Le parti unifié verra-t-il jour en Côte d’Ivoire ? Recevant une délégation du parti français Les Républicains qui a accompagné Nicolas Sarkozy à Abidjan, Amadou Soumahoro, l’actuel porte parole du Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (Rhdp) a réaffirmé son enthousiasme au sujet de la naissance effective du parti unifié en septembre 2016, soit après le référendum, et avant les législatives.
Cet optimisme n’empêche pas de se poser quelques questions, à la lumière de la récente polémique intervenue entre les responsables et animateurs des deux principaux partis qui forment la coalition.
Une polémique qui avait conduit le président ivoirien Alassane Ouattara à interpeller le président du Pdci-Rda.
L’attaque terroriste de Grand Bassam a coïncidé avec cette interpellation, et est même venue mettre une trêve dans tous les débats politiques partisans, en cours dans le pays.
N’empêche que l’on peut se permettre de relever des constats relativement simples.
Il se trouve ainsi qu’en dépit de la forte volonté politique exprimée par les deux leaders que sont Messieurs Bédié et Ouattara d’une part, et d’autre part malgré le fait que dans le contexte démocratique et électoral ivoirien, aucun parti politique ne peut prétendre gouverner seul, ces constats laissent à croire que le rêve du parti unifié reste plus que jamais incertain, en Côte d’Ivoire.
Premier constat : bien sûr la conquête du pouvoir en Côte d’Ivoire est, depuis deux élections, désormais passée par la stratégie de coalition, une stratégie à l’œuvre en Côte d’Ivoire au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2010 et dès le premier tour en 2015 avec le RHDP, une coalition de 5 partis politiques : le Parti démocratique de Côte d’Ivoire, dirigé par l’ancien président Henri Konan Bédié ; le Rassemblement des républicains, parti dont est issu l’actuel président Alassane Ouattara ; l’Union pour la démocratie en Côte d’Ivoire, dirigé par Albert Mabri Toikeusse ; le Mouvement des forces d’avenir, dirigé par Moutayé Anzoumana et l’Union pour la Côte d’Ivoire, dirigé par Gnamien Konan.
Deuxième constat : toutes les grandes coalitions arrivées au pouvoir, comme en Allemagne, n’ont pas voulu se fondre dans un seul parti unifié.
Troisième constat : la coalition des droites républicaines et du centre, arrivée au pouvoir en France sous le nom de l’UMP, a échoué, lorsqu’elle est devenue un parti unique, chargé d’appliquer le programme d’un seul homme devenu Président de la République, Nicolas Sarkozy.
Quatrième constat : lorsque l’offre politique se réduit, la nature ayant horreur du vide, de nouvelles forces politiques apparaissent, comme les mouvements populistes en Europe.
Cinquième constat : la culture politique des adhérents les plus convaincus, attachés à faire de la politique à l’ancienne, les conduit à vouloir défendre l’identité de leur parti politique, en l’occurrence le PDCI ou le RDR. Qui se prononce contre le parti unifié ? La base du PDCI et la base du RDR. De qui n’est-il jamais question ? Du peuple, et de ses aspirations.
Sixième constat : en voulant imposer la logique du parti unifié, Henri Bédié et Alassane Ouattara sont peut-être en train de commettre une erreur politique qui risque d’aggraver les fractures entre le PDCI et le RDR, les uns parlant de dette et d’alternance, les autres de légitimité gagnée dans les urnes.
Septième constat : le vrai débat est celui du partage des pouvoirs dans une coalition qui gouverne et dans les nominatio
ns à des postes importants. Les Ivoiriens ne comprennent rien à ces débats politiciens. Ils se demandent si la politique détient encore le pouvoir et peut agir pour leur permettre de vivre décemment dans leur pays et offrir des perspectives d’avenir à leurs enfants.
Il en est d’Houphouët-Boigny en Côte d’Ivoire comme du Général de Gaulle en France : ce sont des mythologies qui peuvent souvent être utilisées pour servir à masquer la complexité du monde nouveau dans lequel nous sommes entrés.
Surfant sur cette complexité, les politiciens, qui ne sont pas des hommes d’État avec une vision prospective de l’histoire, sont toujours là pour promettre à leurs partisans d’« arracher » le pouvoir à leurs ennemis ou le conserver face à ces mêmes ennemis.
En deux élections, Henri Bédié et Alassane Ouattara ont jeté les bases d’une Côte d’Ivoire nouvelle et sauvé la démocratie. L’histoire leur rendra au moins cette justice.
Est-ce que les élections législatives à venir vont permettre de voir arriver une nouvelle génération de candidats RHDP, qui, eux, accepteront la création d’un parti unifié, ou bien verrons-nous des candidats peints en RHDP mais qui concourent en réalité sous leur identité politique ancienne ? Verrons-nous, dans certaines circonscriptions, un affrontement entre un candidat PDCI et un candidat RDR ?
Aujourd’hui, Bédié et Ouattara ont encore l’autorité suffisante pour imposer leur point de vue. Mais, à partir de 2018, les fauves des différents partis seront lâchés. Un proverbe africain dit : « Le vieil éléphant sait où trouver de l’eau. » Le vieux politicien sait où trouver des partisans.
Alice Ouédraogo