Jean Bonin est le secrétaire général adjoint du front populaire ivoirien, en charge de la communication et du marketing politique. Dans cette interview, il revient sur les conditions de l’échec du parti à l’élection présidentielle de 2015. Mais aussi celles des législatives de 2016 où le Fpi a fait un retour timide au parlement. Il dénonce le comportement des dissidents du parti (le camp Sangaré : Ndlr). Persiste et signe que Laurent Gbagbo reste le principal instigateur de la fronde qui fragilise le parti. Il appelle, cependant Sangaré à la raison et l’invite au prochain congrès du parti.
Vous êtes le secrétaire général adjoint chargé de la communication et du marketing politique du FPI. Comment se porte votre parti aujourd’hui ?
Jean Bonin : Le Fpi se porte beaucoup mieux aujourd’hui qu’en 2011 où la plupart de ses cadres étaient en exil où en prison. Par rapport à 2011, l’on peut dire qu’il se porte aujourd’hui mieux. C’est vrai, Il y a des conflits internes, -une dissidence ou “la fronde” – , qui minent un peu notre activité sur le terrain et qui malheureusement portent atteinte à la crédibilité du parti face à nos compatriotes qui attendent mieux du FPI , qu’il s’éternise dans une guerre de positionnement futile et puérile au regard des enjeux démocratiques, sécuritaires, économiques et sociaux auxquels notre pays et nos compatriotes sont confrontés. Cependant on peut dire que le FPI reste un parti majeur qui représente une alternative crédible aux errements et à la mauvaise gouvernance du régime au pouvoir.
Le FPI, un parti majeur, dîtes-vous ; pourtant vous avez fait une rentrée timide au parlement , avec 3 élus. Comment cela s’explique pour un grand parti ?
Jean Bonin : La réalité c’est que nos militants et une grande partie de la population électorale sont encore apeurés. Le taux de participation au niveau national se situe à un niveau très bas. Il est à juste encore plus bas en ce qui concerne nos électeurs qui sont ceux qui ont le plus soufferts de la crise postélectorale de 2011. Quand on prend une commune comme Yopougon ou la ville de Gagnoa, le taux de participation tourne autour de 10%. Cela veut dire qu’il y a des députés qui dans ces localités ont été élus avec 2000 ou 3000 voix. Ce n’est pas cela la Côte d’Ivoire qu’on a connue . Ce faible taux est constant depuis un moment. Les élections municipales, le RGPH, la présidentielle, les législatives, le scrutin référendaire ont tous montré un taux très faible de participation. Les Ivoiriens ne sont pas encore moralement, psychologiquement et politiquement libérés. En conséquence ils prennent du recul vis-à-vis de la chose politique. Ils associent encore élection à la mort, à la guerre, à des tueries massives… Nos militants qui en particulier continuent de subir la mauvaise gouvernance de M. Ouattara ne croient plus notamment en l’impartialité de la CEI. C’est à ce niveau qu’il faut situer nos résultats électoraux, qui toutefois démontrent qu’en termes de nombre de voix obtenues, le FPI reste la 2eme formation politique du pays après la coalition RHDP. Nous travaillons cependant à tuer la peur chez les populations et à remobiliser nos militants. En 2020 ce travail paiera. J’ai de bonnes raisons donc de croire que 2020 sera différent de 2015 et 2016. L’avenir est promoteur.
