L’Inde a lancé il y a 4 ans un vaste programme consistant à doter ses 1,2 milliard d’habitants d’un état civil numérique. Le projet connu sous le nom d’Aadhaar est une véritable révolution technologique dont le but est d’améliorer les services publics.
Malgré le coût élevé de ce programme, il y a aujourd’hui un consensus politique général autour de ce projet.
Aadhaar signifie en hindi « socle » ou « soutien ». C’est le nom qui a été donné à la carte d’identité numérique et biométrique dont tous les Indiens seront bientôt dotés. Cette carte devrait servir de support pour l’acheminement des aides sociales aux populations défavorisées. Le programme Aadhaar a été lancé en septembre 2010 sous l’égide de Nandan Nilekani, pionnier de l’informatique en Inde et co-fondateur de la multinationale Infosys. Trois sociétés étrangères dont la société française Morpho (filiale du groupe Safran) participent à ce projet.
Sur la carte Aadhaar figure un numéro à 12 chiffres qui est attribué au titulaire. La carte comporte aussi une puce électronique contenant des informations biométriques : couleur des yeux, empreintes digitales etc. Cette signature digitale est conservée dans une base de données nationale et qui est consultable à distance grâce un lecteur d’empreintes. Il s’agit d’une véritable révolution dans un pays où il n’y avait pas jusqu’ici de notion de carte d’identité. 650 millions de personnes ont déjà été enregistrées dans la base de données, soit la moitié de la population, pour un coût de 400 millions d’euros.
Le principal intérêt de cette carte réside dans l’utilisation que les pouvoirs publics pourront en faire pour rendre plus efficace leur politique sociale. En effet, le gouvernement indien consacre chaque année près de 200 milliards d’euros pour financer les divers programmes sociaux en direction de ses populations défavorisées. Or 85% de ces subventions n’atteignent pas les destinataires, à cause des intermédiaires corrompus. La carte d’identité numérique permet désormais au destinataire de l’aide gouvernementale d’ouvrir un compte bancaire qui renvoie à son numéro à 12 chiffres. C’est sur ces comptes que sont désormais versées directement les allocations. Les cartes de rations pour les denrées de base dont bénéficient une grande partie de la population fonctionneront elles aussi avec ces données numériques et biométriques.
Critiques
Malgré ses bienfaits évidents, le programme Aadhaar a essuyé de nombreuses critiques. Avec le regroupement de ces données biométriques et identitaires, n’y a-t-il pas un risque de fichage de la population, s’est interrogée la société civile. La crainte est particulière grande parmi les minorités. Récemment, la Cour suprême indienne a refusé que la police puisse accéder à la base de données sans l’autorisation du titulaire. Pour des raisons plus purement politiques, le nouveau premier ministre avait lui aussi critiqué violemment le projet pendant la campagne électorale. Mais lorsqu’il est arrivé au pouvoir en juin dernier, Narendra Modi s’est empressé de donner son aval à la poursuite du projet. Son financement a été prévu dans le correctif budgétaire afin que les 600 millions de personnes restantes puissent être enregistrées et puissent recevoir leurs cartes Aadhaar.
afrikipresse avec rfi