Rien ne va au sein de la Fédération ivoirienne de jeux d’échec (Fidec), surtout entre Brou Justin, l’ex-2ème vice-président de la fédération, chargé des affaires juridiques démissionnaire, et Essis Essoh Jean Mathieu Claude, le président élu de la Fidec dont l’élection est aujourd’hui mise à mal. Le premier est magistrat, précisément président du Tribunal de Daloa et le second est fonctionnaire international. Il est notamment Chef de Bureau Adjoint et Coordonnateur des Affaires Civiles de Kananga, région du grand Kasaï Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO).
La pomme de discorde : l’élection à la tête de la Fidec de Essis Essoh Jean Mathieu Claude que conteste vivement ci-dessous son ancien vice-président, Brou Justin soupçonné de rouler pour ( ou plutôt avec l’appui de la tutelle ), le ministère des Sports et Loisirs : « Mon adversaire, au mépris d’une directive du ministère, organise en toute illégalité une AG et inonde la presse. La décision date du 26 octobre 2017 et son AG a eu lieu le lendemain 28 ».
La réponse du président de la Fidec ne se fait pas attendre : « J’ai reçu une lettre signée du Directeur de Cabinet du Ministre des Sports et Loisirs , Monsieur Moumouni Sylla, qui est également un magistrat et un ami personnel de Monsieur Brou Justin, par délégation n’a pas pu émettre une directive dans ce cas, parce qu’il sait qu’il n’en a pas le droit (la compétence). C’est pourquoi il écrit, dans la lettre qu’il m’adresse le 26 octobre : ‘’je vous prie de bien vouloir reporter’’ …»
Brou Justin indique qu’il a soulevé l’inéligibilité de son adversaire parce que la résidence habituelle de ce dernier se situe en République Démocratique du Congo. Or argumente-t-il, « l’article 10 alinéa 3 du règlement intérieur dispose que le candidat doit avoir sa résidence habituelle en côte d’ivoire. Il est au service de la MONUSCO depuis 4 ans ».
Concernant ce volet, Essis Essoh Jean Mathieu Claude a évoqué la complexité du sujet avant de développer des arguments pour prouver le contraire: « La question de la ‘’résidence habituelle’’ est assez complexe en droit. Pour simplifier la compréhension de cette question, on peut distinguer entre l’habitation, la résidence et le domicile d’une personne physique données, auxquelles certains textes ajoutent le qualificatif ‘’habituel’’. Les articles pertinents des statuts et du règlement intérieur de la FIDEC parlent de ‘’résidence habituelle en Côte d’Ivoire’’. L’argumentation que j’ai présentée à la réunion de validation des candidatures tenue au Ministère des Sports est que je suis un fonctionnaire international et que je travaille effectivement depuis quatre ans pour la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en République Démocratique du Congo. Dans cette position, je me donne une habitation ou une résidence dans chacun des postes et donc dans chacune des villes où cette mission m’envoie servir. Ainsi, j’ai dû me donner une habitation ou une résidence dans les villes de Beni (de décembre 2013 à février 2014), Goma (de février 2014 à novembre 2015), Mbandaka (de décembre 2015 à décembre 2016) et Kananga (depuis janvier 2017). Ces habitations ou résidences ne peuvent en aucun cas être considérées comme ma résidence habituelle. En effet, pendant ces 4 années, j’ai toujours maintenu une résidence à Abidjan, d’abord à Cocody Aghien puis maintenant à Yopougon GESCO. C’est dans cette résidence que vit ma famille, et c’est là que je reviens chaque fois que je suis en congé de ma mission. C’est donc cette résidence d’Abidjan que j’affirme être ma résidence habituelle, car c’est là que je réside lorsque je ne suis pas en mission de travail. En soutien à cette interprétation de la question de la résidence dans mon cas, j’ai présenté une copie d’un document que me délivre mon employeur et que je dois présenter aux autorités de police et d’immigration de la République Démocratique du Congo chaque fois que je dois entrer dans ce pays au retour de mes vacances. Ce document précise bien que je ne suis pas éligible à résider de manière permanente en RDC».
