Dimanche 3 Avril 2016, le monde est secoué par l’onde de choc planétaire plus puissante que le tremblement de terre de 6,7 sur l’échelle de Richter. Il s’agit des Panama Papers qui révèlent au public les systèmes d’évasion fiscale, la masse de données, la dissimulation fiscale des opérations d’influence, de corruption, des fonds d’origine criminelle, la structuration sophistiquée cachant les ayant droit à travers les juridictions conduisant à la fraude fiscale mondiale qui représente environ 1.000 milliards d’euros par an.
Dimanche 24 Avril 2016, le monde est surpris par la baisse de température des révélations des Panama Papers. La société civile mondiale découvre et comprend que l’argent n’aime pas le bruit. Cependant, le bruit aime l’argent pour faire taire ceux qui en savent trop et fort sur l’évasion fiscale, l’opacité, le manque de transparence, le blanchiment d’argent, les paradis fiscaux, le secret bancaire, la fraude fiscale, la société offshore etc. Ces révélations ne sont pas des feuilles mortes dans le vent. Elles sont robustes et protégées par le feu de l’action du journalisme d’investigation qui imprime le rythme, la cadence, le solfège et la gamme de la marche du monde.
Pour comprendre les Panama Papers, il faut nécessairement lire, comprendre et maîtriser les termes tels que
1. le paradis fiscal = territoire / pays où certains impôts sont inexistants, voire très bas, où les titulaires des comptes et des sociétés bénéficient d’opacité avec conviction, avec la volonté.
2. l’évasion fiscale = se servir des moyens légaux pour baisser le montant de son imposition, afin d’y échapper si possible ;
3. le blanchiment d’argent = la dissimulation des fonds de provenance illicite pour les recycler, c’est à dire les réinvestir dans les activités légales ;
4. la société offshore = une société enregistrée dans un pays non pour déployer une activité mais pour profiter des avantages fiscaux ou réglementaires du paradis fiscal ;
5. la société écran = société fictive créée dans le but d’opacifier les transactions financières d’autres sociétés ;
6. l’exilé fiscal = la personne qui pour échapper à un impôt trope élevé, déménage dans un pays où la fiscalité est plus légère.
De l’analyse exhaustive du contenu névralgique de chacun des six (6) termes qui ne sont pas tombés du ciel, il ressort que le revers de la globalisation forcée et imposée aux peuples conduit subtilement et durablement à l’intégration desdits termes aux mœurs, habitudes et conditions de vie, comportements, réflexes, agissements et réactions des agents économiques du libéralisme et de l’économie de marché plus puissante que l’éthique et la morale.
Du dimanche 3 Avril 2016 au dimanche 24 Avril 2016, entre la montée et la tombée de fièvre des Panama Papers, il convient utilement de poser les onze (11) questions suivantes :
1. le monde est-il surpris par l’ampleur des révélations des Panama Papers ?
2. Panama papers ont-ils intérêt à mettre le feu au monde ?
3. le monde assiste-t-il au bal des hypocrites ?
4. qui contrôle et tire les ficelles des Panama Papers ?
5. qui protège les paradis fiscaux ?
6. quelles sont les raisons de la mobilisation contre les paradis fiscaux en 2016 ?
7. qui est à la manœuvre et à la manette ?
8. où et comment sont recyclés les 2.000 milliards de dollars de Daesh ?
9. comment assécher / tarir les sources de financement de Daesh ?
10. est-ce un coup de pub pour le Panama où il y’a une concentration de l’offshore, une plateforme financière, un centre financier et des instruments juridiques de bonne qualité ?
11. est-ce un coup de pub pour le cabinet Nossack Fonseca dont le produit d’appel est la sécurisation de la confidentialité de la fraude fiscale ?
Dans le cadre de la globalisation des échanges commerciaux, des flux financiers, de la libre circulation des biens et des personnes, l’évasion fiscale tapie dans l’ombre, cause d’énormes préjudices à l’économie mondiale. Les erreurs de diagnostic, de réflexion, de leçons et recommandations n’ont pas permis de faire le plein d’essence pour la traquer, l’arrêter et la mettre au couloir de la mort. La globalisation a profité au crime organisé, aux terroristes, aux passeurs, aux sociétés offshore utilisées pour blanchir l’argent, aux banques, aux cabinets d’avocats et fiscalistes expérimentés et chevronnés, qui ont une parfaite connaissance du droit, des lois et des failles, pour ne pas appliquer les règles nationales et internationales de transparence et de traçabilité, ainsi que les engagements contre l’opacité et le secret bancaire, contre les énormes profits des sociétés multinationales sans activité, sans fiscalité réelle, sans transparence. Les impôts et les profits des entreprises multinationales doivent être payés là où il y’a l’activité. Il faut au monde une régulation fiscale de la globalisation pour neutraliser l’évasion fiscale, faire reculer l’opacité, casser le rythme du placement offshore, protéger le lanceur d’alerte et la source de renseignement de départ.
