Décédé le mercredi 8 juillet 2020, l’ex chef du gouvernement ivoirien Amadou Gon Coulibaly sera inhumé dans l’intimité familiale dans sa ville natale de Korhogo (nord) le vendredi 17 juillet 2020. Premier ministre, chef du gouvernement en charge du budget et du portefeuille de l’ État , Amadou Gon Coulibaly était aussi le candidat du RHDP, parti au pouvoir pour l’élection présidentielle d’octobre 2020, et président du Directoire de ce parti. Que dit la constitution de novembre 2016 en cas de décès du premier ministre ?
Les dispositions constitutionnelles qui renvoient au premier ministre en Côte d’Ivoire sont :
– Article 70 « Le Président de la République nomme le Premier ministre, Chef du Gouvernement. Il met fin à ses fonctions. Sur proposition du Premier ministre, le Président de la République nomme les autres membres du Gouvernement
et détermine leurs attributions. Il met fin à leurs fonctions dans les mêmes conditions ».
– Article 83 « Le Premier ministre et les ministres sont solidairement responsables devant le Président de la République. La démission du Premier ministre, Chef du Gouvernement, entraîne celle de l’ensemble du Gouvernement ».
[ La Constitution semble être muette sur le cas de décès ]
Pour le journaliste Alafé Wakili, patron du quotidien l’Intelligent d’Abidjan et du journal en ligne, Afrikipresse, il y’a avec ce décès indubitablement un cas de vacance du poste de Premier Ministre, qui est évoquée dans la constitution sous la forme de démission.
« Ce sont les faits vécus qui peuvent révéler des insuffisances des textes, en dehors de la capacité d’anticipation et d’adaptation des hommes.
Il y’a sans doute lieu de songer à des clarifications, et à des précisons à la lumière de cette situation qui arrive pour la première fois en Côte d’Ivoire (décès d’un Premier ministre en fonction), alors que le poste de Premier ministre existe depuis 1990, (30 ans) dans un pays qui existait sous forme de République 30 ans déjà avant la création du poste, un pays qui a soixante ans de vie républicaine »,
a expliqué Alafé Wakili.
[ Des insuffisances de la Constitution à une réflexion profonde pour sa mise à jour ]
Selon Alafé Wakili, il faudrait ajouter « la démission, l’incapacité absolue, l’empêchement absolu du Premier ministre, dûment constaté » , à la seule évocation de la forme de vacance à travers la démission. Il estime également qu’il faut préciser la durée et le délai d’un empêchement momentané qui peut devenir absolu ( trois mois, six mois, un an ) dans le cas d’une longue maladie pouvant entraîner un long intérim.
« Cette situation ainsi que celle de la longue absence et maladie du président Houphouët, doivent peut-être conduire à des précisions sur les délais et durée d’intérim et des absences, ne devant pas dépasser trois mois, six mois, ou un an. Alors que l’on prévoit la vacance par décès, ou empêchement ( et non seulement par démission ) pour le Président de la République, le vice-président et d’autres fonctions, tel n’est pas le cas expressément pour le Premier ministre , sauf dans les dispositions relatives à là succession du Président de la République » , a-t-il noté.
Enfin, le patron du quotidien l’Intelligent d’Abidjan a conclu en ces termes : « Le Premier ministre est décédé mercredi 8 juillet 2020 ! Son décès crée une incapacité absolue, un empêchement absolu valant démission, ou vacance de poste ! Cela entraîne constitutionnellement la démission du gouvernement, qui sera actée peut-être le lundi (lundi 13 juillet 2020 , ndlr) lors d’un conseil des ministres extraordinaire, mais il n’y a pas vacance du pouvoir exécutif puisque le chef de l’exécutif est lui en fonction.
Le Président de la République agit selon son timing en l’absence de prescription de délai à respecter de façon obligatoire, il me semble (…)
Lundi après la démission ou la dissolution du gouvernement, un nouveau Premier ministre sera nommé, et le gouvernement sera formellement constitué dans la foulée ou après l’inhumation du Premier ministre, suite à la gestion des affaires courantes par les ministres durant une brève période».
Sollicité sur la question , un ex membre du gouvernement a dit : « Je pense que dans notre architecture hyperprésidentialiste l’interprétation doit être très fine. Le Premier ministre doit doit toute sa vie institutionnelle au Président de la République, surtout en l’absence d’une majorité de l’opposition. Le Président de la République peut se contenter d’intérimaire à la Primature (mais cela ne peut durer éternellement)
Le débat que vous soulevez est intéressant mais cela couve un énorme pataquès. Je pense que malgré le profil non “autonome” par essence du Premier ministre, une constitution devrait ajouter une disposition pour préciser que la désignation d’un Premier ministre dans les circonstances qui sont celles d’aujourd’hui induit ou n’induit pas ipso facto dissolution du gouvernement. Or la constitution est silencieuse.
Que se passerait-il si le nouveau Premier ministre n’était pas déjà ministre, ou s’il n’était pas déjà dans le dispositif institutionnel ? Il y’a au minimum des clarifications futures à apporter ».
Philippe Kouhon