Selon les données sur le produit intérieur brut (PIB) par habitant fournies par le Fonds Monétaire International (FMI) à travers le World Economic Outlook d’Octobre 2015, le Sénégal serait classé parmi les 25 pays les plus pauvres au monde.
Le Sénégal aurait reculé dans le domaine de la réduction de la pauvreté en référence à son PIB par habitant exprimé en dollars courants. Il s’agit là d’une appréciation réductrice du FMI.
En effet, il ressort de l’observation de l’économie du Sénégal, que ce pays est sur la bonne voie pour diminuer la pauvreté et les inégalités grâce à sa croissance régulière avec des réformes socialement soutenables dans la mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent (PSE).
Quelques critiques de l’approche du FMI
Le classement des pays selon le PIB/habitant ne retient que la dimension monétaire de la pauvreté, ignorant ainsi les autres dimensions de celle-ci.
Trois formes de pauvreté peuvent être distinguées :
-La pauvreté monétaire, ou de revenu, qui résulte d’une insuffisance de ressources et qui se traduit par une consommation insuffisante.
-La pauvreté des conditions de vie ou d’existence qui fait que l’on a du mal à satisfaire un certain nombre de besoins fondamentaux.
-La pauvreté de potentialités ou de capacités qui fait que l’on ne peut engendrer le capital minimal (humain, social, physique, etc.) qu’il est nécessaire de posséder pour vivre, ou fonctionner, normalement dans une société donnée.
Liberté et démocratie font partie des capabilities d’un individu, domaines dans lesquels le Sénégal occupe une place de choix que lui envient des pays dits riches.
La distinction doit également être faite entre pauvreté absolue (absence de ressources nécessaires à la satisfaction des besoins de base) et pauvreté relative (exclusion et inégalité).
Par ailleurs, le classement du FMI est modifié selon la méthode de calcul retenue, en parité de pouvoir d’achat (PPA), en dollars courants ou en dollars constants ou encore en monnaie nationale (le franc CFA par exemple).
PIB/habitant du Sénégal en PPA (dollar international aux prix courants)
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2153 |
2223 |
2275 |
2352 |
2425 |
Source: World Economic Outlook, FMI, Octobre 2015
La position du Sénégal est plus favorable avec un PIB/habitant en parité de pouvoir d’achat et en FCFA selon les propres données du FMI parues dans le World Economic Outlook d’Octobre 2015.
Cette publication certifie que le PIB par habitant du Sénégal est passé de 553.849 FCFA en 2014 à 567.758 FCFA en 2015 soit une hausse de 13.909 FCFA.
En parité de pouvoir d’achat, ce PIB par habitant est passé, en dollar international aux prix courants, de 2352 en 2014 à 2425 en 2015 soit une augmentation de 73.
La mesure en dollars de PPA exprime mieux la richesse d’un pays telle qu’elle est déterminée effectivement par sa capacité productive. Le PIB par habitant en PPA est une mesure pertinente pour évaluer le degré de développement d’une économie.
La progression significative du PIB/habitant du Sénégal, synonyme de réduction de la pauvreté, est le fruit de la croissance régulière de son économie. En effet, le lien entre croissance et pauvreté est validé théoriquement et empiriquement.
Croissance, pauvreté et inégalité
La baisse de la pauvreté absolue dépend mécaniquement de deux facteurs: d’une part, l’augmentation du revenu moyen de la population, à distribution relative des revenus inchangée, conduit à une réduction de la pauvreté; d’autre part, à revenu moyen inchangé, toute redistribution des revenus en direction des pauvres produit le même effet. De plus, si potentiellement la croissance et la baisse des inégalités peuvent jouer sur la réduction de la pauvreté, il semble que le premier facteur l’emporte largement sur le second.
L’évolution de la mesure de la pauvreté peut être décomposée en un effet croissance (toute augmentation du revenu moyen, à distribution inchangée, contribue à réduire le taux de pauvreté) et un effet inégalités (toute réduction des inégalités, à revenu moyen inchangé, va dans le même sens). L’effet croissance domine largement l’effet inégalités.
