Brédou M’bia, Administrateur général et ex-Directeur général de la police nationale, est le 34e témoin de l’accusation dans le procès couplé à la Cour pénale internationale (Cpi) de l’ancien président Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, le présumé leader de l’ex-galaxie patriotique. À l’occasion de son premier jour de témoignage à visage découvert, il a été situé mercredi 15 février 2017 par Cuno Tarfusser, le juge-président, sur sa responsabilité dans la recherche de la vérité dans ce procès relatif à la crise postélectorale de 2011 en Côte d’Ivoire.
À l’ouverture de l’audience , il était question pour le juge-président, comme il le fait à l’accoutumée lors de la comparution de tout nouveau témoin, de communiquer quelques informations. Principalement adressées au 34e témoin, Brédou M’bia, ces informations ont fait ressortir l’importance de son témoignage dans la recherche de la vérité.
« Votre témoignage ne sera, en aucune mesure, utilisé, que ce soit directement ou pas, contre vous dans quelques procédures ultérieures qui pourraient avoir lieu ici, dans cette même Cour, sauf en application des articles 70 et 71. Articles qui sont relatifs à des outrages à la Cour, s’il s’avère que vous ne dîtes pas la vérité. S’agissant des relations avec la Côte d’Ivoire, tout ceci est couvert par un protocole d’accord. Si des questions pourraient vous être posées qui entraineraient votre auto-incrimination, celles-ci seront abordées à huis clos et les réponses seront gardées confidentielles. (…) S’agissant de votre témoignage, vous n’êtes pas sans savoir que nous sommes constitués ici, au niveau de la Chambre, pour procéder au procès contre M. Gbagbo et M. Blé Goudé. Et vous-même, vous êtes là pour aider la Chambre dans sa recherche de la vérité. Vous êtes un témoin de la vérité, et non pas le témoin de l’une ou l’autre des parties au procès. La seule chose qui vous incombe de faire, c’est de dire la vérité. Et à cette fin, la loi vous demande de prêter serment », a expliqué Cuno Tarfusser à Brédou M’bia, avant de lui demander de lire le serment.
Les armes de la BAE et de la CRS pendant la crise postélectorale
La Brigade anti-émeute (Bae) avait-elle des chars en novembre 2010, au moment de la crise postélectorale en Côte d’Ivoire ? Telle était l’une des questions posées à Brédou M’bia par Me Eric Mac Donald, le premier substitut de Fatou Bensouda, qui a démarré la série des interrogatoires pour le compte du Bureau du procureur.
« Tout à fait, la Bae avait des chars antiémeutes. Mais à l’époque que vous mentionnez il y avait deux qui étaient mis à la disposition du Demir (Détachement mobile d’intervention rapide) et deux qui étaient restés à la Bae, qui étaient en panne. (…) Ce sont des chars pour le maintien d’ordre. Ce n’est pas la même chose que les chars de guerre. (…) Ce sont des chars qui ont été payés chez les Sud-africains, mais je ne connais pas leur marque. (…) Il y en avait deux groupes. Un premier groupe était comme des camionnettes qu’on appelle des chatons. Ils ne peuvent porter que 6 personnes. L’autre groupe, ce sont les chars antiémeutes, plus grands, qui peuvent porter jusqu’à une dizaine de personnes. (…) Comme ce sont des véhicules blindés, nous les avons appelés chars. Mais ils ne sont pas équipés de quelques moyens que ce soient, à part les moyens conventionnels », a répondu Brédou M’bia.
Sur les autres armes utilisées, l’ex-Directeur de la police a fait savoir : « Au niveau de la police ivoirienne, nous n’utilisons que les grenades lacrymogènes. (…) De façon générale, les policiers ont des armes de poing. Ça peut être un révolver ou un pistolet automatique. Mais, je dis que l’ensemble des éléments de la Bae n’avaient pas tous des armes. Quand je dis armes, je parle des armes de poing. On avait quelques kalach, mais une dizaine maximum. Et comme on était souvent l’objet d’agressions , ces kalach nous permettaient de protéger la caserne. (…) Rien d’autres , à ma connaissance. »
En ce qui concerne l’armement de la Compagnie de sécurité républicaine (1 ; 2 ; 3 ou 4), Brédou M’bia a fait indiquer qu’elle avait tout ce qu’il faut pour lutter contre l’émeute et pour le maintien d’ordre.
« Je répète pour dire que ce sont des lacrymogènes, des grenades et les lance-fusils pour lancer les grenades. C’était la même chose qu’à la Bae. Nous avions à peu près 5 ou 6 kalach pour protéger la caserne parce qu’à cette période, nous avons été agressé plusieurs fois », a précisé l’ex-Directeur de la police.
Brédou M’bia parle de son limogeage à la Direction générale de la police
Les sujets abordés par Me Mac Donald ont débouché sur le limogeage de Brédou M’bia à la tête de la police nationale. Sur ce sujet, Cuno Tarfusser, le juge-président, s’invite et veut comprendre pourquoi l’ex-Directeur de la police n’a aujourd’hui pas de poste de fonction, alors qu’il n’est pas à la retraite.
« La fonction est conférée par le chef de l’Etat. À ce niveau là, toute haute fonction de Directeur général est conféré par le chef de l’Etat. Si on estime qu’à un moment donné je ne fais plus l’affaire, je peux être démis de mes fonctions. Vous avez suivi les événements en Côte d’Ivoire. Tous les grands chefs de la police, de la gendarmerie et de la l’armée, les 3, ont été démis de leurs fonctions », a-t-il déclaré.
Il a, ensuite, acquiescé aux propos du juge-président de nature à souligner que ce limogeage n’était pas lié à la crise postélectorale de 2010-2011.
Auparavant, Brédou M’bia avait fait ces précisions : « Jusqu’à ce jour, je suis Administrateur de la police. (…) Depuis le 11 janvier 2017, je ne suis pas en poste puisque je ne suis pas à la retraite. Ce qui veut dire que je suis toujours un policier. (…) Seul le président de la République peut nommer un commissaire au grade supérieur. Donc, si un commissaire est nommé à un grade supérieur, cela veut dire que c’est le président de la République qui l’a nommé. (…) Le grade est personnel. J’ai été promu au grade d’Administrateur de la police et je reste à ce grade. Cependant, ma fonction de Directeur général, je ne l’exerce plus depuis le 11 janvier. Et comme tous les policiers, quel que soit le grade, on reste policier. Donc, je reste policier. »
L’interrogatoire de l’accusation mené par Me Eric Mac Donald se poursuivra jeudi 16 février 2017. Puis suivra ceux des avocats de la défense de Laurent Gbagbo et Blé Goudé poursuivis par la Cpi pour crimes contre l’humanité commis pendant la crise postélectorale de 2010-2011 en Côte d’Ivoire.
Alex A