Le Mercredi 15 juin 2016 , alors que rien n’était encore clair et précis , alors également que le mode opératoire du référendum n’était pas tout à fait connu , le quotidien ivoirien L’intelligent d’Abidjan révélait en exclusivité – contrairement aux informations persistantes alors – que le 1er vice-président de l’histoire du pays , ne sera pas Amadou Gon.
Le journal laissait entendre que ce serait plutôt un cadre issu du Pdci-Rda pour ne pas Daniel Kablan Duncan à l’époque Premier ministre ; et ajoutait qu’Amadou Gon pourrait lui succéder à la Primature . Il fallait le faire et le dire sans toutefois être devin !
Le confrère profitait pour révéler quelques éléments sur la troisième République qui s’annonçait. Afrikipresse publie cet article , exactement tel qu’il l’avait été le 14 juin 2016. L’article était signé de Wakili Alafé , journaliste-écrivain- consultant. Lisons !
” Le débat sur la constitution tourne autour du poste de Vice-président : son rôle , ses attributions , son appartenance politique. Le Président de la République étant issu du RDR , le vice-président doit-il venir du PDCI ?
Les Ivoiriens et les ivoiriennes , de la classe politique aux acteurs de la société civile , cherchent un nom. Celui qui revient souvent est Amadou Gon, dont on sait qu’il a la totale confiance et le soutien indéfectible du Président de la République. Certains avancent même l’hypothèse d’une candidature d’Amadou Gon à la présidence de la République en 2020. Mais, 2020 , c’est loin.
À court terme, il est question du poste de vice-président. Cette éventualité est-elle crédible ou s’agit-il d’une « intox », d’une fausse nouvelle comme aiment à les propager les « gourous » de la politique et les « visiteurs du soir », afin de préparer le terrain ?
Plusieurs raisons viennent infirmer cette hypothèse. Amadou Gon ne peut pas être nommé vice-président, d’abord parce que , comme Ouattara, il vient du Nord du pays, ensuite il est musulman et est issu du RDR. Les autres membres du RHDP en particulier le PDCI , y verront une manière de les écarter définitivement du pouvoir.
Or l’instauration de la vice-présidence de la République a pour objectif le renforcement de la cohésion au sein du RHDP, avec un rééquilibrage des pouvoirs au sein de la coalition , et un renforcement de la cohésion nationale. Est-il souhaitable de créer des tensions ?
Personne ne le souhaite , ni Ouattara , ni Amadou Gon lui-même. Même si le Président Ouattara entame son deuxième quinquennat sous les meilleurs auspices, avec des voyants qui sont tous au vert , malgré une grogne sociale , légitime , – car la projet de l’émergence ne suffit pas à nourrir ceux qui ont faim – , il serait inacceptable que tout le pouvoir soit accaparé par un seul camp , un seul clan , un seul parti politique.
On verrait alors ressurgir les vieux affrontements partisans , qui se nourrissent de la haine de l‘autre , haine ethnique , politique , religieuse ou géographique.
En lançant cette information , la Lettre du Continent joue aux apprentis-sorciers , tout en sachant qu’une telle hypothèse se heurte aux réalités politiques ivoiriennes. Mais les « gourous » de la politique et les visiteurs du soir savent toujours retomber sur leurs pieds !
Et ils font en même temps circuler d’autres noms circulent pour le poste de vice-président : Daniel Kablan Duncan, le ” presque frère jumeau” qui aurait la préférence du Chef de l’État. Cette préférence ne fait pas oublier que le Pdci avec Bédié , ainsi que les Ivoiriens dans leur ensemble , auront leur mot à dire , car , en cas de vacance du pouvoir , le vice-président est appelé à remplacer le Président de la République. Parmi les autres noms qui reviennent au PDCI : Achi Patrick, Ahoussou Jeannot, Charles Diby Koffi, Allah Kouadio Rémi, Niamien N’Goran, ou d’autres encore.
Le Président Bédié reste un « faiseur de roi ». C’est sûrement lui qui proposera un vice-président , au nom du PDCI. Si l’hypothèse de la vice-présidence semble difficile pour Amadou Gon Coulibaly , le maintien du poste de Premier ministre semble dans l’immédiat taillé sur mesure pour lui.
Premier ministre et plus si affinités, car en coulisse le chef de l’État aurait précisé qu’être vice-président de la République ne met pas automatiquement dans une position de succession en 2020. En clair si le président Ouattara termine son mandat sans souci aucun par la grâce d’Allah le Tout-Puissant , son éventuel vice-président en exercice ne bénéficiera même pas de la prime de fonction , ni de la garantie que sa position fera automatiquement de lui le candidat naturel et immédiat du Rhdp.
Ce schéma bien huilé sur papier devra cependant affronter sur le terrain les résultats réels du référendum et des législatives , mais également tenir compte de l’état de l’opinion à travers des sondages ciblés permettant d’appréhender ce que souhaitent nos concitoyens. Mais , qu’est-ce qui sous-tend l’idée de la création d’une vice-présidence ? Est-ce l’exemple américain , dont se réclame souvent Ouattara ? Mais , qui connaît le vice-Président des États-Unis , ses prérogatives , son rôle ? Il n’est même pas en course pour la prochaine élection présidentielle aux États-Unis. En réalité , la création d’un poste de vice-Président est indissociable du cas de Guillaume Soro.
