Georgette Batoua est une ancienne élève du Lycée Mamie Faitai de Bingerville. Diplômée de l’université nationale de Côte d’Ivoire et également de la prestigieuse Albert-Ludwig-Université de Freiburg / Allemagne en sciences économiques et en gestion, elle est en charge de l’accueil, de l’hébergement et des premières démarches administratives de la masse des candidats à l’exil au sein d’une administration para publique allemande. Dans cet entretien accordé à Afrikipresse.fr, elle lève le voile sur son parcours, la réalité du terrain, sur son travail au quotidien aux côtés de ces populations.
Afrikipresse: Mme Batoua comment pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs en deux mots ?
Je suis Georgette Batoua, 34 ans , Ivoirienne d’origine et en charge de l’accueil , de l’hébergement et des premières démarches administratives au sein d’une entreprise para publique allemande au service des demandeurs d’asile.
Vous avez à peine terminé vos études d’économie d’entreprise réputées pointues, qui plus est dans une université d’élite, la Albert-Ludwig à Freiburg en un temps relativement concis ; et puis vous avez déjà un premier emploi. Comment avez-vous fait ?
Je dirai tout simplement que c’est le fruit de l´endurance et de l’acharnement dans le travail qui, ajoutés à la pure grâce de Dieu , m’ont conduite au succès.
L’enchaînement études , boulot et mariage à la clef, est hallucinant ! Vous avez l’air de ne pas vouloir traîner…
( Rires…) Oui bien sûr que je ne veux pas traîner ! En fait après plusieurs années d’études j’ai maintenant d’autres priorités telles que ma vie professionnelle et familiale.
Quelle série avez vous fait à Abidjan pour parvenir à réussir dans votre parcours en Allemagne ?
Après le Bac C au Lycée Mamie Faitai de Bingerville près d’Abidjan , j’ai fait le premier cycle en économie et gestion à l’université nationale de Côte d’Ivoire , avant de saisir l’opportunité de venir poursuivre mes études en Allemagne.
Cela fait penser à plusieurs difficultés connues, dont la barrière linguistique
Ce fut en effet un vrai parcours de combattant, à commencer par les deux années de cours intensifs de langue, sans bourses d’études même si l’université est gratuite en Allemagne. En plus des cours dans des écoles privées de langues, il a fallu que je m’accroche, que j’allie études et petits boulots, ce qui ne fut pas du tout évident.
Depuis décembre 2014 vous travaillez pour une entreprise para étatique au contact d’une clientèle particulière. Pouvez vous en dire un mot ?
Oui il s´agit d´une entreprise au service des migrants en Allemagne. Nous offrons les premières prestations sociales et administratives à ces nouveaux venus.
Vous conseillez au quotidien ces populations mais dans quelles langues et dans quels domaines ?
La langue de travail est d’abord L’Allemand. C’est un plus de pouvoir parler d’autres langues comme le Français et l’Anglais. Les études de gestion et d’économie étant multi sectorielles , je peux ici les mettre à profit , que ce soit dans la gestion des personnes , que pour les démarches administratives.
Certains de vos clients ont l’âge de vos parents quand d’autres sont une population plus jeune, il y a aussi des gens de votre âge. Quel effet cela fait-il de savoir que ceux-ci prennent le chemin de l’aventure au risque de leur vie?
J’éprouve beaucoup de peine et de compassion pour ces populations qui fuient leurs pays d’origine à cause des problèmes politico-sociaux et très souvent économiques . Je suis aussi toujours peinée de savoir qu’ils ont souvent dû tout abandonner et prendre d’énormes risques au péril de leur propre vie en espoir d’un mieux-être social des leurs parfois hypothétique. Mais en même temps j’ai ce sentiment de joie de me sentir utile, ne serait-ce qu’en allégeant un tant soit peu leur peine.
Comment sont reçus vos clients dans cette Allemagne que beaucoup qualifient d’émotionnellement désertique, c’est à dire un pays où les émotions et les faiblesses d’ordre sentimental n’existent pas.
Contrairement aux idée reçues sur l’Allemagne et sur les Allemands, les nouveaux venus sont accueillis avec beaucoup de chaleur et d´humanisme étant donné qu’ils s’agit de personnes vulnérables et déjà très épuisées.
Que faites-vous concrètement pour les nouveaux arrivants?
Nous les hébergeons dans des centres d’accueil provisoires et les aidons dans certaines démarches administratives de premières nécessités en vue de leur demande et de leur admission aux camps d’asile.
Que vous inspire cette saignée de la jeune et dynamique population africaine?
Je suis quelque peu écoeurée de voir l’Afrique se depeupler de sa jeune et dynamique population au profit de l’Europe.
Vous constituez vous-mêmes ces bras valides, de surcroît qualifiés qui manquent à l’appel pour bâtir l’Afrique!
J’en suis fort consciente mais la vie n’est pas seulement une course d’obstacles, elle est avant tout une course d’étapes et j’entends les prendre les unes après les autres.
Quels sont les États africains aux plus grands contingents?
Il y a le Nigeria, la Gambie et l’ Erythrée. Mais ces populations africaines sont en minorité par rapport aux autres.
Quelle est la part d’Ivoiriens?
Elle reste très faible.
Que pourriez-vous conseiller aux candidats et candidates au départ á l’exil ?
C’est une question un peu difficile parce qu’il y a plusieurs facteurs qui poussent les populations à partir pour l’ exil aventuriste. Je ne peux donc pas me faire la prétention de donner des conseils en ce sens.
Quel est votre mot de fin ?
Je souhaite la paix, la bonne gouvernance et une équité dans la répartition des richesses dans le monde et surtout en Afrique. Sur le continent africain je souhaite des structures de formation adéquates de sorte que nos jeunes et dynamiques populations ne se voient pas dans l’obligation d’abandonner leur pays pour un hypothétique meilleur avenir sous d’autres cieux.
Réalisé par Desiré-Christoph Oulai, (@djiboua7) Correspondant en Allemagne