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    Cache d’armes découverte à Bouaké : le secret défense expliqué par Franklin Nyamsi (Côte d’Ivoire)

    Cache d’armes découverte à Bouaké : le secret défense expliqué par Franklin Nyamsi (Côte d’Ivoire)
    Publié le
    Par
    Charles Kouassi
    Lecture 10 minutes
    Salon des banques de l'UEMOA et des PME

     
         L’idéal de l’ordre politique républicain se situe dans la primauté de la patrie sur le parti, et mieux encore, de l’humanité sur la patrie. Sans cette hiérarchie de valeurs, la politique se dévalue en politique politicienne. Lorsque certaines questions d’intérêt collectif se posent, le sens de la responsabilité doit enjoindre à tous les citoyens de bonne volonté les exigences de mesure, de prudence, de profondeur et de pondération dans les options affichées. Nous venons d’en vivre un exemple éclairant. En homme d’Etat trempé dans l’art de diriger la cité, le Président de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire, Guillaume Soro, interrogé sur l’ouverture d’une enquête gouvernementale sur la supposée découverte de cache d’armes au domicile d’un de ses collaborateurs à Bouaké, a eu exactement les mots qu’il faut. Citons in extenso Guillaume Soro avant de les analyser, afin de contribuer, autant que faire se peut, à la prise de conscience ivoirienne de l’importance du Secret Défense pour la Paix et  la Sécurité nationales:

         « Vous savez, J’ai été ministre de la Défense. D’abord, je voudrais souligner que de telles questions relèvent du secret défense. Vous comprendrez donc que je m’interdise tout commentaire. Nous devrions tous observer de la prudence sur de telles questions.

              En revanche, en ce qui concerne l’enquête qui va être diligentée, j’y suis entièrement favorable et je la soutiens. J’ai vigoureusement recommandé à mon collaborateur de se mettre à la disposition des enquêteurs et je lui ai demandé de dire sur l’honneur et sur sa conscience ce qu’il sait pour contribuer à aider les enquêteurs à conduire ce dossier.

              Je peux vous assurer qu’il est clair dans ma tête que chacun, et tous ceux qui sont concernés y compris moi, devra assumer. Donc, pour l’heure je recommande aux uns et aux autres de garder la sérénité pour que les enquêtes puissent se dérouler dans la sérénité.

              Je salue le retour à la Paix en Côte d’Ivoire. Je pense que c’est important que le pays retrouve la sérénité et le calme. J’ai déploré ce qui s’est passé avec ces journées folles que nous avons vécues en Côte d’Ivoire. »

         Devant l’inflation de rumeurs, de déclarations et d’interprétations que cette nouvelle affaire déclenche dans la presse, parmi les citoyens, les élites politiques dans l’opinion internationale, il importe sans doute de faire face, à titre de propédeutique, aux questions suivantes: 1) Que signifie le secret défense, évoquée par Guillaume Soro, en guise d’introduction à sa déclaration de soutien à l’enquête gouvernementale? Comment les citoyens, la presse et la classe politique doivent-ils se situer face au Secret Défense ivoirien?  Je consacre la suite de la présente réflexion à ces deux questions.

         I    Du Secret Défense: un dispositif-clé de la sécurité des Etats

         En évoquant le Secret Défense, Guillaume Soro, ancien ministre de la Défense du Président Ouattara, ancien Premier Ministre des Présidents Ouattara et Gbagbo, et ancien Ministre d’Etat des Gouvernements de réconciliation nationale sous  le Président Laurent Gbagbo, parle à juste titre pour deux raisons: l’importance stratégique du secret défense et la nécessaire pédagogie citoyenne qui doit en faire prendre conscience. Analysons à présent ces deux raisons.

