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    Les APE nocifs pour le Cameroun?

    Les APE nocifs pour le Cameroun?
    Publié le
    Par
    Charles Kouassi
    Lecture 5 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Les opposants au libre-échange au Cameroun sont d’avis que les accords de partenariat économique avec l’Union européenne (APE) sont contraires à l’intérêt national, et ces accords ne feront que créer du chômage. Ils ajoutent unanimes que l’économie nationale n’est pas encore prête pour appliquer les APE. Ont-ils raison ?
    Les Etats en Asie, qui se sont ouverts au libre-échange, comme l’Indonésie n’étaient pas complètement prêts pour le libre-échange. Plus intéressant encore, au moment de leur ouverture ils n’étaient même pas au niveau actuel de développement des économies africaines. Mais cela ne les a pas empêché de progresser sur la voie du développement grâce aux accords de libre-échange et de partenariats économiques. Si nous prenons l’Inde par exemple au milieu des années 90, le pays a même opté pour une ouverture unilatérale au libre-échange avec le reste du monde sans même exiger la réciprocité commerciale. Car ce qui importe dans l’ouverture commerciale n’est pas d’avoir le même gain économique que ses partenaires, mais d’améliorer son gain par rapport à la situation initiale. De par leurs niveaux de développement et de compétitivité, les Etats européens sont beaucoup plus avancés que le Cameroun, et il est logique qu’ils gagnent plus, tant qu’ils respectent les règles d’un libre-échange équitable.

    Selon une interview, accordée fin de 2015 par Louis Paul Motaze le ministre de l’Economie et de la planification régionale, les APE permettront au Cameroun l’importation d’équipements moins chers, ce qui permettra au pays de devenir plus compétitif. Selon Motaze, un autre avantage de l’adhésion du Cameroun aux APE est que cela va l’aider à accéder à de nouveaux marchés. Le Cameroun a des biens et services à vendre aux Européens et les APE permettront au Cameroun d’écouler ses produits sans quotas imposés. Considérant cela, l’obstacle majeur auquel fait face le Cameroun maintenant est l’insuffisance de la production et la non compétitivité de l’offre. Le libre-échange, en permettant d’importer moins cher, permettra d’exporter moins cher, et donc d’améliorer ses parts de marché à l’international.

    Les critiques avancent souvent l’argument selon lequel faire des affaires avec des partenaires qui ont un avantage supplémentaire sur le Cameroun ne sera pas bénéfique pour l’économie camerounaise. Cette affirmation sera toujours vraie, avec ou sans ouverture (APE), si les acteurs publics et privés camerounais ne bougent pas pour faire les réformes nécessaires. Donc, les APE sont un simple alibi pour reporter l’obligation de mettre à niveau l’économie camerounaise.

    Profiter des bienfaits du libre-échange, ne signifie pas toujours de posséder nécessairement au départ un avantage exogène (ressources naturelles, climat favorable, etc.). Il est possible, même en étant moins performant que les autres partenaires, de construire son avantage comparatif. Autrement dit, on n’est pas obligé d’être compétitif pour s’ouvrir au libre-échange, mais on peut le devenir en y participant. La Corée du Sud avait un avantage comparatif dans la production du riz, mais grâce à son ouverture au libre-échange elle a réussi à construire son avantage comparatif dans les produits technologiques à forte valeur ajoutée. Cette expérience pourra inspirer un pays comme le Cameroun qui possède déjà un avantage comparatif dans les cultures de rente comme le cacao et le caoutchouc. Mais en même temps le Cameroun dispose de matières premières telles que le fer et l’uranium qui peuvent être exploités par le pays pour forger son propre avantage comparatif.

    Selon l’indice de compétitivité mondiale, le Cameroun est mal classé puisqu’il occupe la 114ème position sur 140 pays. D’où la nécessité pour le pays de relever le défi de la compétitivité. Cela passe par l’investissement dans le capital humain, l’industrialisation l’innovation, et l’amélioration de la qualité de ses institutions pour plus de liberté économique. Le pays peut également exploiter les économies d’échelle liées à l’intégration régionale, pour faire émerger des entreprises compétitives.

    L’argument selon lequel les APE détruisent les industries locales et les emplois, est un alibi pour protéger les entreprises et les industries rentières qui ont toujours profité du protectionnisme étatique. C’est d’autant plus inacceptable que les consommateurs pauvres continuent de payer pour maintenir artificiellement en vie des industries mourantes. L’Etat ne peut pas continuer à subventionner des entreprises avec l’argent des contribuables. L’ouverture via les APE, chassera les rentes et incitera tous les acteurs à trouver des solutions pour se mettre au diapason de la concurrence étrangère.

    Pour bénéficier des APE, des fléaux comme la corruption doivent être traités urgemment. Lorsque il y a trop de règlementations (manque de liberté économique : le Cameroun est 130ème sur 178 pays), les entreprises font face à des charges et des coûts de transactions supplémentaires, ce qui compromet au final leur compétitivité. La corruption aussi, est un fléau lié à une ingérence trop importante de la part du gouvernement. Par conséquent, avec une bureaucratie complexe, les entreprises paient des pots de vin, font des dépenses supplémentaires au lieu d’investir les ressources correspondantes dans des projets. Il en résulte une faible compétitivité.

    Somme toute, le Cameroun pourra bénéficier des APE si le gouvernement négocie bien ses contrats avec l’UE, et surtout s’il met en œuvre les réformes nécessaires pour la mise à niveau de l’économie nationale. Les APE seront bénéfiques si et seulement si les Européens respectent le principe et les règles du libre-échange en arrêtant les subventions aux producteurs et leur protectionnisme déguisé, notamment les barrières non tarifaires (normes sanitaires et phytosanitaires, normes de travail, normes environnementales, règle d’origine, etc.).

    Chofor Che, analyste pour Libre Afrique.
    Article publié en collaboration avec Libre Afrique

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