Après le limogeage du procureur général fédéral par le ministre de la justice, Heiko Maas, Social démocrate pour avoir dénoncé une ingérence du ministère de tutelle dans l’enquête contre deux journalistes bloggeurs du site Netzpolitik.org, le paysage politique allemand réputé pour son immobilisme opportuniste, connaît un regain d’activité en cette période estivale. Inhabituelle ! Le ministre-limogeur , passé le court instant de victoire , est entré lui-même dans l’œil du cyclône et avec lui, beaucoup d’autres.
Décryptage
La Chancelière allemande, la dame de fer à la tête de la première puissance européenne, aurait bien aimé passer ses vacances estivales méritées après le semblant d’accalmie sur le front grec, hors de Berlin et en toute quiétude. Que nenni !
La réalité nationale l’aura vite rattrapée, la contraignant à une motion de soutien du bout des lèvres à son ministre de la justice par l’entremise de la suppléante à son porte parole. Un soutien qui peut sonner l’hallali pour le ministre social démocrate Heiko Maas et reléguer l’enquête préliminaire contre deux bloggeurs au pays du penseur Goethe pour trahison de secret d’Etat, au compte de l’accessoire.
Avant d’aller plus loin, revenons aux faits : le Blog Netzpolitik.org spécialisé dans la défense des droits des acteurs du numérique publie en début d’année des documents présentés comme le plan de l’Office de protection de la Constitution (renseignement intérieur) pour surveiller internet. Jusque là, il n’y a pas le feu à la maison et la vie continue son bonheur de chemin au pays de Goethe.
À part quelques réactions sur la toile pour dénoncer la censure à venir , ainsi que la prochaine hausse des coûts dans le numérique que les autorités sont soupçonnées de vouloir imposer et qui serait ainsi dévoilé par le blog, personne ne s’émeut davantage . Il est vrai que prendre la rue n’est pas dans les habitudes Outre Rhin, la première puissance européenne. Mais l’accalmie n’est que de courte durée.
Hans-Georg Maaßen, Président des Bundesamts für Verfassungsschutz ( l’Office de protection de la Constitution) porter plainte contre X et déclenche alors une avalanche qui après Harald Range procureur général fédéral limogé par le ministre de la justice Heiko Maas, risque de l’emporter lui-même.
Comme dans toute démocratie, le procureur général Harald Range après la plainte est obligé de diligente une enquête pour sauver la République en danger. Mais il doit apparemment sous la pression de l’exécutif dont il dépend, bien vite la suspendre à cause de sa brisance : L’annonce de deux journalistes, de surcroît, deux bloggeurs poursuivis pour soupçon de haute trahison de secret d’Etat en 2015 et en république Fédérale d’Allemagne fait désordre. Et pas seulement en RFA, mais aussi à l’étranger et les média négatifs que cela entraîne ne sont pas faits pour plaire á Berlin.
Tout bon procureur général fédéral qu’il est, Harald Range, juriste bon teint et bon genre, très droit dans ses souliers, mais pas à une contradiction près, se rebiffe après ce qui paraît être une ingérence de l’exécutif. Dans l’affaire présumée de mise sous écoute de hauts dirigeants allemands dont la Chancelière par les services secrets US américains, il a dû faire profil bas. Mais il est vrai, l’ingérence est inhérente au système juridique allemand. Il n’empêche ! Il la dénonce en des termes très peu élégants, et avec la dernière énergie : “Influencer une enquête parce que son résultat peut ne pas être politiquement opportun est une attaque intolérable contre l’indépendance de la justice” lance t’il à la face de son ministre de tutelle.
Sa sortie expose sur la place publique les incohérences juridiques supposées par l’opinion publique et les imbroglios politico judiciaires qui minent le pays d’une part. D’autre part elle donne une note particulière au reproche d’actionnisme juridique contre le citoyen ordinaire.
Netzpolitik.org la décennie d’existence révolue et bardé de distinctions mais peinant à réunir ses subventions pour survivre ne demandait pas autant. Propulsé aux devants de la scène, sa soudaine renommée est un sésame pour sa comptabilité.
Mediapart.fr, le géant français de la toile en journalisme d’investigation vient de lancer une pétition pour soutenir son action. Les moments de disette semblent donc appartenir au passé.
Le pouvoir de la Chancelière n’est en soi pas en danger mais après avoir cédé quelques points de sondage en politique interne à son ministre des finances dans le cas grec, elle se devra de reprendre la main. A-t-elle le choix ? Time ellouibbbi !
Nous vous tiendrons informés
Désiré-Christoph Oulai, @djiboua7, Correspondance spéciale République Fédérale d’Allemagne