Une croissance positive accompagnée d’une augmentation de la part du revenu national détenue par les pauvres (croissance pro-pauvre) conduira mécaniquement à une réduction de la pauvreté plus forte que si le revenu des pauvres augmente moins ou aussi vite que celui du reste de la population.
La croissance du Sénégal
Croissance réelle du PIB du Sénégal (%)
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
1,8 |
4,4 |
3,6 |
4,7 |
5,1 |
5,9 |
Source: World Economic Outlook, FMI, Octobre 2015
Croissance du PIB/habitant du Sénégal (%)
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
-1,0 |
0,3 |
0,3 |
0,7 |
Source: World Development Indicators, Octobre 2015
Revenu national brut/habitant du Sénégal en PPA
(Dollar international aux prix courants)
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2130 |
2180 |
2220 |
2270 |
Source: World Development Indicators, Octobre 2015
Ces tableaux montrent que le Sénégal réalise de bonnes performances de croissance et de revenu pour réduire la pauvreté grâce à la politique de bonne gouvernance du Président Macky SALL et la mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent (PSE).
Il est utile de rappeler que le PSE met un accent tout particulier sur le volet social pour réduire la pauvreté et les inégalités : éducation et formation, santé, nutrition, capital humain, protection sociale, accès à l’eau potable et à l’assainissement, habitat.
En faisant de l’agriculture, avec la pêche et l’élevage, le moteur de la croissance, le PSE vise aussi à augmenter sensiblement les revenus disponibles des ménages du secteur agricole et à améliorer leurs conditions de vie. Ce qui contribue ainsi à lutter fortement contre la pauvreté et les inégalités puisque le secteur agricole regroupe la majorité de la population sénégalaise.
L’Etat doit être au service du plus grand nombre.
Un secteur agricole performant est une condition sine qua non pour satisfaire les besoins de base des Sénégalais afin donner un sens à la démocratie. Pour cela, des réformes concernant notamment les droits de propriété s’imposent. De bonnes réformes dans ce domaine sont indispensables.
Il faut également alléger la charge fiscale qui pèse sur les agriculteurs en libéralisant les prix et la commercialisation et en réduisant la protection dont bénéficie l’industrie. Le secteur agricole pourra alors être le levier pour assurer l’autosuffisance alimentaire, le décollage industriel et l’émergence du Sénégal par le biais d’une croissance inclusive, moins extravertie, facteur de lutte contre la pauvreté et les inégalités.
Le succès de cette lutte renvoie à la problématique de la soutenabilité sociale des réformes initiées dans le PSE. A ce propos les initiatives du Gouvernement du Sénégal sont pertinentes. Il en est ainsi, par exemple, du Programme National de Bourse de Sécurité Familiale (PNBSF), de la Couverture Maladie Universelle (CMU) et du Programme d’Urgence de Développement Communautaire (PUDC).
Il faut noter que la réduction des inégalités passe également par une meilleure redistribution de la richesse crée dans le pays. La politique fiscale doit être progressive, c’est-à-dire que la plus grande partie des impôts et taxes doit être supportée par les riches.
Quant aux transferts, ils doivent être régressifs, c’est à dire que les pauvres doivent bénéficier de la plus grande partie. Signalons que ces transferts sont à leur plus haut niveau actuellement au Sénégal depuis l’indépendance de ce pays.
Par ailleurs, dans la mise en œuvre du PSE, les systèmes d’assistance sociale doivent être renforcés et l’accès aux services sociaux de base (éducation, santé, eau potable…) doit être allégé aux populations pauvres. La hausse du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) et la formation de la main d’œuvre permettent également de réduire les inégalités.
Certes, des efforts sont encore à faire pour éradiquer la pauvreté, les trappes à la pauvreté et les inégalités en milieu urbain et rural. Mais le Sénégal est assurément sur la bonne voie. L’efficience dans la mise en œuvre du PSE y contribuera grandement de même que l’instauration d’un cadre institutionnel amélioré et sécurisé, plus favorable à la croissance inclusive, moins extravertie, avec de bonnes institutions (règles formelles et informelles).
De sorte que la croissance puisse impacter mieux et plus rapidement le vécu quotidien des populations sénégalaises.
Dr Omar NDIAYE
Économiste
Convergence des Cadres Républicains / CCR-France
Coordonnateur Adjoint de la section APR de Tours