Depuis la crise financière de 2008, des progrès ont été réalisés au niveau de l’OCDE en termes de levée du secret bancaire, d’échange automatique de renseignement, de la lutte contre l’optimisation illégale fiscale des sociétés multinationales, contre la planification fiscale illicite et agressive des entreprises, dans le cadre de la convention multilatérale du Forum Mondial, regroupant 133 pays membres.
Il est temps de dire les mots et de nommer les choses, de mettre fin à l’indécision mondiale par des stratégies, actions et mesures courageuses, au niveau de la communauté internationale dont tous les membres n’ont pas de coopération fiscale et d’échange automatique de renseignement. Qui ne sait pas que le tiers du bénéfice de certaines grandes banques est localisé dans les paradis fiscaux ? Qui ne sait pas que les Emirats Arabes Unis ont refusé de signer la convention multilatérale d’échange automatique de renseignement pour lutter contre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent ? Qui ne sait pas qu’il est injuste et immoral que les personnes physiques paient 30 à 40% d’impôt là où elles sont en activité, contrairement aux sociétés multinationales qui paient 2 à 3% d’impôt là où elles n’ont pas d’activité ? Qui ne sait pas que le Panama pendant des années a refusé de faire l’échange automatique de renseignement, de signer les accords juridiques et d’intégrer la communauté internationale pour appliquer les engagements dans le cadre du Forum Mondial crée depuis 2009.
Grace au journalisme d’investigation, les Panama Papers ont permis de faire bouger les lignes en 2016
1. en amplifiant le pouvoir des médias sur la finance ;
2. en obligeant le Président du Panama à collaborer avec la communauté internationale pour lutter contre le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale ;
3. en permettant au logiciel conçu par LINKURIOUS, une start-up française de mettre en lumière le contenu de plus de 11 millions de fichiers ;
4. en démontrant que le paradis fiscal n’est pas coupable mais complice de l’immobilisme et du manque de volonté des Etat d’aller dans la même direction, parce qu’ils ont en commun très peu de règles, en matière de coopération globale fiscale ;
5. en faisant comprendre au monde que l’Afrique est victime et constitue le ventre mou des flux illicites de capitaux et de la fraude fiscale, parce que le continent n’a pas
5.1 de mécanisme fiable de détection, de collecte, de contrôle de la fraude et de l’évasion fiscale ;
5.2 d’administrations fiscales solides et indépendantes ;
5.3 de lanceurs d’alertes protégés.
L’Afrique a besoin de la communauté internationale pour l’appuyer à ne pas cultiver le secret bancaire qui renforce l’opacité, à ne plus être le continent à la traîne, où l’accès à l’information fiscale est difficile, le refus de suivre les standards, de changer la législation interne, de faire légalement les procédures, est à l’avant garde de la fraude organisée. L’Afrique n’a pas à rougir car le continent se donne les moyens légaux, financiers, humains, matériels et logistiques à la hauteur de l’enjeu, Quel effet ç’a fait d’avoir son nom d’africain dans les Panama Papers pour une identification formelle, aux côtés de celui d’une sommité mondiale dans les premières pages des journaux sans dénoncer la spoliation du continent par d’autres, l’aide liée, les conditionnalités drastiques, les montages financiers au profit des éléphants blancs, le rapatriement obligatoire et substantiel des bénéfices des sociétés multinationales abonnées à l’évasion fiscale ?
En attendant d’autres répliques du séisme financier planétaire, la tendance est au discernement, à la prudence et à la discrétion car c’est dans le malheur que l’on trouve la noblesse d’un homme. Plus les jours passent, les Panama Papers ressemblent à la vente aux enchères des livres anciens. Les riches acheteurs sont les plus discrets. Leur anonymat est garanti par le commissaire-priseur.
Laurent Maurice Kouakou
Chroniqueur expert consultant
Panama Papers, un mois après : ça ressemble à la vente aux enchères des livres anciens
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