Alors que le FPI du camp Sangaré s’apprête à organiser la fête de la liberté les 29 et 30 avril 2017 en Côte d’Ivoire et à Paris, place de l’Opéra, Afrikipresse est allé à la rencontre des deux représentations du parti de Laurent Gbagbo en France. Notre questionnaire envoyé à Adé Assalé, la représentante du FPI version Sangaré n’a pas encore reçu de réponse. Nous proposons la réponse de Georges Aka, représentant du FPI, version Pascal Affi N’Guessan.
Afrikipresse : M. Aka. Vous êtes le représentant du FPI proche du président Pascal Affi Nguessan. Alors que celui-ci annonce la célébration de la fête de la liberté en Août 2017, le camp Sangaré lui, l’annonce pour le 29 et 30 avril 2017. D’abord pourquoi une fête de la liberté alors que le président Laurent Gbagbo et plusieurs de ses proches ont encore en prison ?
Georges Aka : Il faut savoir que la fête de la liberté est une institution au FPI. A l’article 2 des statuts du parti, il est écrit que le FPI organise la fête de la liberté tous les ans pour célébrer la restauration du multipartisme en Côte d’ivoire. Cela est une réalité depuis 1990. Elle n’est pas fêtée à l’honneur de la liberté de mouvement des ivoiriens, mais pour la restauration des libertés publiques, individuelles et surtout de la liberté d’expression. Vous faites référence au président Laurent Gbagbo et aux autres prisonniers politiques détenus dans les liens de la détention, eh bien cette fête n’est pas contraire à un hommage à ces prisonniers politiques. Au contraire, elle doit nous donner l’occasion de parler de tous ceux qui sont aujourd’hui en prison pour leur opinion ou leur appartenance à un parti politique. Cette fête est l’occasion pour le FPI de rappeler ces valeurs de liberté. Quand on emprisonne un leader politique reconnu comme Sam L’Africain pour ses opinions politiques, quand on interpelle des journalistes dans le cadre de l’exercice de leur fonction d’informer, au FPI, nous disons que le droit à la liberté d’opinion acquis de haute lutte politique a régressé et cela nous donne l’occasion une fois encore de le rappeler et de l’amplifier.
Aujourd’hui, il s’agit de célébrer cette fête deux fois. Une fois par le FPI version Affi en Août et aujourd’hui et maintenant par le FPI tendance Sangaré. Comment cela s’explique ?
D’entrée de jeu, je m’inscris en faux quand vous présentez deux FPI. Et c’est pour cette raison que lorsque des médias m’invitent ici à Paris pour débattre face à Assalé Adé, je n’y vais. Et merci d’avoir soulevé cette question. Car je ne peux pas cautionner que des journalistes eux-mêmes encouragent la division au sein du FPI. Vous connaissez la loi et la légalité institutionnelle, mais vous préférez exacerber des polémiques, juste pour vendre vos journaux ou susciter plus d’audimat. Il est clair qu’il y a une dissidence au FPI. Des gens qui ne reconnaissent plus la légitimité du président du FPI Pascal Affi N’Guessan, mais cela existe dans toutes les organisations. Le RDR est né de la division du PDCI, le PIT est divisé, même le Cojep existe avec une version Agenor. Donc, de là à dire qu’il y a deux FPI, relève d’une campagne de communication qui a pour but de manipuler l’esprit des militants. Je dis et j’insiste, il y a un et un seul FPI. Il y a aussi des gens qui se sont mis dans un groupe que leurs journaux appellent « Le parti de Gbagbo », mais qui ne s’appelle pas FPI et qui n’a aucune existence légale.
D’ailleurs, pour exister ils se fondent dans des plateformes circonstancielles qui meurent aussitôt qu’elles sont crées. On a vu la CNC, le Front du Refus et maintenant l’EDS. Ce sera quoi la suite, car 2020 est encore dans 3 ans. Sinon, je ne pense pas qu’il y ait un parti politique reconnu juridiquement par les autorités ivoiriennes qui s’appelle « FPI de Sangaré ». Pareil pour le « FPI de Affi Nguessan ». Le seul récépissé reconnu par l’État de Côte d’Ivoire c’est le « Front Populaire Ivoirien » en abrégé, FPI, déclaré un avril 1990. Et cette légalité avec son logo et son symbole sont détenus par le président Pascal Affi Nguessan depuis le Congrès de 2001. Et il n’y a pas encore eu un autre Congrès qui lui retire cette autorité, ni cette légitimité. Si certaines personnes sont allées faire un « Congrès » à Mama, c’est leur problème. Mais cela n’a aucun caractère légitime et légal en dehors du Congrès convoqué par les instances du parti selon nos textes.
