Alors qu’il est du témoignage de beaucoup de spécialistes d’aviation et du domaine de la sureté et sécurité aéroportuaire que l’aéroport international d’Abidjan est l’un des plus sûrs du continent, le 8 janvier 2020, le jeune Ani Guibahi Laurent Barthélémy va défier toutes les mesures de sécurité et de sureté pour se retrouver dans le train d’atterrissage du vol AF 703 de la compagnie Air France à l’aéroport de Roissy Charles De Gaule en France, en provenance d’Abidjan. Son corps sans vie a été rapatrié le 21 février 2020 suivi de son inhumation le 29 février 2020 dans son village à Logobia (à 15 km de Gagnoa) dans la plus stricte intimité familiale. Le ministère des Transports a apporté la compassion du gouvernement ivoirien et a permis au père du jeune, Ani Marius de se rendre en France dans le cadre du rapatriement du corps de son enfant âgé de 14 ans.
Rappelons que selon les premiers éléments d’enquête, l’adolescent a escaladé un mur de l’aéroport dans la nuit du 7 au 8 janvier avant le décollage de l’avion. Il aurait décidé de partir seul à l’aventure sans prévenir personne. Selon le confrère le parisien, Ani Guibahi Laurent Barthélémy serait mort de froid ou de manque d’oxygène. La température descendant à -50 °C au-dessus de 9200 m, l’altitude des vols commerciaux ; le puit du train d’atterrissage n’est ni chauffé ni pressurisé.
Un an après, que retenir de l’affaire du jeune Ani Guibahi ? Qu’en est-il des mesures de sécurisation de la zone aéroportuaire ? Qu’en est-il du projet de déguerpissement des populations riveraines ? Il y aurait-il eu d’autres tentatives ayant avorté depuis lors ? Pour le savoir, Afrikipresse a rencontré M. Sinaly Silué DG de l’Anac le lundi 18 janvier 2021 à ses bureaux près de l’aéroport. Première partie.
Afrikipresse. Bonjour M. Sinaly. Un an après le drame du vol AF703 qui effectuait la liaison Abidjan-CDG dans la nuit du 7 au 8 janvier 2020, que doit-on retenir de l’affaire Ani Guibahi Laurent Barthélémy dont le corps sans vie a été retrouvé dans le puit du train d’atterrissage dudit vol ?
M. Sinaly Silué : Merci monsieur pour les félicitations ! Avec l’appui de notre dynamique et compétente équipe, nous travaillons à faire de notre aviation civile, une référence. Félicitations donc, à tous ces acteurs qui ne ménagent aucun effort pour l’atteinte des objectifs à nous, fixés par l’Etat.
Hélas, nous avons vécu un drame il y a un an de cela. Le jeune Barthélémy qui s’est installé dans le train d’un avion espérant rejoindre l’Europe et qui a été retrouvé mort à Paris. Cela a choqué toute la nation et a encore plus choqué le milieu aéronautique.
Cela fait des années que nous travaillons d’arrache-pied à rendre notre aéroport Felix Houphouët Boigny sûr et sécurisé. Les résultats parlent d’eux même. Ceux qui ont connu l’aéroport des années en arrière conviennent avec nous qu’il y a eu une nette amélioration. Après tous ces efforts, une telle tragédie est choquante. C’est dramatique mais nous considérons que tout incident dans l’aviation permet d’améliorer le système. Nous avons fait le nécessaire en interne pour recenser les éventuels dysfonctionnements, des défaillances, et les corriger. Et cela a fait l’objet d’une enquête technique en notre sein avec toutes les entités concernées. Sous la supervision bien sûr de Monsieur le Ministre des Transports, nous avons élaboré un plan d’action dans le but de qu’aucun incident de ce type ne se reproduise en dans notre pays.
Ce plan d’action a comporté plusieurs volets. Bien sûr, le volet le plus visible pour la population et chose dont vous allez certainement parler, ce sont les déguerpissements. Mais avant ça, en interne, nous avons dû prendre des mesures.
« Les nouvelles mesures pour éviter les drames du même type »
Ainsi, dès lors tous les vols qui décollent pour des destinations éloignées sont escortés par un véhicule spécial jusqu’au point d’arrêt. Ce qui permet d’avoir un éclairage du dessous de l’avion et de s’assurer que personne n’a pu monter dans le train avant le décollage. Cette mesure est faite de façon régulière depuis cet incident. Ensuite, au plan des infrastructures, le ministre a fait des visites avec les plus hautes autorités de l’armée. Des points de faiblesse ont été constatés notamment au niveau des clôtures dans la zone Nord-ouest et toutes les clôtures dans ces zones ont été reconstruites par l’Aeria, qui en est le gestionnaire. L’aéroport est parfaitement sécurisé au point des clôtures. Dans la zone Sud, nous avons surélevé la clôture, parce que comme vous le savez, il y a eu des travaux sur la route de Bassam. Et il y a eu donc des remblais du côté de la route de Bassam qui ont fait que la hauteur à partir de cette route n’était pas la même qu’à l’intérieur. Nous avons dû surélever la clôture. Pour vous dire que tout a été fait pour que la clôture soit aux normes. Ces travaux sont faits et terminés.
« Accent a été mis sur la traçabilité des informations »
En ce qui concerne le comportement humain, nous avons institué une procédure écrite avec des obligations d’informations.
Nous avons essayé de normaliser le circuit et obliger la transmission de certaines informations à certains niveaux. L’information existait et était diffusée, mais, les niveaux ne nous ont pas paru les plus adéquats, il fallait les améliorer. Tout ça, c’est fait de façon formelle. Aujourd’hui, nous avons un aéroport qui, nous le pensons, est sûr. Ce type d’incident, n’est pas une première dans le monde de l’aviation. Après cet incident, les vols directs sur les États-Unis n’ont pas été arrêté parce que le système est bon. Et qu’une telle défaillance arrive un peu partout et amène à s’améliorer. C’est exactement ce qu’on a fait, nous avons amélioré le système.
Afrikipresse : Cela n’a pas eu d’incidence sur la certification de l’aéroport ?
Pas du tout ! La preuve, c’est que les vols sur les États-Unis ont continué et que nous sommes jusqu’aujourd’hui, certifié par la Transportation security administration (TSA, une certification américaine, ndlr) et il n’y a aucun problème de ce côté-là.
« You are all standing »
Ils ont entièrement confiance au système de Côte d’Ivoire. J’irai plus loin : quand vous avez un aéroport certifié comme Accra et Johannesburg qui font les vols sur les États-Unis, allez-y voir. Vous verrez que la zone où on embarque pour les États-Unis, est une zone réservée avec une vitre spéciale. Ce qui n’est pas le cas à Abidjan.
Quand nous l’avons fait, les Américains nous ont dit, votre aéroport est tellement bon qu’il faut enlever ces vitres-là. Quand vous partez aux États-Unis, vous partez dans le hall comme tout le monde. Remarquez ! C’est la preuve que nous avons un aéroport qui est bon et bien sécurisé. Et le qualificatif que les Américains avaient donné, c’était « You are all standing » qui veut dire en Anglais « Vous êtes exceptionnels ». Et c’est vrai ! Mais les incidents, ça arrive ! c’est arrivé. Nous avons tiré des leçons de cet incident.
Propos recueillis par Philippe Kouhon avec NK