Le changement de camp politique est un sport pratiqué au quotidien de nombreux acteurs politiques en Afrique. La Guinée ne fait fait pas exception à cette règle. Constatant cette inconstance de certains politiciens du pays, qui font le brusque retournement de veste, -du pouvoir à l’opposition ou vice-versa-, l’artiste reggamen Guinéen, Élie Kamano, lance une “missive” à l’endroit de l’opposant Cellou Dalein Diallo.
Dans une lettre ouverte, publiée sur sa page facebook, l’artiste interpelle le politicien sur sa volonté d’accueillir dans ses rangs, des “transfuges du pouvoir” -Papa Koly Kourouma, ancien ministre d’État chargé de l’Energie et de l’hydraulique, et l’ex-ministre de la Communication Alhousseiny Makanéra Kaké-.
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Dans la tribune, Élie Kamano questionne en ces termes : “Ce caractère versatile ne prouve-t-il pas qu’ils sont des vermines à la recherche de portefeuille ministériel ?“. Pour lui, ce type de politiciens sont des “fanfarons” que Cellou Dalein “ne devrait point héberger”.
“J’apprends tous les jours des erreurs des uns et des autres, de la traîtrise des uns envers les autres, des coups-bas, en un mot : des conflits d’intérêts, pour des gens qui veulent se hisser à la tête de la destinée de notre peuple“, a écrit l’artiste.
Touchant le statut de chef de file de l’opposition de Cellou Dalein Diallo, Elie Kamano trouve que “la politique de celui-ci est peut-être productive pour son parti, mais contre-productive pour le peuple“.
“M. Dalein, en assumant mes dires et en pesant mes mots, j’aimerai vous poser un certain nombre de questions : Quel est donc le mal que vous combattez au sein du pouvoir lorsque vous ouvrez tout le temps vos bras pour embrasser ceux que vous estimiez être la cause de ce mal ? Est-ce ça la politique? Se rallier à Dadis pendant qu’il est accusé dans ce qu’on appelle tous massacre du 28 septembre ?“, s’interroge le reggaman.
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Pour le chanteur guinéen, “ouvrir ses portes aux fanfarons comme Makanéra et Papa Koly, pendant qu’ils viennent de passer 5 ans à courber l’échine au sein d’un système que vous combattez et dont vous dénoncez tout le temps les failles, si c’est ça la politique, c’est que vous les politiciens, vous baisez le peuple. Et je comprends d’avantage à quel point le peuple est immature. Car, un peuple immature est manipulable comme un bébé“.
Et Élie de prédire : si tous les acteurs de la gouvernance actuelle arrivaient à démissionner pour se rallier au président de l’UFDG, ce dernier les accepterait volontiers, sans même se soucier de l’éthique de sa formation politique.
“Vous ne pouvez pas combattre le diable dehors et lui réserver une place dans votre maison. Pour moi, c’est clair, vous ne pouvez pas aspirer à la magistrature suprême, et prétendre être différent de ceux que vous indexez aujourd’hui comme étant la source de notre grande misère, sans déjà prendre des mesures qui vont avec“, fait-il savoir à l’ancien Premier ministre et président de l’Union des forces démocratiques de Guinée.
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Il ne fallait pas plus ces propos pour provoquer l’ire des responsables de communication du principal parti d’opposition en Guinée. De Conakry à Pékin via Paris, les réactions des structures de com sont “toniques”.
“M. Elie Kamano, veuillez réécouter votre chanson “Il faut pardonner” en 2009!”, écrivent Hamid et Dina Diallo, respectivement responsable de communication de l’UFDG en France et Chine.
“Aucun de nous, en agissant seul, ne peut atteindre le succès”, enseigne Madiba. Par ce message, Mandela nous dit: “les grands hommes sont ceux qui savent dépasser leurs appréhensions pour aller jusqu’au bout de leurs projets et de leurs ambitions. La peur et l’inquiétude ne mènent nulle part. Au contraire, elles bloquent, paralysent et empêchent toute réalisation. Qui ne risque rien n’a rien”, rappellent-ils à Élie Kamano.