En outre, j’estime qu’en tant que militant lorsqu’on a des réserves à émettre contre le parti ou ses dirigeants, il y a des voies légales, le secrétariat général, le comité central, ou les autres organes de la direction du parti par exemple. Il est incongru d’aller exercer ce droit en dehors des instances du parti. En France, quand Benoit Hamon a crée une dissidence au sein du PS, il est resté au sein du PS pour l’exprimer. Comment des camarades qui ont accumulé toutes ces années de lutte politique et d’expériences avec Laurent Gbagbo peuvent-ils agir de la sorte ? Quel enseignement voudraient-ils qu’on tire de leurs actes ? Un monsieur comme Sangaré qui a travaillé aux côtés de Laurent Gbagbo, et qui n’agit pas comme un démocrate. Alors que le démocrate se définit comme celui qui prend parti pour la démocratie, pour ses institutions, ses principes; qui est membre d’un parti se réclamant de la démocratie. C’est donc quelqu’un qui respecte les institutions de la république même si ces institutions sont tordues.
Quand le FPI était au pouvoir avec le président Laurent Gbagbo, malgré le fait que tout n’était pas rose, nos adversaires politiques ont accepté d’entrer au gouvernement avec nous. Ceux qui ont refusé de reconnaître notre légitimité comme Soro Guillaume et qui contestaient les institutions de la république ont pris les armes et ont crée une rébellion. Or avec cette dissidence, que constatons-nous ? Ils profitent des avantages de la République, avec ses institutions le jour, et piétinent cette même République et ses institutions la nuit. Un tel démocrate ne mérite pas mon respect. Un tel comportement enseigne l’indiscipline et l’anarchie aux jeunes. Et c’est regrettable quand cela est alimenté par des doyens dont on vouait respect, admiration et considération. A mon sens, il y a deux attitudes stratégiques dans une lutte politique. Ou bien tu ne reconnais pas et contestes les institutions, et tu te mets en marge afin de mieux les combattre, ou bien alors tu les reconnais et tu fais la politique pour reprendre le pouvoir perdu.
Pour vous cette division a eu un impact sur la mobilisation ici à Paris ?
Je crois qu’il faut rappeler que le FPI a été de toutes les manifestations ici en France nées de la crise postélectorale. D’abord avec Brigitte Kuyo puis Adé Assalé sous la direction intérimaire. Mais la mobilisation s’est elle-même auto détruite à cause des velléités des personnes qui ont cherché à paraître comme des nouveaux leaders. Le principal mouvement de résistance en dehors du FPI et qui était le Cri panafricain s’est cassé en deux. En 2013, nous avons tenté de recoller les morceaux à travers les états généraux de la résistance, mais en vain. Les envies personnelles ont pris le dessus sur l’unité des mouvements de résistance. Donc la faiblesse de la mobilisation à Paris n’est plus une affaire du FPI seul. Aujourd’hui aussi, on constate que toutes ces personnesqui participaient aux manifestations pour exiger plus de justice et la libération des prisonniers politiques, n’étaient pas forcément des militants du FPI.
La preuve, certains ont directement été recrutés à l’UNG, d’autres au COJEP, d’autres encore par le Cri panafricain d’Abel Naki devenu parti politique. Mais les vrais militants du FPI sont restés au FPI. D’ailleurs, l’autre morceau du Cri panafricain dirigé par Willy Bla flirte avec l’Ung de Stéphane Kipré etc. Ainsi Il y’a presque plus de mouvement de résistance, mais plutôt des alliés ou des adversaires politiques sur la place de Paris. Pour moi, dès lors que ces mouvements de résistance se transforment en partis politiques qui ont eux aussi pour vocation première, la prise et la gestion du pouvoir d’État , alors ils deviennent soit des alliés ou des adversaires politiques. Notre collaboration change de nature.