Les pro-Gbagbo disent plutôt que c’est parce qu’ils sont absents de la scène politique , aussi que vous voulez tourner la page Gbagbo , que vous avez subi qui ces mauvais résultats…
Jean Bonin : Nous sommes tous des pro-Gbagbo. Sauf que nous, nous estimons qu’être pro Gbagbo ce n’est pas un programme politique, ce n’est juste qu’un slogan. Or plus qu’un slogan les ivoiriens ont besoin qu’on leur propose une alternative crédible au pouvoir en place. Ce n’est pas en disant qu’on est pro Gbagbo qu’on résoudra le chômage des jeunes, qu’on trouvera une solution à la crise économique et sécuritaire sans précédent dans laquelle notre pays est aujourd’hui plongé. Il y a deux volets dans votre question. Le premier c’est qu’ils ne sont pas absent de la scène politique. Bien au contraire, ils sont les alliés objectifs du pouvoir. Ils arpentent les hameaux et villes pour démobiliser nos militants en usant à satiété et de façon immature du nom du president Gbagbo pour nous combattre. Or leur combat contre nous n’a pour seul objectif que d’essayer d’affaiblir le FPI, pas le pouvoir. Cest irresponsable et ridicule pour des gens qui prétendent lutter contre ce pouvoir. J’ai déploré personnellement qu’à Dimbokro, certains de nos militants, surtout ceux originaires de l’ouest du pays aient boycotté les législatives ou, pire, aient préféré voter pour des candidats indépendants ou du pouvoir mais pas pour ceux du FPI, parti dont ils disent pourtant être des militants. On ne peut être un vrai militant du FPI ou un pro Gbagbo et s’allier avec le RDR pour battre campagne contre son propre parti. Ce n’est pas ça seulement qui explique notre score. Il faut dire que les Ivoiriens ont, comme je l’ai déjà dit, pris du recul face à la politique. Ceux qui sont en exil n’y sont pas parce que les Gbagbo ou Rien (GOR) les y maintiennent. Ils sont en exil à cause de monsieur Ouattara. Les gens ne sont pas allés voter parce qu’ils ne se sentaient pas rassurés. Le régime actuel n’a rien fait pour les rassurer. Les gens restent donc dans cette peur et la terreur de revivre les affres de la guerre. C’est vrai que nos camarades de la dissidence annoncent partout qu’ils sont majoritaires. Si cela étaient vrai alors j’ai du mal à comprendre qu’ils n’utilisent pas cette majorité pour occuper des postes électifs mais préfèrent les offrir au pouvoir. Quand on est majoritaire on ne boycotte pas, on contrôle les organes électifs. J’ai de la peine pour ceux qui se réclament de Gbagbo mais qui font campagne contre le FPI et ses candidats aux côtés de ceux qui ont extradé Blé Goudé et Gbagbo à la CPI. Ils sont dans les ressentiments, la haine, la rancune et pour nombre d’entre eux, dans l’espérance du match retour. Ils accusent Affi de tous les maux simplement parce qu’il ne veut pas regarder dans le rétroviseur de la vengeance mais s’inscrit dans la perspective d’une Côte d’Ivoire de paix, débarrassée des mauvais sentiments. Je vous annonce, si vous l’ignoriez, que ceux qui avec Sangaré, Akoun ou Lorougnon Odette disaient hier “Gbagbo ou rien” ont aujourd’hui décidé de ne plus rien boycotter après la fin du 2eme mandat du Chef de l’Etat alors que Youssouf Bakayoko est toujours à la CEI, que nos détenus sont toujours en prison et qu’aucun fait nouveau n’est venu changer la donne. Je me réjouis qu’ils soient finalement devenus lucides. Le Président Gbagbo lui-même disait qu’il était un enfant des élections. Pourquoi ont-ils eu besoin de 4 ans pour comprendre une chose aussi élémentaire.
Récemment sur la toile vous avez affirmé que Laurent Gbagbo reste le principal instigateur de la fronde. Ces propos sont-ils maintenus ?