         Un tour d’horizon de la notion…

         Premièrement, Soro fait oeuvre de responsabilité républicaine et en appelle à l’esprit de responsabilité de toute la classe politique ivoirienne. Car qu’est-ce que le Secret Défense? Notion aussi ancienne que la naissance des premiers Etats du monde, le terme de Secret défense définit aujourd’hui « un niveau d’habilitation d’accès à un document gouvernemental ou militaire restreint par une loi ou un règlement à un groupe spécifique de personnes pour des raisons de Sécurité nationale (ou supranationale éventuellement). » (Encyclopédie Wikipédia)

         En France par exemple, République dont on sait qu’elle a principalement inspiré les institutions ivoiriennes, la notion de Secret Défense a une définition très large:

         « Présentent un caractère de secret de la Défense nationale… les renseignements, procédés, objets, documents, données informatiques ou fichiers intéressant la Défense nationale qui ont fait l’objet de mesures de protection destinées à restreindre leur diffusion » et peu précise puisque « peuvent faire l’objet de telles mesures les renseignements, procédés, objets, documents, données informatiques de fichiers dont la divulgation est de nature à nuire à la Défense nationale ou pourrait conduire à la découverte d’un secret de la Défense nationale », assez proche selon le Conseil d’État, en termes de définition et de statut du « secret diplomatique» qui classe le secret diplomatique parmi les secrets « voisins » du secret-Défense, mais en jugeant sa définition (« tous les renseignements qui ont trait à la politique étrangère de la France ») encore plus vague. Il est assez proche aussi du « secret des services d’information de la police. Des décrets plus précis définissent par exemple les lieux concernés par le secret Défense (Encyclopédie Wikipédia)

         Par déduction, on peut aisément imaginer que bien que la littérature ivoirienne sur le secret défense soit moins développée, cette notion a pratiquement la même signification en Côte d’Ivoire qu’en France, quand Guillaume Soro l’évoque. Les Ivoiriens sont assez mûrs en 2017 pour savoir que leur système sécuritaire a des aspects officiels et publics et des aspects stratégiques soustraits par souci d’efficacité au public et aux citoyens ordinaires, voire même à une bonne partie de leur élite politique. Et ainsi on comprend que Guillaume Soro a voulu inciter les uns et les autres à prendre de la hauteur et de la profondeur.

         Un acte de large pédagogie citoyenne…

         D’où, deuxième raison de l’évocation de cette notion par le Chef du Parlement Ivoirien: l’éducation des citoyens ivoiriens, et plus spécifiquement de la presse ivoirienne au sens des responsabilités.  Guillaume Soro appelle tous ses compatriotes à prendre conscience qu’on ne peut pas publier tout ce qui se fait au quotidien pour la Paix et la Sécurité du Territoire de Côte d’Ivoire et de ses habitants. Vous n’entendrez, ni ne lirez jamais sur RFI, France 2, TF1, ou BFM TV,  des révélations sur les caches d’armes stratégiques de la France. Vous n’entendrez jamais FOX News ou CNN délibérément évoquer les caches d’armes stratégiques de la puissance américaine. Vous ne verrez jamais le Quotidien Gouvernemental Russe pérorer sur les soubassements du système de défense de la Fédération Russe. De même, il appartient donc autant aux Officiels, aux journalistes, aux intellectuels politiques et à tous les citoyens de Côte d’Ivoire de raison garder quand sont évoquées les questions qui relèvent du Secret Défense de la Côte d’Ivoire. Comment justifier cet Appel à la retenue? Abordons à présent cette ultime question.

         II  Analyse des attitudes possibles devant le Secret Défense et de leurs conséquences prévisibles

         IL me semble qu’il y a deux attitudes également condamnables face au Secret Défense: d’une part, la propension à la divulgation généralisée et anarchique des informations stratégiques. D’autre part l’attitude radicalement inverse, qui vise à la confiscation et à l’occultation totales des informations liées au Secret Défense par une élite elle-même incontrôlable. Nous devons examiner les conséquences néfastes de ces deux attitudes afin de définir une troisième voie, celle que le Chef du Parlement Ivoirien propose justement à la classe politique, aux journalistes et citoyens ivoiriens d’adopter face au Secret Défense.

