Tribalisme, nationalité française et PDCI : le pari risqué de Thiam face à la souveraineté ivoirienne en pleine vague anti-française sans le continent africain.
Pendant que la Côte d’Ivoire, à l’instar d’autres pays africains, vit à sa façon la réalité des discours souverainistes et anti-français, la figure de Tidjane Thiam, président du PDCI, suscite des interrogations. Son parcours, marqué par une nationalité française assumée et un patronyme d’origine sénégalaise (ce dont il n’hésite pas à se prévaloir en ajoutant qu’il est le premier président musulman et non chrétien du PDCI pour vanter les efforts réalisés), tranche avec les revendications d’« ivoirité » et de rupture avec l’ancienne puissance coloniale. À neuf mois de la présidentielle, son positionnement devient un cas d’école… et un pari politique à haut risque.
Un exploit politique… ou un paradoxe ?
Tidjane Thiam a accompli ce qui semblait impensable : prendre la tête du PDCI, parti historique façonné par l’héritage d’Houphouët-Boigny et longtemps ancré dans une quête identitaire baoulé sous l’ombre de l’ivoirité. L’ex-patron du Crédit Suisse y est parvenu malgré un héritage familial franco-sénégalais et un nom qui ne résonne pas avec les racines multiseculaires ivoiriennes ou l’idéologie ivoiritaire.
Un « exploit » qui force l’admiration de certains observateurs, qui y voient un signe de modernité et d’ouverture post Houphouët du parti. Il suscite aussi scepticisme et critiques. Ses détracteurs dénoncent un tribalisme opportuniste, un choix élitiste détaché des réalités populaires, et surtout une ambiguïté tactique qui alimente fantasmes et craintes au sein même de son parti. Le PDCI évolue, certes, mais sa crédibilité peut-elle tenir lorsque son leader incarne une dualité culturelle qui divise autant qu’elle intrigue ?
Nationalité française : une bombe à retardement ?
Dans un contexte où même Alassane Ouattara – loin d’être perçu comme un opposant à la France – a acté le départ de l’armée française, la double nationalité de Thiam devient pesante. Si ce geste du chef de l’État a pu être salué par certains souverainistes, il met paradoxalement en lumière la position délicate de Thiam.
L’hostilité croissante envers la France, souvent instrumentalisée sur la scène politique, risque d’alimenter une méfiance à son égard. Son attachement revendiqué à la citoyenneté française peut-il lui coûter cher politiquement ? La question est posée.
Ouattara et Thiam : blanc bonnet et bonnet blanc ?
Pour une frange des souverainistes, un rapprochement entre Tidjane Thiam et Alassane Ouattara ne ferait que confirmer une continuité pro-française. Peu importe leurs différends affichés, les deux hommes sont perçus comme des figures d’un même système, celui d’une Côte d’Ivoire connectée aux cercles financiers et politiques occidentaux.
Cette perception pourrait handicaper Thiam dans un contexte où l’opinion publique évolue vers un rejet accru des influences extérieures.
Jusqu’à quand tenir le double discours ?
Thiam avance sur une corde raide : incarner à la fois un PDCI modernisé et une légitimité ivoirienne sans faille. Son pari repose sur une équation presque impossible… pour l’instant.
Entre les attaques sur sa nationalité française, les soupçons de collusion avec Ouattara, et la pression des souverainistes, combien de temps pourra-t-il tenir ? S’il résiste et parvient à imposer son leadership, il marquera l’histoire. Dans le cas contraire, il restera comme le symbole d’une élite politique prise en étau entre deux mondes, incapable de transcender ses intérêts personnels.
Charles Kouassi
