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    « Gagnoa est resté Gagnoa. ? Ici il y’a une industrie funéraire », assure le maire Bamba Médji pas d’accord pour les primes aux mutins , dubitatif face au concept Ivoirien nouveau

    « Gagnoa est resté Gagnoa. ? Ici il y’a une industrie funéraire », assure le maire Bamba Médji pas d’accord pour les primes aux mutins , dubitatif face au concept Ivoirien nouveau
    Publié le
    Par
    Charles Kouassi
    Lecture 9 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

    Maire de la commune de Gagnoa depuis 2013, Bamba Medji, dans cet entretien, se prononce sur l’actualité récente de la Côte d’Ivoire. Et en profite pour livrer un pan des réalités de sa ville située à 285 kilomètre au nord-ouest d’Abidjan.

    Comment va Gagnoa ? Apparemment, ce n’est plus le Gagnoa à forte affluence que l’on a connu sous le pouvoir Gbagbo. On n’a pas vu beaucoup de car pour un vendredi…

    Gagnoa est resté Gagnoa. Rien n’a changé. Si vous allez aux différentes gares de Gagnoa, les deux premières semaines du mois, à partir de 14 heures, vous n’aurez plus de car. Ils peuvent faire une cinquantaine de départ par jour. Les deux premiers weekends end du mois, Gagnoa affiche complet. Ici, il y a une industrie funéraire. Et ça fonctionne exactement comme une industrie. Les deux premiers weekends du mois, il n’y a pas de corbillard disponible. Les corbillards viennent d’ailleurs en renfort. Vous pouvez programmer une levée de corps pour 14 heures, mais c’est à 20 heures que vous allez le faire parce qu’il n’y a pas de corbillard.

    On se rappelle qu’il y avait dans le temps une sorte de tourisme intérieur qui faisait que qu’à Gagnoa, sans réservation, les weekends, il était impossible d’avoir une chambre d’hôtel…

    C’est toujours la même chose. Le taux de remplissage des hôtels est à 80%, en temps normal. Les weekends, c’est 100%. Gagnoa, c’est 213 318 habitants. En interne déjà, les gens font marcher les hôtels. Quand on sait qu’un homme a deux ou trois copines. Sans compter ceux qui font de l’importation et les opérateurs économiques qui viennent pour des actions commerciales. Les hôtels marchent.

    Que peut-on dire sur le niveau de la réconciliation à Gagnoa ? Avec les taux de boycott des différentes élections, ici, depuis l’éviction du pouvoir et son transfèrement à la Cour pénale internationale, de Laurent Gbagbo, fils de Gagnoa ?

    Vous savez, les gens pensent qu’il faut créer des concepts parce que cela plait aux occidentaux. En réalité, il n’y a pas de problème entre les citoyens. Le problème intervient au niveau des sensibilités politiques. Moi, ma femme est bété. Elle est de Baruhio. Je vais au village. Je participe à toutes les funérailles dans les villages de la commune, et même au-delà. Cela relève des relations humaines. Quand on a des cérémonies, tous les chefs de village sont là. Les associations de femmes et de jeunes sont là. Mais quand il s’agit de se déterminer politiquement, puisque une élection, c’est le fait de montrer un choix politique, dès lors que quelqu’un ne voit pas sa sensibilité politique parmi les concurrents, il s’abstient. C’est simple. Ce n’est pas parce que tu ne vas pas voter que tu es en guerre avec celui qui va voter. Ici, les gens pensent que pour la réconciliation, il faut que ceux qui soutiennent le président Gbgabo viennent voter la Constitution qui est proposée, ou qu’ils viennent voter le président Ouattara, ou qu’ils viennent voter pour des candidats qui sont contre le FPI tendance Gbagbo ou rien. Mais, ce n’est comme cela. Nous sommes tous là, lorsque le RDR n’est pas allé aux législatives en 2000, le FPI…. Mais, au municipales, le RDR est rentré dans le jeu politique. Est qu’on peut dire, pour autant qu’entre les deux élections, il y a eu réconcilitation ? Non. Dès lors que le parti a décidé de concourir, ses militants suivent. Mais, les gens font une fixation sur la participation des militants du FPI tendance Gbagbo ou rien. Les gens pensent que la politique, c’est juste une question d’intérêt matériel et financier. Mais, il y a une grosse part du charisme des leaders…. En Côte d’Ivoire, pour les leaders que nous avons connus, au-delà d’Houphouet Boigny, Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo ont des militants qui sont prêts à donner leur vie pour eux. Cela dénote du charisme de ces leaders. Il y a donc un engagement affectif des militants du Fpi à Laurent Gbagbo. Pour eux, le fait d’aller vers un autre parti, c’est comme s’ils étaient en train de trahir Gbagbo.

    Ces temps-ci, l’on assiste à beaucoup de remous sociaux. L’école surtout qui est un peu perturbée. Quel est l’état des lieux à Gagnoa ?

    Ici, les élèves vont correctement à l’école. Mais, il y a quelque chose qui, moi, me laisse dubitatif dans la politique menée par le président Ouattara depuis le second mandat. C’est le projet de l’Ivoirien nouveau. Cela apparait comme un slogan. Mais, en réalité, ça ne devrait pas l’être. Vous savez, la politique, c’est quelque chose de très simple. C’est la volonté qui soutient les décisions politiques. Voyez-vous, à un moment, à Abidjan, on a dit à part les wôrô-wôrô immatriculés, les véhicules banalisés n’ont pas le droit de faire le transport. Un moment la police a fait la repression et on ne les voyait plus. Aujourd’hui, ces mêmes véhicules sont partout en train de faire du transport urbain. Rappelez-vous, à quoi servait l’Oser (Office de la sécurité routière). Il apprenait aux gens à traverser au feu, à passer sur les passages cloutés, etc. Aujourd’hui, à Abidjan, même lorsque vous marchez sur le trottoir, les véhicules vous y trouvent. Si vous ne bougez pas, on vous demande si vous êtes aveugle. Pourtant, le trottoir est fait pour les piétons. Mais, pourquoi depuis des années, cela ne change-t-il pas ? Il y a une police de la circulation. Mais, à Abidjan, quand tu respectes un feu, tu te mets en danger parce que celui qui te suit risque de te rentrer dedans.