Si Guillaume Soro est réélu député , rien ne dit qu’il sera réélu Président de l’Assemblée nationale. Il n’est donc pas utile de s’opposer à la création du poste de vice-Président au motif que le Président de l’Assemblée nationale est, actuellement , le dauphin constitutionnel du Président de la République.
Guillaume Soro lui-même a déclaré ne pas vouloir s’enfermer dans une posture d’héritier , préférant l’onction populaire à travers le suffrage universel.
D’ailleurs , l’actuelle constitution ivoirienne, comme pour dire que c’est à défaut de mieux , ne fait du Président de l’Assemblée nationale qu’un intérimaire ne pouvant faire usage de certains articles de la Constitution. Une manière de refuser le droit à un représentant du pouvoir législatif d’incarner totalement la légitimité et la souveraineté nationale.
Il est pertinent de mettre le législatif en dehors des engagements , des actifs et des passifs de l’exécutif. Mettre hors de la succession du chef de l’exécutif , le chef du législatif , c’est renforcer l’indépendance de l’Assemblée nationale dans son rôle de contrôle de l’action gouvernementale , surtout que la nouvelle Constitution ivoirienne , prévoit une procédure d « impeachment » en cas de forfaiture et de faits graves commis par le Président de la République ou des présidents d’institutions. Procédure à initier par l’Assemblée nationale , sous le contrôle du pouvoir judiciaire. Dans un tel schéma, faire du chef du législatif , le successeur ne pourra que susciter confusion et suspicion.
Si une telle procédure avait existé , n’aurait-elle pas pu être engagée contre Paul Yao N’dré, et même surtout contre Laurent Gbagbo pour avoir apporté sa caution à une violation flagrante des dispositions légales : donner et accepter les résultats d’une élection pourtant entachée d’irrégularités selon le conseil constitutionnel , au lieu de faire reprendre le scrutin conformément aux prescriptions de la loi.
C’est bien cette procédure de destitution, « impeachement », qui vient de se passer au Brésil , c’est bien cela qui avait conduit en Afrique du Sud au départ de Thabo M’beki , sans oublier que les États-Unis ont déjà connu cela. La tentation du pouvoir absolu existant forcément , il paraît important d’encadrer le pouvoir du Président de la République.
Au passage , il convient à la faveur de la nouvelle Constitution , de renforcer le judiciaire pour en faire un véritable pouvoir institutionnel comme aux Usa , au lieu d’une simple autorité comme en France.
Cela doit se faire par la rupture du cordon ombilical entre le Parquet et la Chancellerie. Le Pdci et le Rdr avaient exigé cette séparation sous Laurent Gbagbo , qui avait dit non.
Il paraît également utile de préciser dans la Constitution que tous les actes de violence commis pour accéder ou se maintenir au pouvoir, sont imprescriptibles , et ne peuvent faire l’objet d’aucune loi d’amnistie.
Cela aura le mérite de clarifier les choses , et de permettre à ceux qui sont tentés par les armes , les coups d’État , la confiscation du pouvoir par la force, de savoir à quoi s’en tenir. Enfin, concluons cette analyse en rappelant, au sujet de notre hypothèse de départ ayant servi de prétexte à cette littérature discursive , cette anecdote -ce verbatim- rapportée par le défunt Mamadou Ben Soumahoro ( paix à son âme ) relativement à un entretien avec Laurent Gbagbo. C’était dans la période où comme aujourd’hui , tout le monde annonçait feu Bohoun Bouabré à la Primature. Des journaux sérieux écrivaient cela , et presque tout le monde en parlaient , tant l’ex argentier avait le vent en poupe. C’est alors que Ben Soumahoro s’en était inquiété auprès de Laurent Gbagbo. Et celui-ci de répondre avec le style qu’on lui connaît : ” Mais ceux qui racontent ces choses-là me prennent pour un con ou quoi ? Comment peuvent-ils penser que moi Bété , je vais nommer Bouabré également Bété Premier ministre “. La rumeur mourut alors de sa propre mort quelques temps plus tard. Cette position de principe de Laurent Gbagbo n’a cependant pas empêché de faire douter plus d’un , lorsque une rumeur d’une même nature circula au sujet d’une possible nomination de feu Désiré Tagro à la Primature au détriment de Guillaume Soro. Nonobstant l’accord de Ouagadougou , nonobstant également ce qu’incarnait alors Guillaume Soro par rapport aux Forces nouvelles , malgré le soutien , même du bout des lèvres selon certains , du Rhdp , nous sommes témoins de ce que des proches de Guillaume Soro, crurent vraiment que le seul ministre d’État d’alors , Désiré Tagro voulait être – et pouvait être – Premier ministre. C’est ce même état d’esprit de l’époque qui plane encore, et qui laisse croire , contre toute attente , que le vice-président de la République sera Amadou Gon Coulibaly , alors qu’il y’a une fonction bien opérationnelle pour lui , à savoir la Primature.
Seul le contexte de la création d’une vice-présidence attribuée à une personnalité d’une autre sensibilité peut permettre la nomination d’Amadou Gon Coulibaly , à la Primature. Un tel schéma n’étant possible , dans le contexte de la Constitution actuelle, en dehors d’une situation de crise. Cependant à l’avenir , cette fonction de Premier ministre pourrait constituer un véritable os dans la gorge du ticket présidentiel ivoirien ( des futurs président et du vice-président ) .
Rendez-vous dans quelques semaines si tout se passe comme prévu…. “
L’ intelligent d’Abidjan Numéro 3676 du 15 juin 2016