Dans un entretien exclusif accordé au quotidien ivoirien l’intelligent d’Abidjan, Maitre Ceccaldi, un des avocats, avec son confrère libyen maitre Khaled Mohamed Zaidi, de saïf al islam, le fils de Kadhafi, prenant comme exemple le procès d’Hissen Habre qui s’est tenu à Dakar, milite pour la création d’une cour de justice criminelle africaine, permanente ou ad hoc. Maître ceccaldi a été l’avocat de la côte d’ivoire sous Laurent Gbagbo.
L’Intelligent d’Abidjan – pourquoi la cour pénale internationale réclame-t-elle maintenant Saïf Al-Islam Kadhafi?
Me marcel ceccaldi. Il faudrait poser cette question à la cour pénale internationale qui n’a rien fait pendant quatre ans ! elle semble s’apercevoir seulement aujourd’hui de l’existence de saïf Al-Islam qui lui sert de faire valoir en étant l’alibi de l’intervention de la coalition armée en Libye et la victime expiatoire de ses causes et de ses tragiques conséquences pour la Libye d’abord, pour l’Afrique ensuite.
Pourtant Saïf Al-Islam a menacé son peuple de « rivières de sang » ?
M.C. – la déclaration télévisée de Saïf al-islam à laquelle vous faites allusion a été prononcée dans la nuit du 20 au 21 février 2011. Je vous rappelle que les premières manifestations ont éclaté le 13 janvier. En face de ce mouvement de contestation sociale, les premières mesures du gouvernement étaient classiques : suppression des droits de douane et de taxe sur les aliments, prime de 250 dollars par famille, annulation des rencontres sportives…
reprenons la chronologie pour comprendre. Le 15 février, la protestation se mue en conflit armé. Le 16 février, en signe de bonne volonté, le colonel Kadhafi fait libérer 110 islamistes qui rejoignent immédiatement l’insurrection. Le 17 février, un kamikaze fait exploser une voiture piégée dans une caserne de Benghazi où les insurgés s’arment.
La ville tombe aux mains des rebelles le même jour et les partisans du régime sont lynchés, égorgés, démembrés aux cris de « Allah Akbar ».
Dans son discours, Saïf al islam demande la cessation des violences et promet des réformes qu’il avait d’ailleurs déjà planifiées. Le 26 février, il propose un cessez-le-feu et une trêve. Loin d’attiser le conflit, il a toujours recherché une solution négociée.
Pourquoi l’histoire a-t-elle retenu qu’il a menacé son peuple ce jour-là ?
M.C. – qu’a-t-il dit exactement ? Si les violences ne cessent pas, des rivières de sang couleront en Libye. Les faits lui ont donné raison. Je me rappelle que durant la guerre, l’OTAN a volontairement frappé des objectifs et des populations civiles. dès la chute du régime en août 2011, les meurtres, les enlèvements, les détentions arbitraires, les tortures, les déplacements forcés de population, comme celui des 40.000 habitants de race noire de la ville de Tawargha, les traitements inhumains infligés aux immigrés de race noire dénoncés à l’époque par Jean Ping, ont plongé la Libye dans le chaos et 2 millions de libyens, sur une population de 6 millions d’habitants ont été contraints de fuir leur pays.
La Cpi est compétente pour poursuivre ces crimes contre l’humanité dont les responsables sont connus. qu’a-t-elle fait ? Rien.
En réalité, on est ici en présence d’une manipulation orchestrée. Son discours a été prononcé en langue arabe. Les médias occidentaux ont repris sans discernement, dans le cadre d’une vaste opération de propagande organisée et planifiée le bidonnage de cette déclaration par la chaine qatari Al Jazeera. Ce bidonnage est à l’origine des résolutions 1970 et 1973.
J’observe que le schéma mis en place est identique aux mensonges d’état de la guerre du golfe en 1991, avec la fausse infirmière, fille de l’ambassadeur du Koweït à Washington, témoignage imaginé par une société de communication américaine, à ceux du prétendu charnier de Timisoara, aux armes de destruction massive détenues par l’Irak. Les mêmes faits produisant les mêmes effets, le bidonnage du discours du 20 février, repris sans vergogne par les grands médias, a constitué l’argument principal de l’intervention armée.
Outre cette déclaration, quelles accusations pèsent aujourd’hui contre lui ?
M.C. – on aimerait bien le savoir parce que depuis 2012, il n’a jamais été entendu ni interrogé par les enquêteurs de la cpi !