         La première option, sans doute accélérée par les possibilités de piratage de l’information à l’ère cybernétique correspondrait justement à l’ouverture de la boîte de Pandore de l’insécurité généralisée. Car il est évident que si tout le monde peut accéder à l’ensemble des informations sécuritaires d’un pays, ce dernier n’est plus en sécurité. Veut-on occasionner un scandale Wikileaks à l’ivoirienne? Devant les menaces de déstabilisation internes esquissées contre le régime Ouattara notamment de 2010 à 2013, devant les menaces sécuritaires sous-régionales, notamment liées à la problématique du terrorisme religieux, comme on l’a vu par exemple avec les événements de Bassam, de Kidal, de Bamako et de Ouagadougou, comment prendre à la légère l’importance du Secret Défense pour la Côte d’Ivoire? Très clairement, l’absence de Secret Défense correspondrait à l’impuissance totale du système sécuritaire ivoirien à anticiper et traiter les menaces internes et externes.

         La seconde option, celle de la confiscation et de l’occultation permanentes du Secret Défense par l’élite politique, n’est pas non plus tenable. Car elle consisterait finalement à priver le peuple et les institutions démocratiques de leur souveraineté, de leur droit de regard, au nom d’une Raison d’Etat poussée à l’extrême en déraison d’élite. Aucun gouvernement démocratique ne peut définitivement confisquer les informations stratégiques qu’il détient pour la sécurité de son peuple, si ce n’est avec l’Accord des lois et de la confiance de ce même peuple. La confiscation totale d’informations relèverait donc d’une pure et simple dictature. Guillaume Soro justement, ne prône nulle part cette option d’une omerta autocratique sur le Secret Défense.

         Quelle est donc l’attitude la plus adaptée face au Secret Défense? C’est celle qui inspire la sage orientation de l’homme d’Etat Guillaume Soro. Elle consiste en trois précautions essentielles: l’encadrement juridique strict du Secret Défense; l’indépendance des enquêtes gouvernementales, parlementaires ou judiciaires sur les crises sécuritaires; la modération de la presse, de l’opinion nationale et de l’opinion internationale sur les questions stratégiques des Etats démocratiques.  

         Le Chef du Parlement ivoirien, qui connaît bien le système sécuritaire, le système gouvernemental, le système judiciaire et le système parlementaire de son pays, souhaite en effet que celui-ci soit respecté par tous et commence par s’appliquer cette norme, en s’abstenant de toute affirmation sur le système sécuritaire de la Côte d’Ivoire. Guillaume Soro appelle ensuite à la poursuite sereine des enquêtes lancées sur les mutineries ivoiriennes, parce qu’il est convaincu qu’elles toucheront du doigt les réalités qui imposent aujourd’hui prudence et retenue à tous.     

         Enfin, Guillaume Soro, in fine, se fait pédagogue de l’opinion, en invitant tous ceux qui parlent à tenir compte du contexte historique de la Côte d’Ivoire et du contexte mondial marqué par le terrorisme. Ce pays sort de près de 15 années de belligérance interne. Et il est situé dans une Afrique de l’Ouest secouée par la montée en puissance du terrorisme transfrontalier.

         Aimer la Côte d’Ivoire, lui vouloir le meilleur avenir possible, c’est donc respecter son Secret Défense, qu’on le connaisse ou pas. Parler à la légère et à l’emporte-pièces du système sécuritaire de son pays, c’est en réalité le trahir et l’offrir à toutes les prédations. Car sans Secret Défense, aucun Etat de se monde ne peut se défendre! IL me faut et il me suffit, quant à moi, Compagnon de la révolution démocratique ivoirienne, fils adoptif de la Côte d’Ivoire, de l’avoir démontré.

         Franklin Nyamsi – Professeur Agrégé de PhilosophieParis, France-le 23 mai 2017

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