Jean Bonin : Je l’ai dit au lendemain des résultats électoraux des législatives de 2016. C’était un cri de cœur. Mais, rien n’est venu à ce jour contredire ce sentiment. Je maintiens donc cette position jusqu’à ce qu’un élément nouveau démontre que ma démonstration est fausse. Cela n’engage que moi et non le FPI. Je parle en tant que JEAN BONIN, pas en tant que SGA. De mon point de vue lorsque vous revendiquez la paternité d’un parti politique et qu’il y a des conflits internes dans ce parti, la moindre des choses est d’essayer de mettre fin à ce conflit en appelant au rassemblement des belligérants. Ce, en recevant notamment tous les protagonistes. C’est ce que Bédié a fait avec Banny, Essy et KKB au PDCI. Ils se sont parlé , se sont compris et cela a contribué à assoir une relative accalmie dans ce parti. Mais à quoi assistons-nous au FPI. En 2015, à la veille de l’élection présidentielle, Koné Katinan, qui, d’ailleurs, usurpe le titre de porte-parole de Gbagbo, a fait un communiqué pour dire que le Président Gbagbo ne veut pas que son nom soit impliqué dans cette élection parce qu’il est plus préoccupé par son procès que par la politique et les élections. Les mêmes, aujourd’hui, viennent encore nous dire que Gbagbo leur demande d’aller à toutes les élections en 2020. Est-ce sérieux ? Les ivoiriens peuvent-ils faire confiance à des opportunistes qui tiennent un double langage ? Par ailleurs, aux dernières législatives ou nous avions plus de 180 candidats, la dissidence, financée par on ne sait qui, a déployé dans chacune des circonscriptions électorales où nous avions des candidats, des délégations avec des moyens matériels impressionnants et des moyens financiers conséquents pour aller battre campagne contre nos candidats. Leurs messages, dont ils disaient aux populations être porteurs de la part de Gbagbo, appelaient les militants à ne pas voter les militants du FPI , car si le Parti avaient de nombreux députés, pour se venger Ouattara maintiendrait Gbagbo en prison à la CPI. Nombreux parmi nos militants sont encore émotifs. Ils ont été bernés. Là encore c’est le nom de Gbagbo et non celui de Sangaré ou de Odette Lorougnon, qui elle dit qu’elle veut exterminer tous les apatrides étrangers en Côte d’Ivoire, qui est brandi; c’est bien le nom de Gbagbo qui est utilisé, alors que face à tout cela, il reste désespérément muet. Ces gens vont sur le terrain avec le nom de Gbagbo pour démobiliser les militants. Dans ces conditions, logiquement, je m’étonne que le Président Gbagbo ne mette pas fin à cette utilisation de son nom. C’est un questionnement logique. Soit il est pour la dissidence et il l’annonce clairement. Soit il soutient le président statutaire du FPI, l’honorable Pascal Affi N’Guessan et il le dit sans ambiguïté. Soit enfin il ne soutient aucun des protagonistes et il le fait savoir. Laurent Gbagbo reçoit certains camarades, proches de Sangaré mais il ne reçoit pas d’autres qui sont proches d’Affi. Comment devrais-je interpréter cela? Le Président Gbagbo, l’homme qui a défié la communauté internationale aurait-il peur de dire ses vérités à Affi ? Affi N’Guessan lui a envoyé une demande d’audience en 2014, nous sommes en 2017. Il n’a pas donné une suite. Gbagbo l’homme qui a parlé avec les tueurs de Boga Doudou et qui est le créateur du concept et de la ligne politique du “asseyons-nous et discutons” a quel intérêt de refuser de parler avec Affi ? Devrais-je donc interpréter comme un parti-pris de Gbagbo pour la dissidence ? Il y a un pas que j’ai allègrement franchi mais que la majorité des cadres du FPI n’ont pas franchi. Je l’ai franchi parce que j’estime que s’il laisse les frondeurs aller sur le terrain avec son nom pour combattre Affi N’Guessan , c’est que quelque part il est l’instigateur, complice de cette action, vu que ceux-ci ne font leur déclaration contre Affi qu’après avoir été reçu en audience par lui. Ai-je tort ou raison ? L’avenir nous le dira. 2020 c’est déjà demain.
