Le président du Front populaire ivoirien (FPI), Pascal Affi N’Guessan était à Abobo Akéikoi, le samedi 11 juin 2016, à l’invitation des femmes ressortissantes bété du quartier. Il était question de faire comprendre aux uns et aux autres la crise qui prévaut au sein du parti à la rose.
« Nous souffrons parce que nous ne voulons pas ouvrir nos yeux sur la voie qu’il faut prendre pour ne pas souffrir. Nous voulons à tous prix suivre des voies qui ne peuvent que nous mener dans la souffrance. C’est dans cette problématique que nous sommes au Front populaire ivoirien. Après les souffrances de 2010 et 2011, quelle est la voie que nous devons adopter. Notre situation interne, l’unité et la cohésion du parti, pourquoi elle a été fragilisée ? Pourquoi il y a des sons de cloches ? Pourquoi d’autres sont ailleurs et certains avec moi », tels sont les questions que Affi N’Guessan s’est posé au début de son allocution.
Selon lui, la réponse est à la fois simple et complexe. « Simple parce que ce qui nous arrive, c’est ce qui arrive à toutes les organisations, à tous les groupes humains, après un drame. Quand il y a drame, il y a forcément une polémique qui nait. Aujourd’hui il y a palabre parce que nous avons perdu le pouvoir en avril 2011. Si ce n’était pas le cas, on n’aurait pas connu cette crise en notre sein. Et des gens qui voulaient être le président du FPI, se sont manifestés. L’une des causes de la crise, c’est mon poste de président. Même quand Gbagbo était là, ils avaient cela en tête. En février 2012, lorsque j’étais en prison à Bouna, ils ont demandé aux militants de faire un congrès pour élire un nouveau président. Ce que les militants ont refusé ».
Affi a dit que ses camarades ne voulaient pas qu’il sorte de prison. Et deux jours après sa sortie de prison, « ils sont venu me trouver au Plateau me dire comme tu es en liberté provisoire, peux-tu diriger le parti ? Peux-tu encore faire la politique ? Ils m’ont dit qu’ils veulent faire une consultation juridique pour voir si je dois faire la politique ou pas. Je leur ai dit de ne pas se fatiguer et gaspiller leur argent, il serait mieux pour eux d’aller voir Hamed Bakayoko pour qu’il les situe sur mon cas ». Et durant tout ce temps, à en croire le président du FPI, ils ne parlaient pas de Gbagbo, c’est quand ils ont compris qu’ils ne pouvaient pas lui arracher le parti qu’ils ont pensé à utiliser le nom du Président Gbagbo. Sa sortie de prison faisait qu’ils n’avaient plus de privilège.
« C’est ça mon malheur. Tout ce qu’ils vont raconter d’autre que ça est faux. Pour eux, pourquoi j’ai été libéré, alors qu’eux avaient le parti et le micro. Mais à cause de leur ambition je ne vais quand même pas mourir en prison. C’est là qu’ils ont commencé à me mener la guerre. Quand j’étais en prison, ils ont écrit trois fois à Ouattara pour dire qu’ils voulaient la négociation. En septembre 2011, ils ont été reçus au palais. Il y en a même qui ont été à son investiture à Yamoussoukro. Beaucoup étaient près à rentrer dans le gouvernement de Ouattara, si Mamadou Koulibaly n’avait pas dit non », a dit Pascal Affi N’Guessan.