Et donc pour revenir à la question de la célébration de la fête de liberté le 30 avril à paris, je vous informe et vous pouvez le mentionner, le FPI n’a jamais décidé d’organiser la fête de la liberté à Paris. C’est une institution et c’est la direction du parti qui l’organise en Côte d’Ivoire. C’est comme un Congrès et une Convention qui s’organise en Côte d’Ivoire. C’est comme si pendant que la direction du parti organise un Congrès à Abidjan, moi j’organise le même Congrès à Paris. Donc ceux qui projettent d’organiser une quelconque fête de la liberté à Paris, devraient se rendre en Côte d’Ivoire pour le faire avec leur parti qui ne porte pas encore de nom. Le faire ici, est le signe qu’il y a une indiscipline et une incohérence même en leur sein. Maintenant, chacun est libre de manifester ici en France. Mais cela n’engage pas le FPI que moi je représente et qui est celui légalement reconnu par toutes les autorités en Côte d’Ivoire comme en France et présidé par Pascal Affi N’Guessan.
Sincèrement, croyez-vous que le mutisme de Laurent Gbagbo a des conséquences sur la vie de votre parti ?
Effectivement, le silence du président Laurent Gbagbo est l’une des causes de la profondes division du parti qu’il a lui-même crée. Au début de la crise, nous avons sollicité l’arbitrage de Gbagbo. Soit il sommait tous ceux qui utilisent son nom pour combattre d’autres camarades du parti pour le faire , soit il ordonnait qu’on engage une lutte interne mais sans son nom dans le but de créer une nouvelle dynamique au sein du parti, soit il demande que tout le monde se calme jusqu’à sa sortie de prison. Mais son silence sur cette question affecte et continue d’affecter l’unité du parti. Vous pouvez l’écrire, le silence de Gbagbo contribue à affaiblir énormément le FPI. S’il me faisait l’honneur de me recevoir je le lui dirai. Mais jusque-là ma demande de visite qui date de 2015 est restée sans suite.
Quel commentaire faites-vous de la dissidence de l’ex ministre Amani Nguessan proche de Affi ?
Il faut là encore que les choses soient claires. Amani Nguessan n’a jamais dit qu’il claquait une quelconque porte du FPI. J’ai cru savoir qu’il souhaite se mettre à équidistance des deux parties pour mener une médiation en vue de l’unité du parti. Il s’est mis en mission de réconciliation et nous sommes d’accord avec cette démarche. Et si vous avez appris qu’il n’a pas été reçu par Gbagbo, c’est bien la preuve qu’on a des gens qui ne souhaitent pas l’unité du FPI et qui continuent à entretenir ce flou. Sinon nous savons que Gbagbo rencontre des proches, et même des camarades, mais pourquoi ces derniers ne mènent pas cette démarche de médiation et ne portent pas la voix de Gbagbo sur ce sujet ? Amani Nguessan n’est donc pas un dissident. Il nous a bien expliqué sa démarche et nous la comprenons.
Que reste-t-il encore du FPI en France ?
Honnêtement, il nous est difficile de chiffrer le nombre exact des militants du FPI. Beaucoup n’ont pas de carte du parti. Certains viennent aux réunions par affinité ethnique ou régionaliste. Et avec la crise et la division des leaders, les militants ou sympathisants ont rejoint les camps de leurs leaders ou frères de région. Par exemple les Wê proches de Gossio sont restés avec Affi et ceux proches de Hubert Oulaï sont allés avec Sangaré. Ici à Paris, nous sommes en train de réorganiser le parti afin d’identifier clairement nos militants. Il faut aussi rappeler que je fais partie du lot de la réorganisation des représentations du parti en Europe. Avec la crise au FPI, beaucoup de représentants en Europe à l’instar de la France, du royaume uni, de la Suède, de la Suisse et de l’Italie ont basculé dans la dissidence. Voilà comment de nouveaux représentants ont été nommés le 2 avril 2015 dont moi-même pour la France.
En France nous avons un bureau de 17 membres et 7 sections. Nous faisons moins d’opération de masse à cause du contexte et plus de communication et de diplomatie. Ce sont des choix stratégiques pour baliser le terrain. Cela a payé ! De toutes les façons, le poids électoral du militant de base se ressent plus en Côte d’Ivoire qu’en France. Nous devons donc définir nous-même nos priorités pour compter pour le parti. Nous devons donner un sens à notre mission en donnant une place incontournable à la représentation. Et la création de réseau, le lobby, la présence sur les plateaux des medias internationaux et dans la presse écrite, l’appui financier du parti sont de mon point de vue assez importants. Aujourd’hui le FPI a renoué ses contacts avec l’Elysée, Matignon, l’ambassade de Côte d’Ivoire et plusieurs autres chancelleries européennes, les partis politiques français, comme le PS et retrouve peu à peu sa place dans l’international socialiste.
Réalisée par Philippe Kouhon