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    L’Afrique du Sud : Un étrange « quasi-État de droit »

    L’Afrique du Sud : Un étrange « quasi-État de droit »
    Publié le
    Par
    Charles Kouassi
    Lecture 5 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    La « quasi-loi » est devenue la norme en Afrique du Sud, le Parlement agissant plus par délégation de pouvoir qu’en tant qu’organe législatif qu’il est censé être. Les « quasi-lois » sont décrites par les professeurs américains Bruce Frohnen et George Carey dans leur livre « Moralité constitutionnelle et l’émergence de la quasi-loi », comme étant des mesures qui ont force de loi, sans en avoir les caractéristiques. Ces quasi-lois « créent des droits et des devoirs comme les lois, mais n’ont pas les attributs juridiques essentiels tels que les procédures de promulgation ou la fourniture de règles prévisibles. Elles s’apparentent plutôt à des délégations de pouvoir discrétionnaire ».

    Dans une société qui respecte l’État de droit – un impératif dans la section 1 (c) de la constitution Sud africaine– le Parlement élabore les lois, le gouvernement les met en oeuvre, et les tribunaux les font respecter. L’exécutif ne peut donc pas élaborer de lois, mais peut adopter des règlementations qui permettent la mise en œuvre technique des règles fondamentales créées par le Parlement. Frohnen et Carey, cependant, ont écrit que les trois branches du pouvoir sont devenues complices de ce dévoiement législatif.

    En Afrique du Sud, la création de quasi-loi est plus fréquente chez les membres de l’exécutif. Le ministère du Commerce et de l’Industrie (DTI), agissant sans mandat, est en train d’interdire la vente d’alcool. Le Département des relations internationales et de la coopération a tenté quant à lui de retirer l’Afrique du Sud de la Cour pénale internationale par une simple décision exécutive. Heureusement, la Haute Cour a constaté que cette dernière instance n’était pas habilitée à le faire sans l’approbation du Parlement, mais, dans le premier cas, notre système judiciaire est susceptible s’inscrire docilement dans la lignée du DTI.

    On suppose que l’État de droit se limite à l’application des lois existantes. C’est limitatif. Son principe fondamental est que ceux qui mettent en oeuvre la loi doivent le faire conformément à des lignes directrices strictes et rarement discrétionnairement. Le pouvoir discrétionnaire ne doit répondre qu’à des cas exceptionnels dans des contextes bien spécifiques. Prenons, par exemple, le pouvoir des inspecteurs de la sécurité des mines de fermer une mine entière si, selon eux, un événement menaçant la santé est survenu. Cela s’est produit récemment dans une mine d’AngloGold, où un arbre défectueux a conduit à la fermeture complète de l’installation. Bien que la Haute Cour ait jugé que l’inspecteur avait agi irrationnellement, elle ne s’est pas prononcée sur la question de savoir si la législation l’habilitant était elle-même problématique. La loi, après tout, a permis à l’inspecteur de prendre légitimement une décision discrétionnaire.

    La loi sur la santé et la sécurité des mineurs est une quasi-loi et ne correspond pas au principe constitutionnel de l’état de droit. Elle ne sert qu’à attribuer un pouvoir discrétionnaire à un fonctionnaire, sans réel contrôle. La gouvernance serait meilleure si la loi exigeait de l’inspecteur qu’il démontre que ses préoccupations sont pertinentes et si elle permettait à la mine de défendre sa position face aux accusations. La bonne gouvernance voudrait que l’inspecteur saisisse un tribunal impartial qui entendrait les deux parties avant de rendre un verdict. Nos réglementations regorgent d’innombrables exemples de ces quasi-lois.

    Notre Cour constitutionnelle a notamment estimé qu’en vertu de la Loi sur les devises et les échanges, le Président peut faire ce qu’il veut, même pour suspendre tout ou partie de toute la législation qui traite de la monnaie, de la banque ou du change. Un seul juge s’est y opposé, soulignant clairement l’évidence: le président a été habilité à statuer par décret. La Loi sur l’assurance à court terme autorise le bureau d’enregistrement à refuser d’enregistrer un fournisseur d’assurance et lui donner l’autorisation d’exercer s’il le juge dans l’intérêt public. L’expression « l’intérêt public » demeure indéfinie dans la présente loi, comme c’est le cas dans d’innombrables autres lois.

    Ainsi, dans un tel contexte, l’élaboration des politiques publiques devient étrange. Le ministre des Télécommunications, par exemple, a eu l’impertinence d’annoncer que la nouvelle politique de télécommunications de l’Afrique du Sud est « prête » avant même que son département ne publie l’évaluation d’impact socioéconomique de ladite politique. Comment une politique peut-elle être annoncée comme définitive avant  même que son impact n’ait été évalué?

    La Cour constitutionnelle a, le plus souvent, approuvé la situation et le Parlement ne s’y oppose nullement. Malheureusement, nos représentants élus permettent à de simples  fonctionnaires de réguler discrétionnairement toutes les facettes de nos vies. La gouvernance est maintenant perçue par ceux qui sont au pouvoir comme le micro management de leur propre entreprise alors qu’il s’agit d’un pays et que les impacts sur la société ne sont pas nuls. Peut-on se contenter de vaguement évaluer le consentement des gouvernés une fois tous les cinq ans ? Face à cela, les Sud-Africains doivent se lever et dire «Rien sur nous, sans nous !».

    Van Staden, chercheur juriste à The Free Market Foundation, et directeur des programmes « Students for Liberty » en Afrique australe.
    Article publié en collaboration avec Libre Afrique.

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