Mais Affi avait dit sur ce point que le Président Laurent Gbagbo ne recevait que ceux qui ont besoin d’être recadrés. On ne comprend donc pas votre position ….
Jean Bonin : Ça c’est la position du Président Affi qui est la position officielle du FPI. Mais moi en dehors du parti, j’ai la mienne, elle n’est pas celle du parti. Je tiens bien à ce qu’on le mentionne. Le FPI ne dit pas ce que je dis. C’est plutôt, Jean Bonin Kouadio, militant du FPI qui le dit.
Vous voulez qu’on résume cela à la personne de monsieur Jean Bonin. Mais vous êtes le SGA du parti, un poste considérable quand même. Donc vos propos peuvent aussi engager la direction.
Jean Bonin : Le Fpi est un parti dynamique où l’expression est plurielle. On ne s’aligne pas à première vue, comme des béni oui-oui, sur une position qu’on ne partage pas. Ma position n’est pas majoritaire au sein du parti, cependant elle reste la mienne, bien qu’elle ne traduise pas ce que le Fpi et le son Président pensent de l’attitude de Laurent Gbagbo. Je ne suis pas le porte-parole du parti. C’est madame Agnès Monnet, la Sécrétaire Générale du parti.
Le parti a une discipline. Venir dérouler votre position sur les réseaux sociaux qui est contraire à celle du parti, n’est-ce pas une défiance ?
Jean Bonin : La discipline n’interdit pas à un militant de dire ce qu’il pense, sauf à préciser que ce qu’il dit n’engage que lui et non le parti. Je regrette d’ailleurs que ma position ne soit pas partagée par le président du parti et l’ensemble des cadres. Cela de mon point de vue aurait permis de mettre en place une autre stratégie politique de reconquête du pouvoir. Il y aura un congrès en août 2017, j’y exposerai ma stratégie.
Les militants trouvent qu’il est incorrect de tourner la page Gbagbo, surtout qu’il a en ce moment besoin de soutien.
Jean Bonin : C’est quoi tourner la page de quelqu’un ? Pour Affi, Laurent Gbagbo n’est pas une page. Pour nous Laurent Gbagbo est un livre. On ne tourne pas un livre. Chacun écrit sa page, son histoire. Gbagbo lui-même a dit que “lorsqu’un homme marche, il laisse des traces”. Je ne vois donc pas comment quelqu’un peut tourner la page de Gbagbo, le père de la démocratie en Côte d’Ivoire. Cela n’a pas de sens. Il est vrai que Gbagbo est l’un des fondateurs du parti, ils étaient une vingtaine, mais depuis 2001 à ce jour c’est le président Affi qui est à la barre. Pour l’y déloger , il faudra l’affronter à un congrès et non s’autoproclamer Président du FPI lors d’un simulacre de congrès. Le Président Affi fait ce qu’il faut pour que le parti reste à flot contrairement à d’autres qui font un congrès dans le village de Gbagbo. C’est amusant! Mais ceux qui convoitent le poste de Affi, poste acquis au cours d’un congrès électif en 2001, ils n’auront pas d’autres choix que le battre à un congrès statutaire et légal. Au FPI on ne devient pas président par intérim ou par nomination , alors que le président élu est en fonction. C’est élémentaire ! Sangaré qui hier disait ne pas reconnaître la légitimité de Ouattara, reçoit aujourd’hui avec fierté les honneurs militaires de ce même régime qu’il dit ne pas reconnaître . Ce n’est pas sérieux quand on a occupé de hautes fonctions dans ce pays! Monsieur Sangaré qui crie urbi et orbi que monsieur Ouattara est illégal , ne s’est pas empêché déjà en 2014 de lui faire une demande du paiement de sa rente viagère. Il n’a contrairement à Affi pas été sous sanction onusienne et n’a donc pas curieusement vu ses comptes gelés. Idem pour sa résidence personnelle qui n’a pas été écorchée alors que la majorité des cadres du parti ont eu leurs résidences pillées ou brûlées. Il reçoit donc aujourd’hui, tranquillement et sereinement de M. Ouattara une rente viagère mensuelle. C’est connu et de notoriété publique. Pareil pour Michel Gbagbo qui enseigne à l’Université sans être inquiété par le pouvoir. Il n’est pas bon d’induire les militants en erreur , de leur cacher la vérité et surtout de se faire passer pour ce qu’on n’est pas. Il ne faut pas avoir la mémoire sélective et des prises de positions à géométries variables. Quand on prend une position, on la tient. Dire hier que nous c’est “Gbagbo ou Rien (GOR), tant que Gbagbo, Simone …ne sont pas libérés …on ne va à aucune élection, et décider aujourd’hui qu’on y va… À mon sens c’est un rétropédalage et une trahison à l’endroit des militants.
