L’une des retombées de la récente campagne en Afrique du Sud pour la suppression des droits d’inscription dans les universités #FeesMustFall# a été la campagne de #EndOutsourcing# (abolir l’externalisation), fondée sur l’idée selon laquelle l’externalisation condamne les travailleurs à des «salaires d’esclaves» et s’apparente à une « traite des êtres humains ». La contradiction inhérente aux deux campagnes semble avoir été perdue de vue par la plupart des étudiants. En effet, les universités ne font appel à des prestataires de service pour couvrir certains emplois que dans un souci d’économie qui impactera à la baisse les frais de scolarité.
Prenons des exemples de la vie quotidienne. Lorsque vous avez besoin de consommer du pain vous savez pertinemment que vous ne pourrez ni faire pousser votre propre blé, ni le moudre vous-même pour faire du pain. De même, bien que vous essayez de temps en temps de les aider pour faire leurs devoirs, vous n’enseignez pas à vos propres enfants, mais vous externalisez cette mission aux écoles et aux universités. Dans le même ordre d’idées, lorsque votre voiture tombe en panne, la plupart du temps vous ne la réparez pas vous-même ; vous ne pompez pas non plus vous-même votre propre eau, vous ne générez pas votre propre électricité et vous n’avez certainement pas non plus construit votre propre maison.
Ainsi, vous externalisez tous ces emplois, non pas parce que vous ne pouvez pas faire l’une de ces activités vous-même, mais parce que vous avez intérêt à vous spécialiser dans les choses dans lesquelles vous excellez le mieux, gagner le maximum de revenus et acheter les biens et services dont vous avez besoin aux autres, chacun étant spécialisé dans son domaine d’expertise respectif. Cela permet non seulement de gagner du temps mais aussi de l’argent. Si vous vouliez faire toutes ces choses et encore plus, vous ne seriez pas allé loin dans la vie. La division et la spécialisation du travail font partie intégrante d’un système d’échange, sans lequel nous serions relégués à une vie de subsistance misérable et, pour paraphraser Thomas Hobbes, la vie serait «désagréable, brutale et courte».
Au-delà, les lois du travail en Afrique du Sud sont si restrictives que la prestation de service (le courtage du travail) est apparue comme une solution permettant d’alléger les charges qui pèsent sur une entreprise en tant qu’employeur. Le prestataire, fournisseur d’un service d’emploi temporaire, est défini à l’article 198 de la loi sur les relations de travail comme une personne qui, moyennant rémunération, amène une autre personne à travailler pour le compte de son entreprise-client en échange de salaire. L’article 198 prévoit également que le fournisseur de service d’emploi temporaire est considéré comme l’employeur du travailleur en question. Ainsi, le prestataire, pas l’entreprise-client, est l’employeur direct du travailleur.
Ce système permet aux clients (entreprises d’accueil) d’externaliser tous leurs besoins de main-d’œuvre (y compris les problèmes de droit du travail) au prestataire. Cette pratique s’est développée en réaction aux complexités posées par la législation du travail en vigueur en Afrique du Sud. Les lois destinées à protéger les travailleurs sont d’une telle lourdeur que les employeurs préfèrent payer les honoraires d’un prestataire que d’affronter directement les problèmes liés à leur personnel. La prestation de service est devenue de plus en plus monnaie courante dans la société sud-africaine. Désormais, le secteur du travail temporaire gère environ 1 million de travailleurs Sud-Africains. C’est d’ailleurs le premier vecteur d’emploi pour la jeunesse noire à la recherche d’un premier emploi.
Ces entreprises prestataires sont donc salvatrices pour une grande tranche de la population au chômage. Cela n’aurait donc aucun sens de les interdire. Si, comme les syndicats et les étudiants le demandent, chaque employeur est forcé d’avoir une main-d’œuvre permanente et fixe, dont les employés ne peuvent être licenciés qu’avec difficulté, non seulement les employeurs réfléchiront à deux fois avant d’embaucher du personnel, mais cela conduira à renchérir les prix de leurs produits et services sur le marché. D’évidence, la conséquence inévitable de cela sera une augmentation du chômage et des biens et services plus chers.
Si le gouvernement sud-africain souhaite résoudre le problème du chômage, il doit permettre aux citoyens d’être des adultes et d’avoir la liberté de négocier leurs propres conditions d’emploi. Légiférer ou décréter en matière d’emploi ne peut pas résoudre le problème du chômage. Interdire le « courtage du travail » et l’externalisation du travail ne fera qu’empirer le problème du chômage déjà trop élevé et en hausse en Afrique du Sud.
Jasson Urbach, analyste pour The Free Market Foundation.
Article publié en collaboration avec Libre Afriquewww.libreafrique.org