La menace que fait peser l’islamisme radical sur l’Afrique est double : d’un côté, la conquête des territoires afin d’instaurer un califat, de l’autre, les attentats terroristes, comme celui qui s’est produit, en Côte d’Ivoire, à Grand-Bassam, le dimanche 13 mars 2016, afin de créer la peur et provoquer le chaos.
De la conquête des territoires au recul de DAECH
L’État islamique, ou DAECH, est une organisation armée terroriste islamiste, d’idéologie salafiste djihadiste, qui a proclamé le 29 juin 2014 l’instauration d’un califat sur les territoires qu’il contrôle. L’État islamique, dont la stratégie de développement a été théorisée depuis le début des années 2000, est considéré, depuis 2015, comme un proto-État, dont l’essor est lié à la conquête de territoires rendue possible par la déstabilisation géopolitique de l’Irak, la Libye et la Syrie. De nombreux groupes djihadistes ont fait allégeance à l’État islamique : Boko Haram dans le Nord-Est du Nigeria, Ansar Bait al-Maqdis dans le Sinaï égyptien et le Majilis Choura Chabab al-Islam en Libye. Après avoir conquis de nombreux territoires, les signes du recul de DAECH sont évidents, notamment en Irak et en Syrie, avec l’intensification des frappes aériennes par une coalition internationale, la multiplication des désertions et la diminution des ressources financières.
L’échec de l’État islamique en Tunisie
La dernière opération menée par DAECH en Tunisie ne doit pas être considérée comme un simple attentat. L’attaque contre la localité de Ben Guerdane, programmée depuis des mois, avait pour but d’instaurer un émirat dans cette partie de la Tunisie. DAECH, malgré des complicités locales, a échoué, en particulier, – et c’est une bonne nouvelle -, grâce à la résistance de la population de Ben Guerdane. Cet échec en Tunisie vient confirmer les difficultés que rencontre actuellement l’État islamique dans sa conquête de nouveaux territoires. L’objectif de faire de la Tunisie un bastion islamiste, un objectif majeur pour DAECH, semble s’éloigner définitivement.
Une menace terroriste plus forte
Dans l’incapacité de conquérir de nouveaux territoires et d’étendre son influence, l’État islamique va alors vouloir, dans une stratégie de contournement, multiplier les attentats comme ceux de Sousse, en Tunisie, le 26 juin 2015, Paris, le 13 novembre 2015, Bamako, au Mali, le 20 novembre 2015, Ouagadougou, au Burkina Faso, le 18 janvier 2016 et Grand-Bassam en Côte d’Ivoire, le 13 mars 2016. On assiste ainsi à une dilution de la menace terroriste, qui reste permanente au Nord du Mali, où l’on ne compte plus les attentats et les embuscades dans les territoires libérés. Cette menace s’étend désormais à toute l’Afrique. L’une des raisons de cette dilution de la menace terroriste est que le marché du terrorisme est devenu concurrentiel. L’attaque de Grand Bassam a été revendiquée par Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), qui ne s’entend guère avec DAECH et qui veut apparaître comme le meilleur représentant de l’islam politique.
La Côte d’Ivoire peut-elle être fragilisée par l’attentat de Grand-Bassam ?
Après 10 années d’une grave crise politico-militaire, la Côte d’Ivoire a retrouvé un certain équilibre depuis le 11 avril 2011. Mais, les risques d’instabilité sont encore nombreux. J’en vois au moins quatre : une réconciliation nationale qui est loin d’être achevée, la persistance de quelques poches de pauvreté, une corruption qui retarde la marche vers l’émergence et le débat que certains veulent déjà ouvrir sur 2020 en attisant les vieilles haines. En revanche, il existe au moins quatre raisons pour lesquelles la Côte d’Ivoire ne peut pas être durablement fragilisée par la menace terroriste : la vigilance accrue de l’État et de la société face aux risques d’attentats, une croissance forte de plus de 8 % qui fait de l’économie ivoirienne l’une des plus dynamiques du continent, et même du monde , un pays qui exporte plus qu’il n’importe de produits avec des excédent commerciaux et un endettement relativement acceptable , le dynamisme de sa population avec plus de 70 % des Ivoiriens qui ont moins de 35 ans. Les investisseurs n’ont pas l’intention de quitter un pays de 25 millions d’habitants en plein développement.
Des secteurs prioritaires
Si, à l’évidence, la Côte d’Ivoire est en train de se doter d’infrastructures de niveau international, si les enseignes du monde entier viennent s’installer à Abidjan, il reste des secteurs qu’il convient de développer, et des actions prioritaires à mener : la lutte contre la pauvreté, l’accès à l’emploi, aux soins, à l’éducation. Les performances du système éducatif ivoirien sont encore insuffisantes.
Chacun sait que la lutte contre le terrorisme ne peut pas être uniquement sécuritaire. Elle est aussi économique, sociale et culturelle.
Christian Gambotti
Directeur général de l’Institut Choiseul
Directeur de la rédaction du magazine AfrikiPresse