Il n’est de justice que la vérité. Rien au monde, nulle force, aucune ligue d’intérêts, pas même un mensonge d’état ne saurait suffire à voler au peuple congolais la défaite de Denis Sassou Nguesso.
Après la fraude électorale orchestrée par le Parti Congolais du Travail (PCT), puis le « huis clos » mis en place par le Ministère de l’intérieur et suivi de la menterie exprimée par la Commission nationale électorale indépendante (CNEI), voici que la Cour constitutionnelle s’apprêterait, après l’examen des réclamations (art. 176), à consacrer une grossière falsification, en transformant une débâcle électorale en victoire politique. Ce corps arbitral ne serait donc pas neutre, comme l’énonce pourtant l’article 176 de la Constitution. Misère et tristesse du droit, elle aurait vendu son impartialité pour des graines de lentilles.
Le mensonge d’État dont nous parlons ici consiste en l’effet cumulé de plusieurs opérations : la fraude électorale (PCT), elle-même affermie par le huis clos (Min. de l’intérieur), puis consolidée par la menterie (CNEI) et entérinée par la falsification (CC). Il faut y voir le dernier soubresaut du parti-État qui atteste de l’agonie d’une tyrannie.
En tous les cas, si les grandes chancelleries ne cautionnent nullement ce mensonge d’État, pour lors, aucune d’elles n’ose encore, de manière ouverte, le rejeter et le condamner. Ainsi, dans sa livraison de ce jour (1er avril), sous la plume de Tanguy Berthemet, Le Figaro s’émeut-il des contradictions de la diplomatie française, en évoquant le cas du Congo Brazzaville dont les présidentielles sont tronquées mais tolérées.
Mais un tel constat ne change rien au fond, c’est-à-dire à la vérité des urnes. Car la diplomatie française n’est pas habilitée à faire l’histoire du Congo, même si elle peut en infléchir le cours. Pourquoi donc se désoler de ses hésitations ? Cette tâche éminente revient, de droit et de fait, aux Congolais et à leur vaillance. C’est pourquoi Churchill a eu raison de dire que le courage est la plus grande des vertus. Et, en dernier ressort, à la révolte congolaise contre le mensonge d’État, la diplomatie française saura toujours s’adapter. Mais auparavant, songeant à la France, ses diplomates vacillants devraient commencer par se remémorer ces beaux mots de Lamartine tirés de La Marseillaise de la paix, et qui devraient être son leitmotiv :
Ma patrie est partout où rayonne la France
Où son génie éclate aux regards éblouis !
Chacun est du climat de son intelligence.
Je suis concitoyen de toute âme qui pense :
La vérité, c’est mon pays.
Certes, les chancelleries redoutent une guerre civile, premier et dernier argument du régime agonisant de Denis Sassou Nguesso qui en agite le spectre et les affres. Ainsi, sans lui, pas de paix civile. Bon Dieu, il serait mieux que le Fils de l’homme. Autrement dit, la victoire (pourtant réelle) de l’opposition serait synonyme de guerre domestique. Mais qui a intérêt à cela ? Sans aucun doute le tyran de Brazzaville, mais certainement pas l’opposition républicaine qui, véritable vainqueur du scrutin du 20 mars 2016, a autre chose à bâtir pour remettre sur pied un État en déliquescence et unifier la nation congolaise.
L’opposition républicaine, parce qu’elle est nationale (elle comprend toutes les composantes ethniques du Congo), ne peut être encline à la guerre domestique. Elle y a tout à perdre.
Le spectre de la guerre civile (domestique) est un marché de dupes. En conséquence de quoi, le troc de marchandises auquel le tyran entend procéder est prodigieux : fausse démocratie, c’est-à-dire maintien de la tyrannie, en échange de la paix civile. C’est le second mensonge d’État, en réalité le premier puisqu’il a toujours été avancé par le tyran comme le principal argument pour justifier « sa » modification de la constitution de 2002, « son » référendum du 25 octobre 2015 et « sa » (fausse) victoire du 22 mars 2016.
L’axiomatique politique du tyran est donc simple : la démocratie, c’est la guerre. La tyrannie, c’est la paix. Qui veut la paix, doit accepter « sa » tyrannie.
Bref, il y a deux mensonges d’État au Congo : d’une part, la falsification des résultats électoraux, et, d’autre part, le chantage à la guerre civile. Mais qui procèdent de la même fabrique.
Le tyran tiendrait donc en otage, et « son » peuple, et les chancelleries, par la peur. Sous ce rapport, dans ses célèbres Propos sur le bonheur, le philosophe Alain précise les ravages de la peur, en excipant son raisonnement de deux exemples. Dans le premier, il rappelle comment Masséna « eut peur d’une statue dans un escalier mal éclairé, et s’enfuit à toutes jambes ». Des pieds, pourquoi en ai-je ?, dit un proverbe caboverdien. Dans le second est évoqué Bucéphale, le fameux cheval d’Alexandre le Grand qui, s’effrayant à la vue de sa propre ombre, s’agitait et paniquait plus encore aux mouvements précipités de son ombre, ne se laissant monter par personne. Aucun cavalier avant Alexandre n’avait perçu la cause de cette frayeur : celui-ci orienta le chanfrein et les naseaux de Bucéphale en direction du soleil. Le cheval ne vit plus son d’ombre et Alexandre devint le seul à pouvoir le monter.
C’est que, de tous temps, les ombres ont été effrayantes. Peuple du Congo Brazzaville, debout, combien de temps encore te laisseras-tu effrayer par ton ombre ? Car, en vérité, Denis Sassou Nguesso n’est rien d’autre que ta propre ombre. Alors, ne soit pas effrayé comme Bucéphale.
Parce que Jean-Marie Michel Mokoko t’a déjà libéré de ta propre ombre. En effet, ceux qui savent, et cela les chancelleries ne l’ignorent pas, disent qu’il a remporté les élections, dès le premier tour. En ce sens, armé de courage, ton cœur doit confirmer ce que tes mains ont mis dans les urnes.
Il n’y a de véritable paix politique que celle fondée sur la vérité… des urnes.