    À quoi est liée cette indiscipline ?

    C’est lié à la volonté politique. Prenons le cas du Rwanda. Du jour au lendemain, on a fait d’un pays francophone, un pays anglophone. En termes de salubrité, c’est le pays le plus propre d’Afrique. À quoi cela est-il dû ? À la dictature ? Pourtant, il y a beaucoup de dictature en Afrique. C’est simplement la volonté politique. Je pense, à mon sens, que le président de la République devrait marquer son passage. Ce n’est pas en laissant des ouvrages qu’on va le retenir. En termes de volonté politique, il lui faut laisser une empreinte. Parce que tout le désordre auquel on assiste aujourd’hui, les militaires, les fonctionnaires, les élèves, etc. est dû à un manque de volonté politique. De temps en temps, on apprend que nos frontières ont été violées. Et ceux mêmes qui sont sensés défendre le territoire retournent les armes contre l’Etat.

    Selon vous, qu’est-ce qui n’a pas marché ?

    Moi, je ne suis pas dans le bois sacré. Je ne vois que les résultats. Et ceux-ci me montrent que l’État n’est pas à la mesure du défi. Ce qui se passe, pour moi, relève de la volonté politique. On aurait pu assister à la même que ce qui s’est passé au Burkina. Si le gouvernement avait refusé de satisfaire les mutins, je vous le jure, c’est la population qui allait faire le tampon entre le gouvernement et les mutins. Les gens allaient dire trop, c’est trop. Mais, on a cédé et du coup, c’est devenu comme un feu de brousse. Il manque la volonté politique dans notre pays.

    Y a-t-il des raisons de craindre des lendemains plus troubles encore en Côte d’Ivoire ?

    Peut-être que vous ne prenez pas au pied de la lettre les mots que j’utilise. La volonté politique, ce ne sont pas les discours. Rappelez-vous, il fut un moment où le président Houphouet Boigny a dû prendre des décisions politiques. Parce qu’en réalité, les populations sont respectueuses de la loi. La preuve, quand on circule et que la police nous arrête, on s’arrête. Quand on est dans la rue et qu’un policier nous arrête pour un control, on obtempère. Mais, ce qui se passe, c’est que lorsqu’il y a trop d’abus, l’autorité se décrédibilise. Alors que force doit rester à la loi. Pour moi, dès lors qu’il y a eu plusieurs corps qui ont manifesté, c’est que la question n’a pas été abordée de façon globale. A partir de ce moment, je ne serai pas surpris d’une quelconque résurgence des manifestations sur la base de ce qu’il y aurait encore des promesses. Sinon lorsqu’on nous parle des primes ECOMOG, croyez-vous que nos soldats ivoiriens sont de l’Ecomog ? Non. Le président Ouattara était au Golf (à l’hotel du Golf, Ndlr) il a créé les FRCI (Forces républicaines de Côte d’Ivoire). Ce sont ces forces-là qui émarge au budget de la Côte d’Ivoire qui sont venus combattre les soldats qui ne voulaient pas respecter le verdict des urnes. Ce sont donc des Ivoiriens. En quoi deviennent-ils Ecomog ?

    L’actualité, c’est aussi le lancement par Madame la ministre de la salubrité d’une opération dénommée “grand nettoyage”. Quelles sont les dispositions particulières prises par la commune de Gagnoa ?

    Vous avez bien introduit. Vous avez dit madame la ministre de la salubrité. Moi, je suis maire de Gagnoa. Je n’ai pas lancé d’opération. Ce que je fais, au quotidien, j’enlève les ordures avec nos maigres moyens. Nous avons fait une demande au niveau du Fonds de salubrité pour nous aider à ramasser les ordures. Je vous disais tantôt que Gagnoa fait 213 318 habitants. Et voici ce qu’on nous a mis à disposition : 20 balais, 20 bottes, 10 brouettes, 100 cache-nez, 10 blouses de protection, 15 bottes, 10 poubelles, … 20 rateaux, 200 sacs-poubelles, 10 fourches, 20 gants, 19 machettes et 15 pelles.  Je vous informe que Gagnoa compte 53 quartiers. Dites-moi, avec ce que je viens de vous citer, on peut faire quoi. Pour la salubrité, la taxe d’enlèvement des ordures ménagère qui était reversée aux communes est reversée depuis plus de 5 ans maintenant au ministère de la salubrité. Donc, nous ne recevons pas de sous pour la salubrité. Nous nous débrouillons. L’État a juste donné des bennes, une chargeuse qu’il faut entretenir. Les bennes consomment, par jour, 250 litres de gasoil ainsi que la chargeuse. Alors, ce qu’on nous demande à l’intérieur du pays, c’est qu’on rende nos villes propres. Mais, en même temps, les moyens n’accompagnent pas. Ce qui met les maires en difficulté. Le citoyen lambda ne sait pas que le maire n’a pas les moyens pour enlever les ordures. Donc, ces coups de pub sont bons pour la télé. Mais, nous, nous disons que la volonté politique, il faut la mettre en place.

    Réalisée par Chris Monsékéla

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