À l’entendre, il y a eu plusieurs négociations entre Alassane Ouattara et ses amis. Mais lorsque lui est sorti de prison et qu’il a voulu poursuivre, « ces mêmes ont dit pas question ! Pour eux négocier, c’est qu’on a trahi Gbagbo. C’est pourtant ce qu’ils faisaient quand j’étais à Bouna. Ils n’ont pas voulu aller aux élections lorsque je leur en ai parlé. Alors qu’en 2014, ils avaient leur matrice où il devait désigner leur candidat pour l’élection de 2015. Et en ce moment on ne parlait pas de Gbagbo. Sur leur matrice, le nom de Gbagbo venait en 35ème position. Leurs préoccupations étaient dialogues, négociations et élection. Mais dès que je suis sorti de prison, ils ont tout laissé pour dire Gbagbo ou rien. Ça c’est le 1er groupe (Douaty, Akoun Laurent… Tapé Kipré) qui cherchait comment m’éjecter de la chaise. Il y a un 2ème groupe qui est venu s’y ajouter. Malheureusement c’est le groupe de certains qui sont très proches de Gbagbo (Sangaré) ou ceux qui sont dans la même région que lui (Marie Odette Lorougnon). Danon Djédjé, je peux dire qu’il les suit comme ça. Pour eux, je suis dangereux pour l’image de Gbagbo. Le nom de Gbagbo est dans la Côte d’Ivoire pour ce qu’il a fait et continue de faire pour l’Afrique. Son nom reste attaché à la Côte d’Ivoire. Nous sommes dans cette situation qui s’est aggravé en 2014 et qui m’a amener à changer la direction. Nous avons décidé d’aller aux élections pour trouver un compromis. C’est fin 2014 qu’ils ont dit il faut qu’on donne le parti à Gbagbo”
Le boycott du RGPH
” On a négocié avec le gouvernement de septembre 2013 à février 2014 et quand je me suis rendu compte que malgré les négociations, le gouvernement ne bougeait pas. Il n’y avait aucun résultat, j’ai décidé du boycott du RGPH. Même si on était fragilisé, on devait trouver des formules pour prouver au gouvernement qu’on n’est pas encore mort. C’est ainsi que j’ai lancé le mot d’ordre du boycott qui a marché, et qui a été bien suivi. Et vu les conséquences du boycott sur le recensement, Aicha Mindaoudou, est allée rencontrer le gouvernement. Ensuite elle est venue nous voir avec une forte délégation de l’Onuci et nous a demandé de répondre à l’appel du gouvernement s’il nous contacte. Une semaine après, le gouvernement nous a adressé pour la 1ère fois une lettre pour nous inviter à une réunion dans la journée. Toutes les questions (retour des exilés, le dégel des avoirs, la libération des prisonniers) qui nous préoccupaient étaient à l’ordre du jour dans le courrier. J’étais certains qu’ils allaient libérer des prisonniers. Mais lorsque je suis allé à la réunion du secrétariat exécutif, les camarades ont dit pas question , on ne va pas. Ils ont voulu qu’on aille au comité central qui regroupe les départementaux. Tout cela pour leur montrer une lettre que le gouvernement nous a adressée. J’ai demandé à ce qu’on aille écouter le gouvernement et venir rendre compte. Ils n’ont pas voulu. Et le 21 mai 2014, il y a eu 2 groupes. On a été à la réunion avec certains camarades. Sangaré et son groupe sont restés. Le gouvernement avait prévu libérer 150 prisonniers, et le dégel de 50 comptes. Par contre il nous a demandé de lever notre mot d’ordre de boycott. Après nous nous sommes retrouvés au comité central. La réunion a été difficile. C’est ce jour-là que le parti a failli disparaître. Ils ont dit qu’on ne lève pas le mot d’ordre parce que pour eux on était en très bonne position. Le mot d’ordre n’a pas été levé, le gouvernement aussi est resté statique et a commencé à empêcher nos meetings. Et les rapports se sont encore tendus. J’ai réfléchi et décidé de faire des changements dans le secrétariat général. Je suis le président et je ne devais pas devenir prisonnier d’eux. Mon acte n’a pas été de leur goût. On était dans un bras de fer. Gnahoré Jean Baptiste et d’autres ont vu que ça n’allait pas. Nous sommes entrés en négociation près d’un mois, et on s’est entendu ».
