’a-t-il pas été acteur de cinéma avant de devenir le 40è Président des Etats-Unis, le pays le plus puissant du monde ?
Élu Président en 1981, à l’âge de 69 ans, Reagan s’intéresse à la politique dans les années 1950, il a alors 39 ans.
À la question « Qui est legitime pour être candidat à une élection présidentielle ? », je réponds : à partir des exemples de Weah, N’Dour et Reagan, une star mondiale ou nationale, dont la notoriété est telle qu’il peut recueillir les suffrages des électeurs.
Il n’est pas nécessaire de sortir du sérail politique. En cette période où la demande de renouvellement de la classe politique est forte, c’est peut-être un avantage d’être un artiste ou un footballeur pour capter l’attention de l’électorat.
Je vois même un intérêt à ce qu’une « vedette » utilise sa notoriété pour être candidat. Qui sont les spectateurs qui viennent applaudir un chanteur ou supporter leur équipe de football ? Des électeurs aussi.
On voit de plus en plus d’acteurs ou de sportifs de renom s’engager dans des mouvements citoyens, de Georges Clooney, qui est un véritable militant politique au service de la paix, à Agélina Joly, une militante engagée soucieuse des autres.
Après Youssouf N’Dour au Sénégal , Georges Weah au Liberia, demain Alpha Blondy, Didier Drogba, Murielle Ahouré, Yaya Toure en Côte d’Ivoire, Samuel Eto’o au Cameroun, etc. ? Aimons-nous nos champions devenus desstars, uniquement lorsqu’ils nous font rêver en étant les meilleurs dans leur domaine, le chant, la danse, la musique, le cinéma, le sport ? Dès qu’elle sort de son domaine, une star n’est-elle plus crédible ? Comme certains ont tendance à dire aux femmes « soit belle et tais-toi », signifiant ainsi qu’une femme belle est incapable de penser, nous avons tendance à coller des étiquettes qui ont pour fonction d’interdire à un individu de sortir de son domaine. Le chanteur doit rester chanteur. Nous soutenons l’idée selon laquelle le philosophe doit se contenter d’être le conseiller du Roi et qu’il ne peut pas prétendre devenir roi. Voltaire n’est jamais devenu roi, Machiavel non plus.
Lorsque je vois l’impuissance du politique, j’ai tendance à croire que la cité a besoin du philosophe non seulement comme penseur, mais aussi comme acteur dans le champ du politique et du social.
Comme André Malraux en France ou Gilberto Gil au Brésil, Youssouf N’Dour avait l’étoffe pour devenir un formidable ministre de la culture au Sénégal. Mais, les choses sont un peu plus compliquées en Afrique, surtout lorsqu’on n’appartient pas au sérail politique.
Pour ma part, j’aime ceux qui, prenant des risques, essaient de mettre leur notoriété au service de la collectivité à travers l’action et l’ambition politiques. Bien entendu, cette ambition de servir ne doit pas se fonder sur le seul charisme, elle doit s’appuyer sur un programme et un projet cohérent. Il faut une connaissance et une vision de la société et être capable de se projeter dans l’avenir.
Dans mon esprit, cela peut conduire à une manière nouvelle de faire la politique, avec l’arrivée de « stars » qui ne sont pas des politiciens classiques et traditionnels.
Leur notoriété doit leur permettre de s’affranchir des contraintes, des “redevances” et retour d’ascenseur, pratique courante en politique.
Un ministre est-il toujours choisi pour ce qu’il apporte au pays ? Ou doit-il sa nomination à des relations de « copinage » ou des liens de proximité avec le pouvoir ?
Dans la pièce Le Mariage de Figaro, Beaumarchais fait dire à Figaro, qui cherchait une place : « on pense à moi pour une place, mais par malheur j’y étais propre : il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l’obtint. » Comprenez par « propre » quelqu’un de compétent et par « calculateur » quelqu’un qui sait calculer. Lorsqu’on regarde les stars comme N’Dour ou Weah, Drogba ou Murielle Ahouré, aucune de ces vedettes n’a été nommée champion ou championne par décret ministériel. Toutes et tous ont bâti leur carrière et leur notoriété à la sueur de leur front. Youssouf N’Dour ne dit-il pas : « Ma vie est faite de 10% d’inspiration et 90% de transpiration » ?
Au moment où ils se lancent en politique ou quand ils accèdent à la magistrature suprême, ils ne sont pas redevables à des puissances d’argent. Mais, en politique, les choses ne sont pas aussi simples que cela.
Courage à Georges Weah qui avait tant été moqué et insulté à l’époque et qui a toujours accepté ses défaites lors des deux présidentielles auxquelles il a participé (2005 et 2011), afin de « préserver la paix ». Mister Georges n’avait que 39 ans lors de sa première élection présidentielle. Aujourd’hui, à 49 ans, son heure est-elle enfin arrivée ? Georges Weah, en plus de sa notoriété, possède aujourd’hui une grande expérience politique.
Mais la notoriété ne suffit pas à rendre légitime une candidature. Weah, l’unique Ballon d’or africain (1995) à ce jour, dispose de son propre parti politique et il a une vision de la société. Dans ses meetings, il tient à rappeler : « Je suis né dans une famille pauvre. Il y a bien des jours où j’ai dormi le ventre vide. Mais j’avais espoir et je suis arrivé là où je suis aujourd’hui. C’est pourquoi je dis que l’espoir fait vivre. Je veux que vous ayez espoir, aussi difficile que ce puisse être aujourd’hui. Je suis ici pour vous donner espoir. ».
L’espoir, c’est ce qui fait tenir les peuples africains. Mais, ce n’est pas un espoir abstrait, venu du ciel. C’est un espoir qui naît du travail et de l’engagement de chacun. Comme le dit Youssouf N’Dour, la réussite, c’est « 10 % d’inspiration et 90 % de sueur. »
Je souhaite voir de plus en plus de stars s’engager dans l’action politique ou citoyenne. Mais je tiens à leur rappeler que leur légitimité leur est donnée pour 10 % par leur notoriété et 90 % par leur travail.
WAKILI ALAFE
