En proposant de modifier la Constitution, un nouveau mouvement politique proche du pouvoir dit vouloir renforcer la démocratie. Pour l’opposition, la ficelle est un peu grosse.
Joseph Kabila continue-t-il de peaufiner sa stratégie pour rester au pouvoir ? Moïse Katumbi, son plus sérieux adversaire, en est persuadé : « En 2016, il devait organiser les élections, il ne l’a pas fait. En 2017, il est allé mentir qu’il allait organiser les élections, voyons voir. C’est un manque de respect vis-à-vis de ses homologues. Mais j’espère que cette fois-ci, il n’y aura pas de raison. Parce que je sais qu’il est en train de réfléchir à comment il va retarder les élections », a déclaré l’ancien gouverneur du Katanga lundi 30 avril.
Les derniers rebondissements politiques devraient pourtant insuffler un certain optimisme à M. Katumbi. Créé le 22 avril dernier, le Groupe d’action des jeunes nationalistes vient de lancer une campagne de récolte de 100 000 signatures pour enclencher un processus de référendum constitutionnel. Le groupe souhaite faire réviser la Constitution afin de « régler » la question de la double nationalité et permettre ainsi à plusieurs citoyens congolais de devenir éligibles.
Le principal bénéficiaire d’une telle initiative serait Moïse Katumbi, accusé d’avoir eu la nationalité italienne de 2000 à 2017 et de s’être ainsi rendu inéligible. Une modification constitutionnelle pourrait donc le sortir d’affaire et lui ouvrir définitivement la voie vers la présidence.
La méfiance reste de mise
Trop beau pour être vrai ? Le Groupe d’action des jeunes nationalistes est en réalité proche du pouvoir et les soutiens de Katumbi dénoncent une énième manœuvre de Kabila pour retarder les élections. Même en imaginant qu’un référendum constitutionnel puisse être organisé avant le scrutin présidentiel (prévu pour le 23 décembre), il faudrait intégrer dans l’ordre juridique congolais les initiatives adoptées à cette occasion. Ce serait l’excuse idéale pour reporter à nouveau l’élection.
La méfiance reste donc de mise, et pas seulement du côté de l’opposition. Le Comité laïc de coordination (CLC), proche de l’église, demande au gouvernement d’appliquer les mesures « de décrispation » qu’il s’était engagé à prendre lors de la signature de l’accord de la Saint-Sylvestre, en décembre 2016. Il s’agit en particulier de la libération des prisonniers politiques et l’arrêt des poursuites judiciaires à l’encontre des opposants en exil.
Or, si certaines personnalités ont été libérées par le régime, l’organisation laïque constate que les prisonniers politiques emblématiques prévus par l’accord de la Saint-Sylvestre sont toujours privés de leur liberté. Selon le CLC, le pouvoir s’est par ailleurs arrangé pour garder le contrôle du Conseil national de suivi de l’Accord de la Saint-Sylvestre, dont la direction devait revenir à l’opposition.
Katumbi reste vigilant
Enfin, si un meeting du principal parti d’opposition, l’UDPS, s’est tenu à N’djili mardi 24 avril, le CLC n’y voit pas le respect des engagements pris par le gouvernement, mais une mesure destinée à faire bonne impression devant les pays de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC).
Une nouvelle manœuvre qui semble porter ses fruits. La position de la SADC ne cesse de susciter l’étonnement. Alors que le Botswana, l’Angola ou encore la Zambie avaient été particulièrement critiques à l’égard du pouvoir congolais lors de la conférence des donateurs pour la RDC (organisée début avril à Genève), ils se sont montrés bien plus conciliants quelques jours plus tard, à l’occasion d’une réunion extraordinaire. La SADC a en outre renoncé à dépêcher un envoyé spécial pour la RDC, une mesure qui n’a pu que plaire à Joseph Kabila.
Moïse Katumbi, lui, ne baisse pas la garde et surveille de près les mouvements du gouvernement. Plébiscité par les Congolais qui voteraient pour lui à 33,3% contre 7,8% pour Kabila, tous les coups semblent permis pour le gouvernement.
Maka Tchombè