Sangaré fait ses tournées librement. Le pouvoir ne vous a-t-il pas lâché ?
Jean Bonin : Nous n’avons jamais été un allié du pouvoir, contrairement à ce que les gens croient et disent. Les alliés du pouvoir ce sont ceux qui boycottent les élections et qui croient ainsi faire mal à M. Ouattara qui en réalité ne souhaite que cela. Comment peut-il souffrir d’un boycott alors qu’il refuse que ses propres alliés, Mabri Toukeusse et Gnamien Konan, se présentent contre ses candidats. Comment peut-il souffrir de l’absence du FPI dans le jeu politique par le boycott d’une élection alors que son allié du PDCI n’a pas eu le droit de présenter un candidat contre lui en 2010, en 2015 et probablement en 2020. Il faut se réveiller, ouvrir grand les yeux et arrêter de faire de la politique fiction, sauf à croire que le père Noël existe. Les alliés de monsieur Ouattara sont ceux qui reçoivent les honneurs militaires de l’armée de Ouattara. Affi qui a été premier ministre n’a jamais reçu ces honneurs depuis qu’il est dans l’opposition. Même le Secrétaire General du RDR n’en a pas droit et n’en a jamais reçu. Pourtant Sangaré, prétendument opposant radical en a reçu à presque toutes les étapes de sa tournées à l’ouest. Nous n’avons jamais été les alliés de Ouattara ni au plan militaire, civil, judiciaire… j’en dirais pas autant des militants dits radicaux mais qui en réalité sont les vrais «chouchous” du régime.
Vos camarades étaient emprisonnés lorsqu’ils utilisaient les symboles du parti. Aujourd’hui tout porte à croire qu’ils ne sont plus inquiétés…
Jean Bonin : Il y a deux stratégies en place. Celle du président Affi qui face à la nature brutale du régime en place , a estimé qu’il ne fallait pas le combattre sur son terrain favori, la violence. Il a plutôt choisi la stratégie du dialogue républicain, de la négociation et du compromis. De l’autre côté il y’a la dissidence qui elle a opté pour la stratégie de la confrontation avec le pouvoir. Elle a donc choisi d’aller sur le terrain que le RDR maitrise le mieux, celui de la confrontation brutale, violente avec tout ce que cela implique. Chacune des stratégies a des avantages et inconvénients. Celle de la violence fait courir le risque de la prison. C’est ce qui a amené nos camarades en prison. Affi n’a pas les moyens de donner des instructions à Ouattara, au ministre de la justice ou à Hamed Bakayoko pour mettre en prison certains camarades. S’il avait ces pouvoirs, la logique voudrait que ce soit Sangaré lui-même qui soit en prison. Or Sangaré circule librement, reçoit les honneurs militaires alors qu’il a été condamné à 20 ans de prison, mais contrairement à Simone Gbagbo , lui il hume paisiblement l’air de la liberté. Nous, avec Affi, avons estimé que dans la droite ligne politique du FPI c’est le « Asseyons-nous et discutons » qu’il fallait promouvoir. Gbagbo a discuté avec Soro, Compaoré, et tous les protagonistes de la crise. Il n’y a pas de raison que nous ne discutions pas avec Ouattara et ses soutiens. Le faire ne fait pas de nous ses alliés ou des traites. D’ailleurs sur RFI, il y a une semaine, Sangaré a demandé à rencontrer monsieur Ouattara pour parler de la réconciliation. Il veut discuter avec la France et la communauté internationale de la libération de Laurent Gbagbo. Or cela, nous le faisons déjà depuis 2013. La politique est un jeu mais pas un amusement.