Reportons nous au texte de la résolution 1970 qui est le fondement de la saisine de la cpi. On y apprend que saïf al-islam est le directeur de la fondation Kadhafi, qu’il est le fils de Mouammar Kadhafi, et en association étroite avec le régime. Cela ne le rend ni coupable, ni complice de crimes de guerre ou de crime contre l’humanité. Le seul motif retenu par cette résolution contre saïf al-islam est cette prétendue «déclaration publique prétendument incendiaire incitant à la violence envers les manifestations» du 21 février. Son parcours et ses actes démentent les propos qui lui sont attribués. D’une manière générale, quel crédit peut-on accorder à une enquête dont le mode opératoire est contraire à tous les principes de droit internationalement reconnus : droit d’être entendu équitablement dans un délai raisonnable, d’être informé d’une manière détaillée de la nature et des causes des accusations, d’interroger les témoins à charge, de ne pas s’auto-incriminer … a la vérité, une curieuse justice que celle de la cpi ! Une justice au service des puissants : forte avec les faibles, faible avec les forts. Bref, une justice au service des grands ! Une conclusion en forme de constat : l’histoire du complot contre la Libye et auquel participe la cpi reste à écrire.
J’ajoute qu’il est temps que l’Afrique se ressaisisse. La cpi n’intervient qu’au titre de la complémentarité. Lui abandonner le pouvoir d’enquêter et d’agir comme elle le fait, ce n’est ni plus ni moins que lui transférer l’un des attributs, la justice, de la souveraineté des états.
L’Afrique a montré son aptitude à juger dans l’affaire Hissen Habré. Il est donc impératif que l’union africaine crée une cour de justice criminelle, permanente ou ad hoc, compétente pour connaître des crimes contre la personne humaine commis sur le continent. Elle démontrera son aptitude à prendre en mains l’avenir des générations futures et rappellera ainsi avec force que c’est aux africains et aux africains seulement qu’il revient le droit de juger les africains.
Justement en quoi la cpi peut-elle juger Saïf Al-Islam, dès lors qu’il a déjà été jugé par la justice libyenne?
M.C. – si la cpi demande saïf al-islam à la justice libyenne, de son côté la Libye s’est toujours opposée à son transfert à la cpi. La cpi qui n’est pas à une contradiction près, a décidé que Abdallah Sénoussi pouvait être jugé en Libye, car la Libye avait manifesté l’intention de le juger et qu’elle était apte à le faire.
Ce qui vaut pour l’un vaut nécessairement pour l’autre s’agissant d’une seule et même procédure, procédant des mêmes faits.
En réalité dans cette affaire, la cpi est à la recherche d’une légitimité qu’elle a perdue depuis longtemps.
Il a été jugé par le tribunal de tripoli avant la scission du pays. Puis tripoli le condamne à mort le 28 juillet 2015, mais Tobrouk l’amnistie. Difficile d’y comprendre quelque chose. Lequel des deux gouvernements faut-il retenir ?
M.C. – l’amnistie est une mesure prise par le législateur qui ôte rétrospectivement à certains faits commis lors d’une période déterminée leur caractère délictueux. Traditionnellement, l’amnistie traduit une volonté d’apaisement qui fait suite à des évènements ayant gravement troublé la paix politique ou sociale. La France n’a jamais été avare de ces mesures ! Quelques exemples le prouvent : le 31 juillet 1968, infractions liées aux évènements d’Algérie, 2 mars 1982 corse, 10 janvier 1989, Guadeloupe, Martinique, corse.
Il en est ainsi de la loi d’amnistie votée par le parlement de Tobrouk, seule assemblée à avoir été reconnue par la communauté internationale.
L’acte est clair et sans équivoque : œuvrer pour l’union et la réconciliation nationales sans lesquelles il est illusoire de penser qu’une paix durable pourrait être instaurée en Libye.
Le parlement de Tobrouk aujourd’hui n’a toujours pas reconnu le gouvernement dit d’union nationale, sa décision d’amnistier saïf al-islam reste-t-elle valide?
M.C. – parfaitement. Il faut que le même parlement prenne une autre loi ou qu’un nouveau parlement soit élu et revienne sur cette amnistie. En l’absence de l’élection d’un autre parlement ce texte de loi s’impose au gouvernement. Saïf al-islam a été amnistié. J’ajoute que l’amnistie ne signifie pas pour autant qu’il soit coupable des faits qui lui sont reprochés. Il conteste et a toujours contesté avec fermeté les accusations mensongères portées contre lui, l’histoire en fera litière dans un avenir proche et ses seuls juges seront les libyens eux-mêmes.
Entretien publié par l’intelligent d’Abidjan (Charles Kouassi)