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    Somalie : pourquoi la réconciliation nationale est-elle en panne ?

    Somalie : pourquoi la réconciliation nationale est-elle en panne ?
    Publié le
    Par
    Charles Kouassi
    Lecture 5 minutes
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    Après l’effondrement de l’Etat en 1991, la Somalie est entrée dans une nouvelle ère de sa longue histoire. Cette période a exposé la vulnérabilité de l’Etat postcolonial et la persistance de la culture locale basée sur le clanisme et l’islam. La guerre civile qui s’en est suivie, entre factions armées, a dévasté le pays.

    Depuis lors, le discours de réconciliation a été mis en avant comme un jargon sans substance. Le conflit en Somalie a été présenté comme un conflit de clans et tous les efforts de paix et de réconciliation, ont donc tourné autour de ces diagnostics simplistes. Sur cette base, diverses conférences de rapprochement ont été entreprises depuis 1991.

    La première conférence de réconciliation réussie a été celle des membres de la société civile à Djibouti en 2000 qui a jeté les bases de la notion de réconciliation entre l’État et la société par le biais de la Charte transitoire adoptée. Lors de la conférence de Djibouti, les élites politiques ont accepté le rôle des chefs traditionnels et celui de l’islam, et ont adopté un système de partage de pouvoir entre clans connu sous le nom de « formule 4.5 ». Depuis, le processus est devenu un simple système de partage de pouvoirs pour les élites politiques qui ont relégué la question de la réconciliation en marge.

    La réconciliation entre l’Etat et  la société exige d’abandonner la conception unique de la modernité pour s’ouvrir dans le contexte à de multiples modernités. Dans l’histoire de la Somalie, les approches de la construction de l’État ont utilisé deux modèles extrêmes. Le premier modèle a été fondé sur le déplacement de la société vers l’Etat qui a été testé lors de l’édification post-coloniale de l’État. Ce modèle était destiné à transformer la société traditionnelle en une société moderne et a finalement déraillé. C’était le modèle défendu par l’Etat somalien dans son ère démocratique libérale (1960-1969) et les périodes orientées socialistes (1969-1990). Le deuxième modèle extrême était basé sur le déplacement de l’État vers la société, ce qui signifie construire des institutions étatiques modernes sur la base des affiliations claniques et des structures traditionnelles. Cette approche de l’indigénisation a été utilisée comme arrangement intérimaire depuis 2000 lors de la Conférence de paix de Djibouti et s’est avérée insuffisante dans la construction d’institutions modernes de l’État. C’est pourquoi un nouveau modèle d’édification de l’État, qui combine la modernité et la tradition, est nécessaire pour résoudre l’énigme somalienne actuelle.

    Le principal problème de la Somalie réside dans la nature de l’Etat postcolonial et la culture politique de ses élites. En outre, la genèse de l’effondrement de l’Etat et de la guerre civile catastrophique qui s’en est suivie réside dans le conflit entre l’Etat postcolonial, les élites politiques et les fondements de la « Somalité »: le clan et l’islam. Par conséquent, jusqu’à ce que la source du conflit soit traitée correctement, il persistera. Cela ne signifie cependant pas que les rapprochements locaux ne sont pas importants. Au contraire, cela signifie seulement la non viabilité des rapprochements locaux sans la création d’institutions étatiques responsables et stables. En outre, cette proposition ne nie pas les conflits entre clans mais les considère comme un conflit secondaire qui existaient déjà dans la société somalienne traditionnelle en l’absence de l’Etat.

    Bien que la réconciliation par le modèle de l’État-société ait été acceptée conceptuellement depuis 2000, son application pratique pose problème. Pour ce faire, les espaces partagés et les zones distinctes de l’État et de la société devraient être identifiés, convenus et respectés. En outre, les fondements juridiques, les institutions et les structures appropriées devraient être établis et mis en œuvre de manière transparente. Ici je réfute que le problème somalien soit simplement le résultat du clanisme et ses conflits locaux. Aussi, je réfute l’essentialisation du conflit somalien basé sur le jargon recyclé entretenu depuis le début de notre mouvement de libération. En fait, la vraie réconciliation n’est pas autonome, elle devrait faire partie d’un mécanisme de justice transitionnelle (JT) qui n’a pas encore été incorporé dans le cadre du plan international pour la consolidation de la paix en Somalie.

    En général, la JT renvoie à un ensemble de mesures judiciaires et non judiciaires et à un ensemble d’approches visant à remédier aux violations massives des droits de l’homme. Ces mesures (vérité, condamnations, réparation, non-répétition) favorisent la confiance civique et l’unité, renforcent la paix et la règle démocratique du droit par des mesures qui garantissent la responsabilité. La justice transitoire n’est pas un nouveau processus de résolution des conflits inventé dans l’histoire moderne. Il a été déjà employé par le Prophète Muhammad après la récupération de la Mecque au 8ème année de l’hégire. Le Prophète Muhammad nous offre un excellent exemple d’amnistie, de réconciliation, de justice rétributive après la violence de masse, et de réforme des institutions d’oppression fondées sur la suprématie du clan. La nouvelle institution établie par le Prophète était basée sur le concept d’une communauté islamique « Ummah», sur la citoyenneté égale abolissant toute suprématie d’une race  ou d’un clan sur les autres, de manière à ce que tous les musulmans soient des frères et soeurs.

    Somme toute, nous remettons en cause le concept d’exceptionnalité somalienne qui met l’accent sur le conflit des clans. Le conflit somalien est similaire à d’autres conflits provoqués par une élite en concurrence pour s’accaparer le pouvoir et les ressources. Ainsi, la réconciliation en Somalie devrait se concentrer sur la modification de la culture de la gouvernance (changer les institutions de l’injustice et de la corruption) et sur les griefs passés (justice transitionnelle).

    Dr. Abdurahman Baadiyow, analyste pour Africanexecutives.com (version élaguée).

    Article publié en collaboration avec Libre Afrique.

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