N’est-ce pas parce que le pouvoir s’est rendu compte que le véritable adversaire c’est Sangaré ?
Jean Bonin : En politique on ne fait pas la passe à l’adversaire. Si le pouvoir a décidé de faire la passe à Sangaré, c’est bien parce qu’il se rend compte que Sangaré qui n’a jamais été élu à aucun poste électif national ou interne ne représente rien en terme d’alternance, de contre-pouvoir. Il est donc utilisé juste pour combattre Affi. Quand vous regardez l’impressionnant cortège et les moyens colossaux qu’ils ont dégagés pour lui permettre de faire une tournée à l’Ouest, alors qu’il n’avait jamais fait de telles tournées , vous comprenez bien que quelques part ils ont eu l’assurance qu’ils ne seraient pas inquiétés. Sangaré est dans une dynamique, avec le pouvoir, pour essayer de contrôler le Fpi mais aussi de diviser le parti pour qu’en 2020 , le FPI ne soit pas une opposition forte face au candidat du RHDP. Voilà la vérité qui s’impose à l’analyste politique objectif.
Il est souvent reproché à Affi de persister dans les menaces, alors que Sangaré balise le terrain. À quand la tournée de Affi pour effacer les traces des frondeurs ?
Jean Bonin : Chaque chose en son temps et chaque temps sa chose. Dès qu’Affi est sorti de la prison, il est allé aux contacts des populations. C’est maintenant que Sangaré comprend cela et va sur le terrain, en dehors du district d’Abidjan. Mais Affi a fait tout l’Ouest. Il est même allé au Nord qui, à l’époque, lui a été refusé par le pouvoir. C’est maintenant que Sangaré goutte au terrain. Ce que nous avons déjà fait. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Sangaré est utilisé avec un certain nombre d’ancien membre de la direction du FPI comme Marie Odette Lorougnon et autres pour diviser le FPI. Sangaré sait très bien qu’il ne peut pas gagner une élection présidentielle en Côte d’Ivoire sans un FPI uni là où Gbagbo lui-même n’a fait que 38 % au 1er tour avec toute la LMP en soutien. Alors il utilise la politique de la terre brûlée qui veut que dans tous les cas si ce n’est pas lui , ce ne sera jamais Affi N’Guessan.
Il est aussi soutenu que la démission d’Amani N’Guessan est relative à l’échec de la politique de Pascal Affi. Et qu’avec lui il n’y a pas d’avenir.