Le magistrat qui ne démord pas ajoute qu’en plus, son adversaire a déposé un certificat de résidence signé par le 22e Arrondissement de Police le 11 octobre 2017, alors que selon la direction de la police des airs et des frontières «il a quitté Abidjan le 29 août et est revenu le 22 octobre 2017. Donc il n’a pas pu demander lui-même ce document». Pour le fonctionnaire onusien, la validité de son certificat de résidence en date du 11 octobre 2017, est réglée par la question de savoir si oui ou non, il a une résidence à Abidjan. «Je crois que l’acte ne fait que constater que j’ai effectivement une résidence à Abidjan. Je ne sais pas si le certificat de résidence doit être demandé par le requérant en personne, mais je ne crois pas qu’il s’agisse là d’un point important»
En outre, sur ce document en question, indique Brou Justin, son adversaire se présente comme professeur à l’université sans précision. Or, poursuit-il « professeur d’université nécessite une agrégation. Il n’est que Ph.D. L’acte est donc un faux». Une argumentation que le fonctionnaire international balaie du revers de la main : « Je crois qu’il s’agit là encore d’un point mineur car je suis bien professeur dans plusieurs universités, comme l’atteste mon curriculum vitae dont je vous fais parvenir copie».
Brou Justin ajoute également que Essis Essoh savait que sa candidature allait être invalidée c’est pourquoi dit-il « il s’est précipité pour organiser cette AG fictive ». Comme une réponse du berger à la bergère, Essis Essoh apporte la réplique : «L’AGE de la FIDEC s’est bien tenue à l’INJS le 28 octobre 2017, en présence des représentants de 13 clubs faisant partie de l’Assemblée générale, sur un total de 17 clubs ayant la qualité de membre actifs de la fédération. Elle ne peut donc en aucun cas être qualifiée de fictive, quelle que soit la réponse qui sera donnée à la question de savoir si elle s’est tenue légalement ou illégalement. Elle a été organisée à cette date parce que c’est la date qu’a choisie le comité directeur de cette fédération pour la tenir, en marge de l’évènement majeur que constitue le Tournoi International par Equipe de Cote d’Ivoire 2017, dont l’organisation était motivée précisément par le souci de marquer la fin de 4 années d’activités de la FIDEC par une sorte d’apothéose. Elle s’est tenue à cette date parce que le comité directeur de la FIDEC et les présidents de clubs qui y ont participé ont considéré que la demande adressée par M. Brou au Ministre des Sports ne reposait pas sur des éléments de fait ou de droit sérieux, que M. Brou n’avait pas qualité pour en demander le report, et que la demande du Ministère tendant à obtenir le report de l’Assemblée Générale Elective au mois de Décembre 2017 n’était pas fondée en droit. En votant à l’unanimité, par 15 votes sur 15 pour donner leur quitus à ma gestion des quatre années précédentes, puis en m’accordant tous leurs suffrages (le résultat du vote de l’AGE est de 15 voix pour moi contre 0 voix pour le candidat Brou Justin), ces présidents de clubs membres actifs de la FIDEC ont envoyé une réponse forte et claire au Ministre des Sports en ce qui concerne la qualité de ma gestion de la FIDEC et le bien fondé de ma décision de faire tenir notre AGE à la date initialement convenue du 28 octobre 2017 ». Il ajoute que Brou Justin a créé des clubs fictifs au nombre de 8 : « Nous avons émis des réserves sur la régularité de ces clubs quand il a écarté plus de 8 clubs qui sont acquis à ma cause. (…) En ma qualité de Président de la FIDEC, je n’ai compétence ni de créer des clubs, ni d’en autoriser ou d’empêcher la création. La composition du collège électoral pour l’AGE du 28 octobre 2017, a été arrêtée par l’organe interne à la FIDEC qui est habilité à le faire, et qui a considéré qu’à la date de sa décision, il y avait 25 clubs affiliés à la FIDEC, dont 17 avaient la qualité de membre actif, ayant payé les frais de licence pour 6 joueurs ou plus. C’est le lieu de souligner que M. Brou avait lui-même demande aux clubs qui le supportent, plusieurs semaines auparavant, de ne pas payer les licences de leurs joueurs, et de ne faire aucune préparation pour participer à cette AGE parce qu’il était certain d’en obtenir le report en usant de ses connaissances et relations ‘’au plus haut niveau du Ministère des Sports’’».
Essis Essoh Jean Mathieu Claude a par ailleurs, regretté la présence de Brou Justin aux 5e rencontres internationales des échecs francophones à Yasmine Hammamet, en Tunisie : « Bien qu’il n’ait jamais accepté de le reconnaitre publiquement et de l’assumer, le choix de se rendre en Tunisie pour participer aux 5eme Rencontres Internationales des Echecs Francophones qui se tenaient du 27 octobre au 5 novembre 2017 est la seule et véritable raison pour laquelle M. Brou a tout fait pour tenter d’imposer le report de l’AGE du 28 octobre 2017. Je me limiterai ici à faire remarquer que la participation de M. Brou et de 3 autres personnes à cet évènement s’est faite en dépit de la décision que j’ai dument notifiée aux organisateurs que la Cote d’Ivoire ne serait pas représentée à cette compétition en guise de protestation contre la manière irrégulière dont le droit d’organisation en a été retiré à la Cote d’Ivoire et attribué a la Tunisie ».
