Après sa sortie du 8 juin 2016, Joseph Martial Ahipeaud était encore face aux journalistes ce week-end end, pour préciser la position officielle de la Coalition nationale pour le changement (Cnc) concernant le référendum à venir.
Le président de l’Union pour le développement et des libertés (Udl) a profité pour évoquer le drame qui s’est produit le vendredi 17 juin 2016, sur le campus de l’Université Félix Houphouët Boigny avec comme victime, l’étudiant handicapé, Roland Allaba mortellement fauché par une voiture de police (Crs).
Après avoir présenté ses «sincères condoléances à la famille du défunt», il a exigé, conformément aux franchises universitaires, «le retrait, le plus rapidement possible», des Forces de l’ordre sur tous les campus du pays.
Concernant le référendum Dr Ahipeaud Martial a précisé que face au développement de la situation relativement au projet présidentiel de changer la constitution, il s’imposait à la Cnc de monter à nouveau au créneau: «Annoncée comme une révision, la procédure actuelle est désormais une refonte totale de l’ancienne pour la création d’une nouvelle constitution. C’est le passage de la 2ème à la 3ème République. Cela implique désormais que la constitution de 2000 ne sera plus la norme. Dès lors qu’une nouvelle constitution est annoncée, la procédure actuelle du Président Ouattara est illégale et illégitime. D’ailleurs, lui-même viole déjà sa propre procédure. Il avait annoncé que les experts travailleront et lui prendrait l’avis de son peuple. À peine ont-ils été commis à la tâche qu’il semble que les députés ont été déjà saisis d’un projet. De quel projet s’agirait-il ? Le Conseil des ministres a-t-il eu sur sa table le projet fini des experts pour pencher dessus dans la forme comme dans le fond ? Le Conseil Constitutionnel discrédité par la violation flagrante de la constitution de 2000 a-t-il été au moins saisi pour avis avant que les députés ne reçoivent une copie ? Quelle fut la synthèse des consultations organisées par le Président Ouattara ? Le peuple de Côte d’Ivoire n’a pas encore eu écho du respect de toutes ces étapes annoncées par le Président Ouattara et le parlement semble avoir été saisi ? En tout état de cause, contrairement à ceux qui proposent l’adoption des amendements faits par les accords de Linas Marcoussis, il est absolument impératif de rappeler aux Ivoiriens que ceux-ci n’étaient valables que pour le président élu après l’élection post-crise. Or, dans le cas d’espèce, nous sommes au deuxième mandat de M. Ouattara et les élections présidentielles du 25 octobre 2015 ont marqué le retour à la normale en dépit de la violation par le Conseil Constitutionnel de la Constitution avec la jurisprudence de la nationalité par dérivé.Par conséquent, les propositions de Linas Marcoussis ne peuvent être brandies parce qu’obsolètes et caduques. Le retour à la norme démocratique implique l’application des lois de la république. D’abord application de la constitution, ensuite applications des franchises universitaires. Et non le contraire. Dès lors que le Président Ouattara accepte qu’il a été élu en 2015, alors qu’il applique la loi». Devant cette situation, l’orateur a appelé à l’union sacrée face à ce qu’il qualifié de «braquage constitutionnel » : «En effet, le projet de Ouattara nous jette dans la 3èmeRépublique alors que lui-même est élu par la Constitution de la 2ème République. S’il devrait mettre en application des dispositions institutionnelles comme la Vice-Présidence ou la nomination du 1/3 des sénateurs ou de toute autre disposition comme la suppression de la Commission indépendante, il devrait se donner ce pouvoir par une disposition transitoire. Cela s’appelle en Nouchi (Le largot ivoirien ; Ndlr) “mâgâ tapé”, c’est-à-dire,frapper son adversaire sans qu’il n’ait eu le temps de voir le coup venir. Il a parlé de “Tako Kélé” pour la présidentielle mais c’est maintenant que le vrai plan commun du « Ko kélé» est sorti du placard. En terme juridique, cela s’apparenterait à un braquage constitutionnel, c’est-à-dire, une instrumentalisation de la constitution pour obtenir en réalité ce qu’il veut : nommer un vice-président qui ferait le travail à sa place et le positionner pour demain en attachant les mains, les pieds et les corps de tous les autres candidats à la prochaine présidentielle dans leurs dos. Cela serait incompréhensible pour celui qui a combattu la succession monarchique depuis son fameux débat télévisé d’octobre 1991 lorsqu’il déclara qu’il penserait devenir candidat à la présidence pour 1995 bien qu’il sache que Houphouët-Boigny n’était pas mort et que Konan Bédié était son successeur constitutionnel. Le peuple de Côte d’Ivoire qui n’a pas la mémoire courte sait quel drame il a vécu depuis cette date : 25 ans de guerre de succession dont nous ne sommes pas encore sortis. La Cnc avait rué dans les brancards en dénonçant en avance une instrumentalisation des rencontres que le Président Ouattara voulait organiser. Visiblement, notre appel à la vigilance a été entendu et le peuple dans toutes ses composantes, a clairement dit au Président Ouattara : Sauf respect, M. le Président, votre projet est inopportun, illégal, illégitime et potentiellement dangereux. La Côte d’Ivoire gère depuis 1977 les conséquences de la décision du Président Houphouët-Boigny de faire de Bédié son successeur. La Côte d’Ivoire ne peut pas se payer le luxe d’une deuxième guerre permanente de succession qui va la clouer au sol jusqu’à 2060. Cela n’est pas juste. Cela est tout simplement inacceptable ».
Toutefois le Président de la Cnc n’appelle pas au boycott du scrutin. Il fait la cette proposition suivante : «Visiblement, le Président Ouattara n’entend pas faire amende honorable et tirer déjà les leçons de ses entretiens avec le peuple. Houphouët-Boigny lui-même, pour son disciple qu’il est, avait reconnu devant le peuple qu’il avait commis une erreur en 1972. Il n’y a pas de honte à reconnaitre que l’on s’est trompé. L’humilité est la marque de la grandeur de l’âme. Devant la perspective d’une surdité du Président Ouattara qui est vécue comme un drame par toutes les composantes de la population, la Cnc l’invite à entendre son peuple. La Cnc invite le Président Ouattara à retirer son projet et lui suggère de mobiliser le peuple ivoirien contre la famine actuelle qui nous humilie plus que tout. Le Président Ouattara devrait inviter la classe politique à discuter sur les questions des réformes pour les législatives. Le Président Ouattara doit instruire son ministre de l’enseignement supérieur à appliquer les franchises universitaires et à faire partir des campus les policiers, ouvrir les cités universitaires et faire en sorte que l’école ivoirienne revienne à la normale. La mort du jeune Allaba Roland Bonaventure est inacceptable et impose au pouvoir de négocier avec les étudiants pour un retour au calme. Oui M. le Président, Le peuple Ivoirien est fatigué et te dit Non!La Cnc appelle, pour concrétiser son non dans les urnes si le Président Ouattara s’entête à aller jusqu’au bout de son projet, à une Union Sacrée, jeunes et vieux, politiques comme syndicalistes, leaders religieux et société civile. Il faut structurer le Non pour que le Roi entende notre voix. Voilà le sens de cette Union Sacrée à laquelle nous appelons pour non seulement sauver le Soldat Ouattara, mais aussi et surtout, sauver la forme républicaine et démocratique de l’État. Cette union sacrée qui doit dépasser les cadres ethniques et politiques, c’est maintenant. Sinon, demain, il sera trop tard ».
Claude Dassé