Jean Bonin : Amani reste membre de la direction du parti. Il a démissionné de la tête du parti en tant que vice-président. Vous avez bien vu que la lettre de la démission est adressée au président du FPI, Affi N’Guessan. Il reste militant de base du parti. Le président Affi avait créé un groupe de contact qui avait pour mission de ramener nos camarades à la maison toujours dans la droite ligne du « Asseyons-nous et discutons ». Amani et Christine Adjobi qui préside ce groupe sont allés rencontrer nos camarades. Et à chaque fois ils ont buté sur : « Tant que vous êtes avec Affi, on ne vous reçoit pas. On ne vous parle pas ». Comme des gamins. Il s’est donc dit ” comme je suis dans la haute direction du parti et que Sangaré refuse de me recevoir, je vais dont utiliser une autre stratégie. Je serai militant de base. Et j’espère au moins qu’avec cette position, il sera plus flexible pour que nous puissions échanger”. C’est sa stratégie. Il n’ pas quitté Affi pour Sangaré. Bonne ou mauvaise stratégie ? Le temps nous situera. Affi est allé aux funérailles de la mère de Gbagbo il y a été humilié, hué. Or ces funérailles étaient organisées par Sangaré qui est resté muet face aux jeunes surexcités. Mais il n’en a pas tenu rigueur à Sangaré. Il est aussi allé aux funérailles de la mère de Sangaré, contre toute entente, Sangaré a refusé de le recevoir. À la signature de la pétition pour la libération du Président Gbagbo, il a encore dit « Sangaré il faut qu’on s’asseye et qu’on discute parce que le FPI est fort quand nous sommes ensemble ». Sangaré n’a pas donné suite à cela. Il a même demandé au doyen Bernard Dadié de rapprocher les deux camps. Là encore Sangaré a aussi opposé une fin de non-recevoir. Il est dans une logique d’affaiblissement du parti. Il sait bien que ce qu’il fait n’est pas de nature à consolider le parti. Il refuse l’affrontement dans un congrès. Il préfère être nommé président du FPI par intérim, ce qui n’existe pas dans nos statuts. Affi a été élu en 2001 à un congrès. On attend que Sangaré vienne affronter Affi. Il préfère la solution confortable : ” Gbagbo a été élu et moi j’assume son intérim”. Mais quel est le document d’intérim de Gbagbo qui nomme Gbagbo ? Qui a vu ce document ? Un intérim est un acte qu’on signe. On ne le déclare pas. Sangaré est dans le faux et ne prospère que dans le faux. C’est pour cela que Affi lui a adressé un courrier pour lui dire de s’inscrire dans la légalité s’il veut diriger le parti.
S’il refuse de s’inscrire dans la légalité que va-t-il se passer ?
Jean Bonin : Nous préférons régler nos conflits dans la légalité. Certains partis politiques règlent leurs conflits à coups de machettes et de kalachnikovs. Nous avons décidé qu’à chaque fois qu’une situation qui porte atteinte aux intérêts du FPI, nous saisirons la justice pour régler cela.
Justement il vous est beaucoup reproché à chaque fois de saisir la justice…
Jean Bonin : Quand il y a un conflit et qu’un des protagonistes refuse de s’asseoir pour en débattre, qu’est ce qui nous reste. Soit de prendre des gourdins pour le régler , soit se confier à la justice. Nous préférons la deuxième solution. L’article premier des statuts du FPI dit bien que le parti fonctionne sous les lois de la République. Donc les statuts ne sont au-dessus des lois de la République.
Jean Bonin, Croyez-vous qu’un jour les deux partis seront réunis ?
Jean Bonin : Nous croyons qu’un jour la sagesse habitera monsieur Sangaré. Il a un âge où normalement il devrait faire preuve de sagesse. Il est appelé affectueusement “le gardien du temple”. Quand on a ce titre , on doit faire preuve de sagesse. Sangaré est capable de parler avec les pires adversaires de Gbagbo mais refuse d’en faire autant avec le président du FPI. De notre point de vue cela n’a pas de sens. Nous espérons que les mois à venir , il sera habité par la sagesse et viendra rejoindre la légalité. La seule recette pour la réunification, c’est de venir au congrès qui aura lieu les 11 et 12 août 2017. Ce sont les militants qui décideront. Sur le terrain , il n’y a pas que des militants, il y a aussi la foule qui est confondue avec les militants. Les militants du FPI décident à l’occasion des instances statutaires. Et la prochaine sera en août. Le président invite et exhorte tous ceux qui veulent diriger le parti à venir l’y affronter. Ma recette est de venir affronter Affi. Si les dissidents ont le courage de franchir ce pas, la paix reviendra parce que le dernier mot reviendra aux militants du parti.
Réalisé par Hilaire G.