Le congrès
« Le comité de médiation qui voyait que rien n’allait vraiment, a décidé qu’il fallait un congrès qui a été programmé pour décembre 2014. Mais, ceux qui étaient en face ne faisaient pas le poids. Ils ont vu qu’au congrès ils n’avaient pas de candidat potentiel qui pouvait me battre. Ils ont décidé de donner le parti à Gbagbo, c’est mieux. Ils se sont entendus pour dire qu’au prochain congrès, c’est Gbagbo qui est notre candidat. Dano Djédjé et Marie Odette ont dit qu’ils n’étaient pas au courant de cette décision qui est sortie de Mama. Ils se sont dit surpris de la décision et que, seule, Ago Marthe savait. Michel Gbagbo est venu déposer. Dans notre statut, un militant peut faire des propositions de candidature. C’était leur droit. Mais il appartenait au comité de contrôle de voir. Mais si Gbagbo lui-même n’avait rien dit, il ne fallait pas que le comité prenne en compte cette candidature, dans le cas contraire le parti serait déchiqueté. Malheureusement, le comité a retenu les deux candidatures, Gbagbo et Affi. Et ce même jour deux membres du comité de contrôle ont fait une conférence pour dire qu’ils n’étaient pas d’accord. Ils ont dit que le comité ne s’était jamais réuni, donc ils ne savaient d’où cette liste était sortie. Moi-même je leur ai écrit pour dire d’enlever le nom du Président Gbagbo parce qu’il n’a jamais dit qu’il était candidat. Quelque temps après, ils (Sangaré et autres : Ndlr) sont venu me voir pour dire que comme Gbagbo est candidat, il faut suspendre pour toi ».
Une attitude qui n’a pas ébranlé Affi parce que pour lui, au FPI Gbagbo n’a pas à être candidat avec quelqu’un et que c’est dans sa main qu’il a laissé le parti. Aussi a-t-il ajouté que si Gbagbo voulait reprendre le Fpi , c’est lui allait être le premier à être informé et porter la nouvelle aux yeux de tous. Et que juste avant l’élection présidentielle de 2010, à Issia, Gbagbo lui-même avait dit qu’il ne se voyait pas se battre avec lui pour la présidence du FPI.
« J’ai même voulu que chaque partie désigne une personne pour aller à la Haye. Sangaré a dit pas question », a révélé Affi Nguessan.
L’affaire au tribunal
Face au quiproquo, Affi a décidé d’envoyé le dossier en justice parce que « je n’avais pas d’autre choix. En Juillet 2014 j’ai procédé au changement du secrétariat général. Mes camarades n’ont pas apprécié. Ils m’ont dit que la direction que j’avais mis en place en 2013, c’est ça ou rien. J’ai changé la direction parce qu’à un moment donné, je ne pouvais plus travailler. Ils s’opposaient à tous. J’ai décidé d’envoyer l’affaire au tribunal. C’était le moindre mal. Si on partait au congrès, on allait se frapper et tout cela allait gâter le parti. Quand les gens t’emmerdent et que tu as un moyen de résister, il faut l’utiliser. Dans cette affaire, les gens ont cru que c’est Affi qui s’entête. Voho Sahi, Alcide Djédjé, Marcel Gossio, Christine Adjobi… sont avec moi et ils ne suivent pas aveuglement. Ce ne sont pas des enfants. Nous sommes allés au tribunal et ils ont perdu tous les procès. Je n’ai rien à avoir avec l’emprisonnement de Assoah Adou, Oulaï Hubert et autres. S’ils sont en prison cela dépend d’eux-mêmes. Je leur ai dit que nous sommes fragilisés face à un pouvoir qui est violent, donc sachons marcher et évitons là où ils peuvent nous agresser facilement. S’ils avaient fait comme je le voulais, personne ne serait en prison. Leur emprisonnement me donne un travail supplémentaire. Aujourd’hui, ils se rendent compte qu’ils sont dans l’impasse. (…) Nous espérons nous retrouver très bientôt pour poursuivre la lutte. Ils ont envoyé Akoun à la Haye pour rencontrer le Président Laurent Gbagbo pour lui dire qu’ils ont l’envie d’aller aux élections. Le président Gbagbo leur a dit de venir nous voir. Mais comme c’est lourd pour eux, ils ne peuvent rien dire de ce que Gbagbo a dit. Nous espérons qu’ils ne se rebelleront pas contre lui aussi. Leur place est dans la direction, nous les attendons et même là où ils veulent être candidats , nous allons leur donner l’opportunité », a-t-il confié.
Auparavant, Rose Gouaméné, initiatrice de la rencontre, par ailleurs membre de la chefferie, avait dit que le Président Gbagbo a laissé a maison à Affi, il lui appartient donc de rassembler tous les fils et filles. Et que le ‘’ pagne’’ du père qui a été déchiré en plusieurs morceaux soit recousu.
HG