Là où l’artiste a écrit: “les hommes qui prennent de grands risques doivent s’attendre à en supporter souvent les lourdes conséquences”, les communicants répliquent qu’il “n’y a pas de réussite exceptionnelle sans grande prise de risque. C’est la rançon de la gloire”. Et d’ajouter: “des gens courageux ne craignent pas le pardon, au nom de la paix” et “un cœur bon et un bon esprit forment toujours une formidable combinaison“.
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Dina et Hamid rappellent que la politique a été toujours renforcée par la musique. D’ailleurs, dans certains pays la musique a fait tomber des dictatures.
“Votre inquiétude est louable, se préoccuper de l’avenir de la nation est une bonne chose. Le ton utilisé pour interpeller le chef de file de l’opposition est respectueux. (…) Vous avez décrit la politique guinéenne, puis posé des questions et enfin répondu vous-mêmes. Et vous ne laissez pas la personne interpellée répondre. Vous semblez être convaincu d’avoir raison et vous tirez des conclusions comme : Votre politique est contre le peuple“, restituent les deux.
Ce qu’ils cherchent à faire comprendre à Elie Kamano, c’est que “l’UFDG combat un système et non des hommes. Les hommes meurent, donc, on ne peut cibler de lutter contre des hommes, mais nous combattons un système”.
Dalein se rallie à Dadis !
Prenant l’exemple de l’Afrique du Sud, les jeunes rappellent :”Mandela et la communauté noire ont subi plusieurs ségrégations raciales, des violences physiques, des injustices économiques etc. Mais Mandela au pouvoir a-t-il changé les hommes ou écarté tous les blancs ? Non ! Mais avec une nouvelle politique de réconciliation, de justice sociale…, il a changé son pays et il est devenu un modèle pour des milliers de vie sur terre“.
Dans sa lettre Élie a écrit: “Se rallier à Dadis pendant qu’il est accusé dans ce qu’on appelle tous (massacre du 28 septembre )?? Ouvrir ses portes aux fanfarons comme Makanera et Papa Koly, pendant qu’ils viennent de passer 5 ans à courber l’échine au sein d’un système que vous combattez et dont vous dénoncez tout le temps les failles ?? Si c’est ça la politique, c’est que vous, les politiciens, vous baisez le peuple”.
À la lecture de ce paragraphe,ses contradicteurs notent : “à votre place, nous aurions utilisé l’expression ‘tromper le peuple‘ au lieu de ‘baiser le peuple’ peu courtois et nous pensons que ce n’est pas respectueux, car adressée à une institution de la république“.
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L’UFDG et son président ont largement communiqué qu’un rapprochement entre Cellou Dalein Diallo et Dadis était un rapprochement entre formation politique pour des alliances politiques. Les crimes contre l’humanité sont imprescriptibles. Ceci dit, nullement M. Cellou Dalein Diallo, président, ne peut blanchir M. Dadis Camara. Il aurait plutôt œuvré pour la manifestation de la vérité, comme le réclame l’accusé lui-même. Aujourd’hui, plus de 6 ans, ce dossier traîne. Les bourreaux gouvernent, les témoins meurent et les victimes désespèrent. Qui est l’obstacle à la manifestation de la vérité et pourquoi ? Seul M. Alpha Condé peut répondre ou assumer.
À Conakry, Souleymane Thiaguel, Directeur de la cellule de communication du parti, dans un langage de titan, déclare à l’attention de l’artiste : “Tu me connais et tout le monde le sait dans ce pays, quand j’ai quelque chose à dire, je ne peux pas la fermer. En prenant ton stylo pour écrire cette lettre, je peux t’assurer que t’es loin, très loin même d’avoir compris la démarche du chef de file l’opposition guinéenne qui a décidé d’ouvrir les bras à Makanéra. T’es Guinéen et tu vis dans ce pays depuis plusieurs années. En tant que tel, tu aurais dû savoir que Cellou Dalein Diallo n’est pas homme à répudier, à repousser. Il est plutôt homme à rassembler, à rapprocher, à pardonner, surtout si des excuses lui sont présentées“.
Aliou BM Diallo