Sans aucun doute, les syndicats sont le principal obstacle à toute réforme positive en Afrique du Sud. Ce n’est pas parce ces groupes sont plus pervers que les autres, mais simplement parce qu’ils réagissent rationnellement à un environnement qui les incite à la médiocrité et au favoritisme.
Problèmes internes
Les syndicats ont un fonctionnement qui se veut démocratique, mais leurs membres sont confrontés aux mêmes problèmes que n’importe quel électeur dans toute démocratie représentative. Ils se concentrent plus sur les avantages qu’ils retireront personnellement de l’élection de tel ou tel chef que sur l’efficacité des actions à mener pour tous. Ceci peut s’expliquer par le fait que tous les effets néfastes des politiques mises en place sont longs à apparaître et ne sont ressentis parfois qu’après des décennies. Compte tenu de ce décalage, il est facile de comprendre pourquoi les syndicats n’ont pas besoin de toujours défendre les intérêts de ceux qu’ils représentent. Par conséquent, les membres des syndicats devraient sérieusement prendre en main leur destinée et modifier la manière dont leurs organisations sont gouvernées. C’est cependant un problème interne aux syndicats.
Copinage avec le gouvernement
Le véritable problème réside dans les avantages qu’ils reçoivent du gouvernement qui amplifient les problèmes de gouvernance interne et qui portent un coup sérieux aux espoirs de millions de pauvres de ce pays qui ne sont finalement pas une priorité pour ces structures censées défendre leurs intérêts dans le monde du travail.
Les syndicats possèdent de nombreux privilèges en Afrique du Sud, ce qui en fait certainement les structures les plus favorisées du pays. Les syndicats font alliance politiquement avec le parti au pouvoir, ce qui signifie qu’ils ont l’équivalent d’une sorte de veto sur la politique publique et, pour conserver les avantages de cette alliance, ils ont intérêt à trouver des compromis qui ne sont pas forcément favorables à leurs membres. C’est un échange de bons procédés, les uns et les autres se protègent pour garder leur pouvoir.
Marginalisation des chômeurs
Les syndicats ont également la main mise sur les conventions collectives des entreprises. C’est pourtant un outil permettant aux employeurs et à leurs représentants de régir les conditions d’emploi de millions de travailleurs dans un secteur donné. D’évidence aucune des parties impliquées ne ressent le besoin de prendre en compte les intérêts des chômeurs.
Pire, pour les travailleurs syndiqués, il y a de bonnes raisons de ne pas prendre en compte les intérêts des chômeurs. Considérant le travail comme l’un des facteurs de production ayant un prix comme les autres, il est clair que selon la loi de l’offre et de la demande, le meilleur moyen pour les syndicats de négocier des salaires plus élevés pour leurs membres est de restreindre l’offre de travail. C’est la rareté qui fait le prix. Comment cela peut-il être réalisé dans un pays avec un taux de chômage de 37% ? Il faut rajouter à cela tous ceux qui ont perdu tout espoir et ne cherchent plus de travail.
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C’est bien à ce niveau que l’alliance avec le parti au pouvoir est particulièrement malsaine. Les syndicats ont en effet la possibilité de négocier des conditions favorables à leurs propres membres tout en fermant la porte aux chômeurs. L’une des stratégies mise en place pour atteindre leur objectif funeste a été d’instaurer un salaire minimum, qui pénalise de manière importante les jeunes travailleurs non qualifiés et inexpérimentés. L’instauration d’un salaire minimum écarte toute possibilité d’embaucher des nouveaux travailleurs peu qualifiés dont les fonctions ne justifient pas le salaire imposé. Cela les prive de l’expérience dont ils ont besoin pour s’insérer dans le monde du travail.
Des privilèges en cascade
Notons que pour les syndiqués, c’est tout bénéfice parce qu’une partie de la main-d’œuvre ayant un faible niveau de productivité verra quand même ses emplois maintenus malgré la faible productivité. D’évidence, le coût engendré par cette protection sera répercuté sur les consommateurs. Ceci est rendu possible par le fait que les syndicats ont également négocié pour eux-mêmes des obstacles au licenciement de leurs membres.
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Rajoutons qu’en Afrique du Sud, l’État est très impliqué dans la sphère économique, notamment par le biais des entreprises d’État. Les syndicats y sont très influents, ça fait parti du deal. C’est très visible le cas de l’entreprise Eskom. Le gouvernement a annoncé un plan de restructuration de cette société. Le capital de l’entreprise devait être ouvert. Les plus grands syndicats actifs au sein d’Eskom s’y sont opposés, estimant qu’il s’agissait d’un pas en avant vers la privatisation et donc vers d’éventuelles pertes d’emplois. Peu de temps après l’annonce, Eskom a entamé une phase de délestage mais rapidement le gouvernement a « précisé » que la restructuration envisagée n’entrainerait aucune réduction des dépenses et comme par hasard, les délestages ont cessé. Les déficits de l’entreprise seront donc ponctionnés dans le pot fiscal auquel tout le monde contribue, y compris les chômeurs et les plus pauvres qui devront en plus payer leur électricité plus chère dans un environnement non concurrentiel qui n’offre d’autre alternative. Tout cela pour conserver les privilèges d’un petit groupe de syndiqués protégés.
D’évidence, les syndicats sud-africains n’ont aucun intérêt pour les pauvres et bien au contraire, il ne cherchent qu’à protéger leurs adhérents et mimant une action en faveur de l’emploi et du bien commun. Une belle imposture coûteuse !
Mpiyakhe Dhlamini, analyste à la Free Market Foundation.
Article publié en collaboration avec Libre Afrique.