Et pendant ce temps, le Congolais Jean Pierre Bemba vient d’être reconnu coupable de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale (CPI). Voici mon décryptage.
Il y a deux ou trois choses à savoir sur l’affaire Bemba. Un: le procès dure depuis huit ans et n’est pas encore terminé, puisqu’il faut une ultime audience au cours de laquelle l’on saura combien d’années il prendra. Ses avocats pourront alors faire appel ou non. Dans le premier cas, on sera encore parti pour un marathon judiciaire.
Deux: Bemba a été reconnu « pénalement responsable » de crimes graves commis par ses troupes du Mouvement de libération du Congo (MLC, alors mouvement rebelle), en Centrafrique, entre octobre 2002 et mars 2003. Le MLC y était pour soutenir le gouvernement légal de Ange Félix Patassé, qui faisait face à une rébellion menée par le Général François Bozizé. Notez que les juges, dans l’affaire Bemba, se sont très peu préoccupés, sinon pas du tout préoccupés de savoir qui, entre Patassé et son ex-rival, était victime. Ils se sont concentrés sur les allégations de crimes à eux soumises par le bureau du procureur et les contre-preuves brandies par la défense, point à la ligne.
Trois: les juges motivent leur décision par le fait que « Jean-Pierre Bemba n’a pas exercé un contrôle nécessaire » pour empêcher ses soldats déployés en Centrafrique, de commettre des attaques contre les civils et surtout qu’il « savait que [ses] troupes commettaient ou allaient commettre [ces] crimes ».
En clair, la CPI peut condamner une personne en se fondant sur une argumentation par l’absurde. Cela est d’autant plus vrai que Bemba a expliqué tout le long de son procès qu’il ne s’était lui-même jamais rendu sur le théâtre des opérations, en Centrafrique et que Patassé était la victime, en sa qualité de Président attaqué par la rébellion. De même, ses supporteurs qui n’ont pas cessé de battre le pavé à La Haye, disaient à qui voulait les écouter, que personne ne l’avait vu violer des femmes centrafricaines ou donner des ordres à quiconque, en vue de tuer. Ils se méprénaient lourdement sur la question de la responsabilité pénale, en droit international humanitaire. Et ils ne sont pas les seuls…
André Silver Konan
Journaliste-écrivain