À l’issue d’une réunion tenue au quartier général du parti de l’union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), vendredi 7 août 2015, les opposants guinéens ont annoncé la reprise des manifestations politiques dès le 17 du mois courant.
Selon les leaders politiques, ces manifestations sur tout le pays, visent à dénoncer les « manœuvres du pouvoir » à frauder le scrutin présidentiel du 11 octobre prochain. Face à cette nouvelle menace, Afrikipresse a interrogé Abdourahmane Sanoh, président de la plate-forme des citoyens unis pour le développement (PCUD), une organisation de la société civile guinéenne.
Afrikipresse : Comment réagissez-vous à l’annonce de reprise des manifestations en Guinée par l’opposition ?
Vous parlez d’un sujet qui préoccupe beaucoup et qui a un lien avec le dialogue politique dans notre pays. Depuis quelques temps, nous traversons une crise sans précédent et nous avons appelé au dialogue. Très malheureusement, le processus qui avait été engagé ne semble pas avoir abouti même si aujourd’hui on est dans une confusion quand on entend parler d’accord d’étape qui aurait été conclut en juillet dernier. Si on parle de reprise des manifestations à deux mois des élections, et avec le contexte dans lequel on se trouve, c’est toujours préoccupant de voir revenir les troubles sociopolitiques dans notre pays. On est très préoccupé et inquiet de cela. Nous espérons que les acteurs sociopolitiques sauront trouver les ressources, le compromis nécessaires à pouvoir travailler en toute sincérité, afin qu’on puisse s’écouter.
Un accord d’étape qui n’a pas été signé par l’opposition. Comment jugez-vous cette attitude des opposants, étant les seuls à ne pouvoir signer?
C’est assez troublant d’appeler cet accord, accord d’étape. S’il n’est pas signé par les acteurs en conflit, je pense que ceux qui l’ont paraphé ont des bonnes raisons de l’avoir fait. Nous constatons simplement que l’opposition et la mouvance ne sont pas parvenues à des compromis qui permettent le retour à la paix, qui permettent de garantir la quiétude dans le pays et de garantir un processus électoral apaisé.
Ce que nous souhaitons une fois, étant donné que chacune des parties dit être disposée au dialogue, je crois qu’il est important qu’elles puissent se retrouver en toute sincérité pour nous garantir un environnement apaisé parce que nous en avons besoin. Mais très malheureusement, ça ne semble pas bouger. C’est dommage pour notre classe politique et notre pays à ne pas pouvoir encore poser des actes qui rassurent les populations.
Estimez-vous que manifester reste la solution adéquate pour parvenir à une solution de sortie de crise, sachant que les dialogues précédents n’ont pas donné les résultats attendus ?
Les manifestations, surtout dans un pays comme la Guinée sont des situations extrêmement difficiles. C’est pourquoi un déficit de dialogue n’est pas aussi une alternative lorsque les acteurs ne se comprennent pas. Le déficit de confiance et de dialogue nous expose souvent à des situations compliquées et peut nous amener jusqu’à l’instabilité ; surtout que nous somme un pays fragile dont le niveau de l’économie est précaire. Bref, les populations sont assez fatiguées sur le plan socioéconomique. Lorsque nous entrons dans un climat qui ne nous garantit pas de sortir de la précarité, c’est difficile.
Quelle autre solution est-elle envisageable pour une sortie définitive de la crise sociopolitique en Guinée ?
Il faut surtout que toutes les parties acceptent d’entrer dans un échange basé sur la sincérité, basé sur un minimum de confiance mutuelle, qui tienne surtout compte de l’intérêt des préoccupations des citoyens et du fait que le pays traverse une situation difficile. On ne saurait gérer ou aspirer gérer le pays lorsqu’on n’a pas un minimum de sursaut pour sentir les difficultés qui assaillent le pays. Tant que cette condition n’est pas remplie, nous estimons que les processus qui seraient mis en place, seraient dilatoires. C’est serait très dommage parce que la classe politique a une responsabilité vis-à-vis des citoyens. Cette responsabilité devrait passer d’abord par la garantie de la sécurité, la paix, la cohésion sociale. Parce que sans cohésion sociale, on ne saurait parler de paix, de sécurité et de développement d’un pays. Dans le contenu des processus qui peuvent être faits, ce sont les politiques qui peuvent en discuter. Le rôle de la société civile n’est pas de d’imposer quoi que se soit. Dans le contexte difficile que traverse le pays, aussi bien à la société civile que la classe politique, ce n’est pas à nous d’aller leur dire ce qu’ils doivent faire. Ils le savent. Il suffit seulement à leur niveau d’avoir la volonté et un sursaut par rapport à la souffrance des populations guinéennes.
Entretien téléphonique réalisé par Aliou BM Diallo, à Conakry