Selon Brou Justin, c’est le ministère de tutelle qui valide les candidatures : « Après la validation, il y’a une semaine de campagne. La validation suppose la vérification des dossiers de contestations et les arbitrages. Nous en étions là quand le président sortant a fait valider les candidatures par un organe interne. Et est allé seul aux élections non homologuées par le ministère au mépris de l’interdiction formelle du ministère. Candidat unique, il chante partout dans la presse qu’il demeure président».
Pour Essis Essoh Jean Mathieu Claude la seule structure habilité « à organiser l’AGE de la FIDEC est le comité directeur, qui l’a fait le 28 octobre 2017 ». Le rôle du ministère des Sports dans ce processus est, précise-t-il, « fondé sur l’article 14 du règlement intérieur de la FIDEC qui dispose que : « Le secrétaire général vérifie les dossiers de candidature et invite les candidats à compléter leur dossier dans le délai prescrit. Puis il transmet les dossiers complets au ministère de tutelle qui dresse la liste définitive des candidats. À cet effet, une réunion de validation des candidatures est organisée et présidée par le Ministère des Sports, les candidats ou leurs représentants dûment convoqués. La liste définitive des candidats est publiée trois jours avant l’ouverture de la campagne électorale ».
Ce texte renchérit-il « ne dit pas que l’AGE doit être reportée lorsque le ministère se trouve dans l’impossibilité de procéder à la validation des candidatures, comme nous le demande la lettre du Directeur de Cabinet du Ministre en date du 26 octobre. En clair, ce texte ne donne pas la possibilité au Ministère de reporter ou d’empêcher la tenue de l’AGE, pas plus qu’il ne donne la possibilité au Ministre de sanctionner le comité directeur lorsque celui-ci rejette sa demande de report de l’AGE. En fait, le dernier alinéa de cet article fait obligation au ministère de faire diligence dans le processus de validation des candidatures, de manière à assurer que la liste définitive des candidats est publiée trois jours avant l’ouverture de la campagne électorale. En fait, l’article Article 27 des statuts de la FIDEC dispose que : « Tout report d’une assemblée générale ordinaire doit être décidé par le comité directeur. Ce report pour être valable doit être entériné par le ministère des sports. En cas de non-respect des dates statutaires ou de la date de report entérinée par la tutelle, le Ministère des sports prendra une décision suspendant le comité directeur et un comité ad hoc se chargera de convoquer une assemblée générale. Dans ce cas précis, une demande de report de l’AGE avait été déjà formulée par une lettre en date du 16 octobre signée par le Directeur de Cabinet, par délégation, du Ministre. En réponse à cette lettre qui avait été rédigée suite à la plainte de M. Brou et sans que le Directeur de Cabinet ne prenne la peine d’entendre le président du comité directeur de la FIDEC sur la plainte en question, et qui fondait sa demande de report de l’AGE sur l’article 40 des statuts de la FIDEC, j’ai, par lettre du 18 octobre 2017, expliqué au Ministre que M. Brou n’avait pas la qualité requise pour demander le report de l’AGE. Que le Ministre n’était pas compètent pour demander le report de l’AGE, et enfin que le report de l’AGE jusqu’au mois de décembre 2017, tel qu’il me le demandait, constituerait une violation des textes fondateurs de la FIDEC. C’est le lieu de souligner que cette ingérence du Ministère rendait désormais impossible le respect du calendrier statutaire concernant la publication de la liste définitive des candidats et la campagne électorale. Par la suite, n’ayant pas reçu de réponse formelle à cette lettre, en dépit des promesses verbales qui m’en avaient été faites par divers agents du Ministère, j’ai pris des dispositions, en rapport avec lesdits agents, pour la tenue de la réunion de validation des candidatures dans les locaux mêmes du Ministère. C’est après avoir constaté, au cours de cette réunion, que le ministère essayait encore de nous imposer le report de l’AGE, que j’ai conclu que nous étions victimes d’un trafic d’influence. En effet, il m’est apparu alors clairement que la position du Ministère n’était pas justifiée par le souci de permettre le bon déroulement de l’AGE mais plutôt celui de faire plaisir à M. Brou, qui s’en était déjà vanté dans les milieux de la FIDEC. C’est pourquoi j’ai convoqué une réunion d’urgence du comité directeur de la FIDEC qui a décidé de saisir la Commission chargée de la Règlementation, de la Discipline et du Contentieux de la FIDEC afin de finaliser le travail de validation de l’AGE et d’en permettre la tenue effective à la date du 28 octobre ».
Claude Dassé